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19 avril 2008 6 19 /04 /avril /2008 20:17

 

L'ASSIETTE AU BEURRE (1901-1912), parfois qualifiée de "brûlot anarchiste", anti sabre et anti goupillon, mais aussi anticolonialiste, illustre ici la fin du concordat, c'est-à-dire la séparation de l'église et de l'état (loi de 1905) dans un esprit très bouffeurs de curés, puis les difficultés des "inventaires" où aristocrates et clergé mobilisent un paysannat soumis pour faire échec aux représentants de la République.

 

Le concordat - qui survit en Alsace et Moselle - faisait des ministres des cultes (catholique, protestant et juif) des salariés de l'état. Pour l'Assiette au beurre sa rupture devait aboutir à priver le clergé de ressources. Ainsi l'évêque qui sent le tapis glisser sous ses pieds s'écrie « Je voudrais bien être sénateur inamovible » ; les curés se heurtent à un guichet fermé où le fonctionnaire ironique leur dit « Désormais c'est au ciel qu'il faudra vous adresser, messieurs les curés » ; dorénavant « chacun paiera son culte ». Les envoyés à Rome reviennent déconfits et sac vide : Le Saint-Père leur a dit textuellement : « Mon cher fils, je reçois de l'argent, mais je n'en donne pas. Payez-vous sur la bête ... c'est-à-dire sur les fidèles. »

 

 « L'eau bénite est hors de prix » confie une paroissienne à sa voisine. Deux amoureux, surpris dans les champs par le curé, se voient proposer « au rabais » « deux absolutions et un baptême » pour 15 francs. Un évêque sollicite une place de « sous inspecteur des monuments historiques ». Un curé ouvre une agence matrimoniale où il essaie de placer un « ancien enfant de cœur (sic) ». Un autre « régénéré par le travail » se voit accueilli par une bienveillante républicaine, symbolisant la République, qui lui dit « entre, maintenant que tu es devenu un homme ».  Les habitants des villes et des villages s'approprient les églises « bien de la nation ». Enfin un défilé de « croyants » de toute espèce (y compris francs maçons) illustre cette pensée : « Hors des églises, point de salauds » (pensée, au demeurant, bien optimiste, hélas). L'Assiette au beurre se situe là, dans l'optique de ceux, qui contrairement à Aristide Briand, voyait dans la loi de 1905 une étape dans l'éradication de tous les cultes.

 

La deuxième partie est beaucoup moins optimiste, mais décrit assez bien le climat des inventaires des biens des églises en 1906. « Poussez ma sœur, c'est pour la bonne cause », encourage le curé qui fait bloquer la porte de l'église. Quand, d'aventure, l'inventaire est fait, on s'aperçoit qu'en vil plomb l'or s'est transformé. Le curé en chair et en chaire fait croire à ses paroissiens que leurs biens sont menacés. Une troupe de paysans armés de fourches monte la garde nuitamment, tandis qu'une femme se glisse dans l'église pour « consoler » le curé. Une matrone imposante au milieu d'un groupe peu amène proclame : «Pour toucher au Bon Dieu, il faudra nous passer sur le corps ! ». Un marquis, en jugement entre deux gendarmes, se voit apporter une chemise propre par son valet de chambre. Quant à l'officier qui commande la troupe chargée de faire ouvrir l'église, il déclare : « Je ne veux pas enfoncer le portail d'une église où se trouve le Saint Sacrement. Je n'ai jamais enfoncé que les portes de la Bourse du Travail ! ».  Un gras évêque lit une protestation à un préfet à terre qu'il tient sous son pied. Mais la planche qui décrit sans doute le mieux le climat de ces inventaires est celle intitulée «Un nouveau sport » où l'on voit des aristocrates observer de loin leurs paysans, avec cette légende : « Avec les paysans comme rabatteurs chacun peut s'offrir avec des invités une jolie chasse au sous-préfet ! ».

La plupart de ces planches ont été mises en ligne par Mme Tiphaine Le Yoncourt, professeur à l'Université de Rennes 1, mais on peut trouver un très large échantillon des productions de l'Assiette au beurre sur http://www.assietteaubeurre.org/.

A la même époque on trouve "A bas la calotte" ou "Les Corbeaux" plus spécialisés, comme leurs titres l'indiquent (on trouvera un petit montage de leurs planches à la fin de l'article sur Aristide Briand).

 

Le petit montage qui suit est une introduction à la page de planches de l'Assiette au beurre (cf sur la colonne de droite "Albums photos" où vous trouverez  les planches et leurs légendes)

 

Ce montage reprend quelques dessins de Jossot*, un anarchiste qui moque les Francs-Maçons...

*L'anarchiste va virer musulman pendant une bonne quinzaine d'années

 

 

 

 

 

 

 

Musique de Mozart (La flûte enchantée)

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L'Assiette au beurre
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5 janvier 2008 6 05 /01 /janvier /2008 15:52

7 mars 1932 : décès d’Aristide Briand, Prix Nobel de la Paix et rapporteur de la loi du 9 décembre 1905.

    Aristide Briand, le grand oublié lors du centenaire le la LOI DE 1905, loi dont il fut le maître d’œuvre, voulait une séparation qui ne fût pas la victoire d’un camp sur un autre ; il voulait une loi qui permette, ce qu’avaient voulu au XIXe siècle Lamartine et Montalembert, une église libre, dans un état libre. Il souhaite une séparation loyale et complète. Il s’oppose ainsi à la vision de la laïcité de ses amis de la Libre-Pensée qui n’apprécient pas  que le texte ne combatte pas l’église et ne cherche pas à la réduire.

