L'affaire du Con insoumis (Coño Insumiso), classée d'abord sans suite, connaît un rebondissement en appel !
Péché ou délit ? Blasphémer équivaut-il à commettre un délit dans un état en principe non confessionnel ? Une prétendue offense religieuse doit-elle être poursuivie en vertu du code pénal ? Question que pose la plainte d’une Association d’avocats chrétiens contre un groupe de féministes (et des syndicalistes) pour un supposé délit d’atteinte aux sentiments religieux : le 1er mai 2014, dans une parodie des manifestations de la semaine sainte, elles avaient organisé la Procesión del "Coño Insumiso" !
Trois féministes et deux responsables syndicaux (CGT) ont été inculpés par la juge d’instruction 10 de Séville pour un délit contre les sentiments religieux pour avoir porté en procession un vagin géant en plastique durant une manifestation du 1er Mai ! A la suite de la plainte de l’Association des avocats chrétiens, elle avait demandé à la police d’identifier formellement les organisatrices de cette joyeuse mascarade. Les femmes inculpées sont membres d’une Association du Sabbat féministe sévillan qui rend un culte au « Santísimo Coño Insumiso », au Sanctissime con insoumis !
La plainte des fondamentalistes cathos contre la procession blasphématoire à leurs yeux se fonde sur un article 525 du Code pénal espagnol, objet de controverses entre juristes, qui stipule qu’encourent une peine de prison de 8 à 12 mois ceux qui, pour offenser les sentiments des membres d’une confession religieuse, se livrent, en paroles, par écrit ou par tout autre moyen, à des railleries sur les dogmes, croyances, rites ou cérémonies ou s’en prennent à ceux qui les professent ou les pratiquent.
Le secrétaire général de la CGT de Séville, Miguel Sevillano, et le Secrétaire à l’organisation de la CGT en Andalousie, Félix Cervera, sont aussi inculpés de délit contre les sentiments religieux et de délit de provocation à discrimination, la haine et la violence pour des motifs liés à la religion ou aux croyances. Ils se défendent en disant que des associations qui ne dépendent pas de la CGT se sont jointes librement à la manifestation du 1er mai.
Mais l’instruction a eu beau jeu de rappeler que le 10 avril, la CGT avait déjà organisé une procession de l’Anarcofradía del Santísimo Coño Insumiso y el Santo Entierro de los Derechos Sociolaborales (L’anarcho-fraternité du con insoumis et du saint enterrement des droits sociaux des travailleurs) !
Et l’Association des avocats cagots de s’indigner de cette parodie des processions de la Semaine Sainte, mise en scène sur le ton de la dérision, avec de fausses pénitentes, marchant au rythme des tambourins et portant sur leurs épaules le présentoir d’un vagin en plastique de plus d’un mètre de haut, drapé comme une Sainte Vierge !
La Fraternité du Sacré Con Insoumis à l’exploitation et à la précarité proclame : « Nous sommes les louves, les folles, les étudiantes, les putains, les précaires, les chômeuses, les hétéros insoumises, les vieilles, les fillettes, les grosses, les maigres, les mauvaises et incorrectes, les migrantes, les sorcières, les mères, les avorteuses, les noires, les lationoaméricaines, les gitanes et les musulmanes, nous sommes les violées, les mortes, les battues, les écorchées, les cachées, les interdites, les insensées, les féminazis, les radicales, dignes d’être brûlées sur le bûcher… »
La défense stupéfaite
Luis de los Santos, avocat des inculpés a exprimé sa stupéfaction pour cette utilisation du droit pénal basée sur des intérêts politiques prédémocratiques de la part des l’association des avocats chrétiens ! Il réclame le non-lieu. Il n’y aucun délit. Cette manifestation était dénuée de tout caractère religieux (“no tiene nada que ver con la religión”). Le code pénal est instrumentalisé pour criminaliser la liberté syndicale et la liberté d’expression.
