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11 mai 2018 5 11 /05 /mai /2018 17:53
Quand Blanquer accueille hypocritement Latifa ibn Ziaten

Image touchante que celle de Madame Ibn Ziaten au côté de M. Blanquer Ministre de l’Éducation Nationale. D’autant que le cher Ministre touitte : « Félicitations à Mme Latifa Ibn Ziaten qui, au quotidien, travaille à la lutte contre la radicalisation par le témoignage de son drame personnel et par un discours de concorde et d’émancipation. » Sauf que ledit Ministre, faisait part à une radio de son « approche personnelle », estimant qu’un parent accompagnant une sortie scolaire ne devrait « normalement » pas porter de signe religieux, donc a fortiori une intervenante dans une classe. Et que surtout, il a institué un prétendu « conseil des sages » sur la laïcité dont un des membres s’interrogeait sur le port d’un foulard par Mme Ibn Ziaten devant des élèves.

Obin hélas

Ce conseil des sages a d’ailleurs entamé une séance de travail par une audition de Jean-Pierre Obin*. L’IG honoraire, auteur d’un rapport en 2004, est régulièrement invité comme spécialiste incontesté des méfaits de l’islamisme dans le système scolaire. Ainsi le retrouve-t-on devant une « commission d’enquête parlementaire sur les menaces qui pèsent sur l’école républicaine », créée au lendemain de l’attentat de Charlie à l’initiative de Bruno Retailleau, pur produit de l’école confessionnelle, pour y défendre l’interdiction du voile à l’université. Malgré des précautions méthodologiques - « Le panel d’établissements visités ne constitue en aucun cas un échantillon représentatif des établissements français, ni sur le plan de l’étude ni d’ailleurs sur aucun autre ». « Cette étude ne peut prêter à généralisation et à dramatisation excessive : les phénomènes observés l’ont été dans un petit nombre d’établissements. » - son auteur en généralise les observations avec une constance d’autant plus remarquable qu’elles reposent sur une enquête de 2003 !

Et, si l’on en croit les extraits du compte-rendu publié par un blog de mediapart, c’est sur la base de son intervention que le débat s’instaure dans cette réunion du 5 février.

On ne pouvait rêver meilleure base !

Demandez le programme

Le débat fait quand même un peu café du commerce quand Mme Kintzler, après avoir dit « le danger serait d’aligner les religions dans un relativisme prudent », s’interroge « Ne vaudrait-il pas mieux commencer par l’étude des religions les plus anciennes, des mythologies ? ». Les échanges se concentrent à présent sur ce fameux enseignement du fait religieux. Certains s’inquiètent de la façon dont il est dispensé. Les membres du conseil sont d’accord pour qu’il le soit, « à la condition que ce ne soit pas une discipline à part, disjointe des autres enseignements », car « il y a un réel danger de théologisation de l’enseignement », peut-on lire dans le compte-rendu.

Or si Mme Kintzler et ses collègues s’étaient un peu penchés sur les programmes, ils auraient vu que croyances et mythes de la Grèce et de Rome sont placés, assez (chrono)logiquement, avant l’étude du judaïsme et du christianisme, puis l’année suivante de l’islam. Que ce n’est pas non plus une « discipline à part » et donc que la « théologisation » relève du fantasme obsessionnel. « Les faits religieux ne font l’objet d’aucun enseignement spécifique mais sont présents dans les programmes de nombreuses disciplines, comme l’histoire, les lettres, l’histoire des arts ou la philosophie car ils sont un des éléments de compréhension de notre patrimoine culturel et du monde contemporain ». (Ministère de l’éducation nationale).

Quant à ne pas aligner les religions dans un relativisme prudent, qu'est-ce que ça peut bien vouloir dire ?

Le voile, toujours le voile

Les propos prêtés à Laurent Bouvet, professeur de science politique à l’université Versailles-Saint-Quentin (Yvelines) et cofondateur de l’association Le Printemps républicain, sont du même comptoir : « il serait bon que les enseignants abordent la question du sens, sur le voile par exemple ». « Mais peut-on garantir qu’ils auront à cœur de le faire ? Qu’ils auront la rationalité nécessaire ? interroge-t-il. Dans l’enseignement supérieur, de nombreuses thèses de jeunes chercheurs (sur le genre, sur le postcolonialisme, etc.) sont devenues majoritaires. Elles affirmeront, pour le voile comme pour la minijupe, que ce sont des outils d’émancipation pour les jeunes filles. Et on retrouve ces arguments dans la bouche d’hommes de gauche. Beaucoup de ces formateurs font de l’islam la religion des opprimés. »

Si on essaie de traduire ce gloubi-boulga, les enseignants devraient affirmer que le foulard sur la tête d’une supposée musulmane est un signe religieux quasi prosélyte. Mais que les formateurs d’enseignants pervertis par les recherches en vogue (genre, postcolonialisme), feraient de l’islam la religion des opprimés – tels de vils islamo-gauchistes – et seraient donc totalement incapables de donner aux futurs enseignants ce fameux « sens » du voile !

J. P. Obin a fait des adeptes de la généralisation avec une représentante de la Direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco) qui dit « qu’il y a en effet beaucoup de revendications de jeunes parents, sans compter l’augmentation des demandes de dispenses de cours (en éducation physique par exemple), et l’explosion de l’instruction à domicile » sans apporter quelque donnée que ce soit pour étayer ces affirmations (celle sur l’explosion de l’instruction à domicile semblant la plus hasardeuse).