Ainsi,  quand Vaillant affirme : « Tant que l’église n’aura pas entièrement disparu, tant que la laïcisation de la société ne sera pas faite, notre tâche ne sera pas assurée… », il déclare « J’ai horreur de la guerre religieuse. Le succès de mes idées, leur réalisation, dépend trop de la pacification des esprits  pour ne pas voir l’église s’accommoder du régime nouveau. »

Interpellant des députés anticléricaux, il demande « Que voulez-vous faire ? Voulez-vous une loi de large neutralité, susceptible d’assurer la pacification des esprits […] ? Si oui, faites que cette loi soit franche, loyale et honnête. »

 

Une fois tous les articles votés, il s’adresse aux députés de droite : « Vous ne pouvez pas vous plaindre, messieurs, d’avoir rencontré chez nous, sur le fond même des choses, un parti pris tyrannique puisque, dans plusieurs circonstances sur des points graves, je pourrais dire essentiels du projet, nous nous sommes rendus à vos raisons, désireux que nous étions de faire accepter la séparation par les nombreux catholiques de ce pays. […] Ce mot a paru extraordinaire à beaucoup de républicains qui se sont émus de nous voir préoccupés de rendre la loi acceptable par l’église. » Il conclut que la majorité républicaine a généreusement accordé aux catholiques « tout ce que raisonnablement pouvaient réclamer vos consciences : la justice et la liberté. ».

 

Un pape particulièrement borné

Briand avait parié sur l’intelligence de l’église, hélas le pape de cette époque est particulièrement borné.

Deux mois après la promulgation de la loi, Pie X la condamne sans détour, dans des termes dont on entend comme de lointains échos dans le discours du « chanoine de Latran ». Pour lui, cette loi est « la négation très claire de l’ordre surnaturel. Elle limite en effet l’action de l’état à la seule poursuite de la prospérité durant cette vie qui n’est que la raison prochaine des sociétés politiques ; et elle ne s’occupe en aucune façon, comme lui étant étrangère, de leur raison dernière qui est la béatitude éternelle. » Il rappelle les règles de fonctionnement de l’église dans laquelle « la multitude […] n’a pas d’autre devoir que celui de se laisser conduire et, troupeau docile, de suivre ses pasteurs. »

Face à cette intransigeance, A. Briand va proposer en décembre 1906 une loi « telle que, quoi que fasse Rome […], il lui soit impossible de sortir de la légalité. Voilà notre violence et notre tyrannie. »

 

Il faudra cependant attendre 1924 et Pie XI pour que la papauté accepte de facto la loi de 1905.

 

Aristide Briand résume bien l’esprit de la loi de 1905 en écrivant dès son rapport* sur le projet de loi : « Toutes les fois que l’intérêt de l’ordre public ne pourra être légitimement invoqué, dans le silence des textes ou le doute sur leur exacte interprétation c’est la solution libérale qui sera la plus conforme à la pensée du législateur. »

 

D’après Aristide Briand, le ferme conciliateur Gérard Unger Fayard

 

 

 

 

 

 

 

* Le texte de la loi, les débats parlementaires du 21 mars 1905 au 3 juillet 1905, la chronologie http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/eglise-etat/sommaire.asp

 

Faux débat, qui ressort régulièrement, public/privé.
 

La loi de séparation des églises et de l’état, en abolissant le concordat, fait relever les églises du droit privé et non plus du droit public (l’état ne salarie plus ses « ministres » ni ne nomme les évêques). Donc, sur le plan strictement juridique cette distinction est fondée.

En revanche, vouloir faire croire que les convictions religieuses ne peuvent s’afficher publiquement est totalement contraire à la loi de 1905.

« Les réunions pour la célébration d'un culte tenues dans les locaux appartenant à une association cultuelle ou mis à sa disposition sont publiques. » (Art 25 : elles se passent d’ailleurs souvent dans des édifices publics mis gratuitement à la disposition de ces cultes). Le débat sur l’article 27 qui porte sur les sonneries de cloches, les processions sur le domaine public a donné lieu à  un affrontement entre ceux qui voulaient les interdire (ainsi que le port de la soutane sur la voie publique : Briand ironisa sur ceux qui voulaient que la République se préoccupe d’habillement) a été tranché dans un sens « libéral » (soumis à autorisation des maires et la plupart des arrêtés d’interdiction ont été annulés par la justice administrative).

 

    En revanche, l’obstination des papes, affirmée par Pie X, mais qui reprend de la vigueur avec JP 2 puis B 16, et du clergé à vouloir « subordonner la société civile à la société religieuse, à vouloir étendre à la société politique les règles et méthodes de cette Église, à utiliser des armes spirituelles à des fins temporelles, à se servir du pouvoir politique pour imposer sa vision morale, individuelle ou collective » (Marc Ferro) est toujours présente. Il n’est que de voir la manifestation organisée par une église espagnole qui n’a jamais reniée son soutien indéfectible à la « croisade franquiste », pour défendre les « valeurs familiales ». En Italie, elle se livre à des pressions sur les parlementaires. Si l’église de France est plus sage – mais les propos indécents du chanoine d’honneur du Latran risquent de faire évoluer négativement le climat – elle n’en appelle pas moins à re-catholiser un enseignement privé qui, bien que confessionnel, tendait à se séculariser fortement. Elle ne fait que suivre le Vicomte Le Jolis de Villiers de Saintignon que j’ai entendu à Montaigu, il y a au moins douze ans, fustiger les représentants de l’enseignement privé sur ce même thème.

 

Cette « renaissance », à laquelle appelle notre Ouf 1er, ne serait-elle pas la renaissance du cléricalisme ?



Ci-dessous un petit montage de dessins tirés des journaux anticléricaux de l'époque d'Aristide Briand , quelques-uns d'entre eux portant sur la séparation de l'église et de l'état (église au singulier, car ils ne portent que sur l'église catholique).

 

 

 

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