Sources :
- El PLural (27/11/2015) : Imputadas las tres feministas que procesionaron el ‘Santísimo Coño Insumiso’ en Sevilla
- Kaosenlared (02/12/2015) : ¿Delito o pecado? Un vídeo evidencia el tono festivo del ‘Santísimo Coño Insumiso’
- Saltimbanqui (El circo) (26/11/2015) : Imputadas las tres feministas que sacaron en procesión el ‘Santísimo Coño Insumiso’
Des membres de la confrèrie
Le tribunal de Séville ordonne de ré-ouvrir l’affaire de la Procession du ‘Con insoumis’
La Cour Provinciale de Séville a décidé de rouvrir l’affaire de la procession d’un vagin de plastique* de 1m de large sur 2m de haut, imitant une statue de Vierge Marie, dans la manifestation du 1er mai 2014, organisée par la CGT, d’après l’Association des avocats chrétiens à l’origine de la plainte.
Ainsi, dans une ordonnance le tribunal a estimé partiellement recevable le recours présenté par cette association contre la décision du 7 juin 2016 de la juge d’instruction de classer l’affaire sans suite considérant que « ne pas croire dans les dogmes et le manifester publiquement fait partie de la liberté d’expression ».
Devant cette affirmation des inculpés que leurs actes relevaient de la liberté d’expression, le tribunal a allégué que ce droit n’est pas absolu, mais qu’il était soumis aux « droits fondamentaux reconnus par le titre I de la Constitution espagnole dont celui de liberté idéologique, religieuse et de culte ».
L’Association des avocats bigots, par la voix de sa présidente Polonia Castellanos – la même qui a mené la croisade contre les Drag queens – que la seule chose qu’ils exigent c’est « le respect de la foi des chrétiens, leurs dogmes et leurs croyances ». « Nous acceptons la critique, mais toujours dans le dialogue, non dans la vexation, la moquerie ou l’offense. » a-t-elle ajouté.
Bilbao
La juge Pilar Ordóñez, qui avait classé la plainte, avait considéré que les faits dénoncés par cette association ne constituaient pas un délit et avait donc relaxé les trois femmes qui avait été identifiées comme porteuses du vagin en plastique et les secrétaires syndicaux CGT de Séville et de l’Andalousie, Miguel Sevillano et Félix Cervera.
La magistrate dans ses attendus s’appuyait elle aussi sur la Constitution espagnole qui garantit certes la liberté religieuse, mais dans un état a-confessionnel : les pouvoirs publics doivent aussi bien garantir que les citoyens puissent professer, en privé comme en public, une religion déterminée que d’empêcher que quiconque soit obligé de professer une religion, la Constitution proclame également le principe d’égalité et interdit une quelconque discrimination pour cause de religion ou d’opinion.
De son point de vue, cette parodie n’avait pas pour but de porter atteinte aux sentiments religieux, ni d’humilier ou blesser. Ne pas croire dans les dogmes d’une religion et le manifester publiquement fait partie de la liberté d’expression. La juge constatait l’absence de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence dans la manifestation.
Quant aux deux cégétistes, elle constatait que si ce syndicat avait bien provoqué la manifestation du 10 avril 2014, elle avait pour objectif de protester contre les licenciements dans l’entreprise Damas. Quant au 1er mai 2014, le groupe féministe s’était joint à la manifestation syndicale à la hauteur du Parlement andalou, après avoir eu son propre parcours, indépendamment donc de la CGT.
Ce sont donc ces attendus de la Juge d’instruction que remet en cause le Tribunal Provincial, qui s’appuie sur le fameux article 525.1 du Code pénal espagnol pour cette raillerie publique des dogmes et rites religieux. La magistrature espagnole est bien divisée entre une aile conservatrice et une aile libérale. La destitution, naguère, du juge Garzón montre que l’héritage du franquisme dans ce corps judiciaire est encore bien pesant. Et les actions répétées des avocats bigots montrent aussi que le national catholicisme est toujours prêt à réapparaître.
* Ce vagin en plastoc massif eût-il été signé Jeff Koons qu'il eût été acheté à prix d'or par François Pinault et même exposé à Versailles où il aurait plus que "Dirty corner" mérité d'être baptisé "le vagin de la reine" !
Pour compléter :
La Procesión del Coño Insumiso y el Virgo de sus Cofrades
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