Pour terminer, les « sages » saluent « la démarche des enseignants qui invitent à leur cours des personnalités – un rescapé de la Shoah, ou Latifa Ibn Ziaten », la mère de la première victime de Mohammed Merah, qui intervient régulièrement en milieu scolaire dans le cadre de la prévention et de la lutte contre la radicalisation. Surgit alors cette suggestion : « Pour cette dernière, on peut souhaiter qu’elle enlève son voile en entrant dans la classe, serait-elle ouverte à cette proposition ? ».

Faut-il préciser à M. Bouvet que Mme Ibn Ziaten porte un foulard en signe de deuil ?

 

 

* Avant le vote de la loi de 2004 – dite loi Stasi – j’avais provoqué un échange entre Jean-Pierre OBIN, qui était encore un membre éminent d’Education et Devenir, et Jean-Pierre ROSENCZVEIG, juge pour enfants et grand militant des droits de l’enfant. L’IG était chaud partisan de l’interdiction du voile à l’école, le juge contre.

 

NB Madame ibn Ziaten avait aussi subi des attaques lors d'une réunion au sein de l'Assemblée Nationale.

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22 janvier 2008 2 22 /01 /janvier /2008 16:46

Un collègue et néanmoins ami, à moins que ce soit l’inverse, nouvellement nommé dans un collège ZEP décrit une situation très inquiétante : inscriptions odieuses visant une collaboratrice, cailliassage des logements de fonction, début d’incendie de nuit dans le collège, ce qui démontre qu’après des années de rodomontades de l’ex-ministre de l’intérieur, la situation loin de s’améliorer, se dégrade encore.

 

Implicitement, il met cette montée de la violence en parallèle avec une montée de l’ "islamisme" : maman maintenant voilée alors qu’elle ne l’était pas, demande de viande hallal, réaction de bigotisme musulman d’une élève, tag « vive l’Algérie et le Maroc » (l’union de ces deux pays dans la même inscription ne reflète pas la franche inimitié qui les unit !). Ce qui montrerait, que contrairement à ce que semble croire notre chanoine de Latran, la montée de l’emprise du religieux n’est pas synonyme d’apaisement, pour autant que les deux phénomènes soient corrélés.

Un autre ami et néanmoins collègue, lui aussi en ZEP, constate que le trafic de substances interdites est plus garant de la tranquillité du quartier. L’opium du peuple est moins efficace que les marchands d’opium (bien sûr, il s’agit plutôt de shit ou de coke).

 

Trouvé sur un site de droite extrême (à noter que la photo a été pillée sur un ancien site d'Education & devenir, prise à Lille en 2003 par votre servieteur)

 

Le 1er invitait à une relecture du « rapport Obin ». Dans ma réponse – bien qu’il se défendait de généraliser, c’était, de mon point de vue, le sens général de son message et de cette référence – je lui disais assez banalement : ton expérience - et tu le sais, venant comme tu dis, d'un établissement dans un contexte plus serein - ne décrit pas obligatoirement la réalité, tout aussi difficile mais autre, que certains peuvent vivre dans d'autres ZEP.

Ce que confirmait son collègue qui lui se trouve face au conflit entre enseignants qui veulent enseigner et élèves qui ne veulent ou ne peuvent faire les efforts demandés et affronte donc de nombreuses difficultés de vie scolaire.

 

Puisque le rapport Obin était cité, je rappelais que, d’entrée, il y était indiqué qu’il n’avait pas valeur de sondage scientifique, même si son auteur a eu tendance à oublier cette précaution méthodologique*.

 

Quelle politique de civilisations ?

Etait cité aussi une opinion de Samir Naïr, dans Libé (http://www.liberation.fr/rebonds/304626.FR.php) Quelle politique de civilisations ? qui était supposée me faire hurler. Je répondais donc que certes, en filigrane, on pouvait retrouver des thémes propres aux soi-disant Rrrrrrépublicains (« un rôle accru de l’Etat en tant que vecteur du bien-être collectif » comme si les autres collectivités territoriales, sous réserve d’un système de péréquation, ne pouvaient aussi être ces «vecteurs », mais tu le vois, tu me pousses à chercher la petite bête). Remplacer la très mauvaise traduction d’affirmative action, cette discrimination positive, par redistributions ciblées non pas sectorielles mais vers les banlieues stigmatisées, les quartiers marginalisés ou les zones urbaine abandonnées pourquoi hurler ?

Puis-je avouer que cette idée d’un espace public laïc, qui respecte croyants et non-croyants, constituant l’horizon indépassable de la liberté de conscience est d’une généralité telle que je ne vois là rien qui puisse me faire sortir de mes gonds ?

Mais le fait même que ce point de vue soit supposé me faire bondir démontrait un sérieux malentendu sur ce que j’ai pu commettre sur la laïcité.

 

Laissons de côté, la conception des soi-disant rrrépublicains qui, dans un amalgame qui ressemble à de la bouillie pour les chats, récusent le droit à se réclamer de la laïcité si, par exemple, on n’est pas noniste. Ce n’est plus de laïcité qu’il s’agit, mais de sectarisme.

En revanche, la distinction entre public (« espace public laïc » écrit Sami Naïr) et privé (domaine des convictions religieuses et/ou philosophiques), que j’ai récusée, en m’appuyant notamment sur la Loi de 1905 et les débats qui l’accompagnèrent, a peut-être été la cause de ce malentendu.

 

une-marianne.jpg

Entre deux trains, je me suis laissé attirer par la couverture de Marianne (hebdo que je ne prise guère : le centrisme imprécateur de son fondateur me hérissant, sans parler de la dame Polony, plus Brighellienne que Brighelli).

Dans un long article sur le discours du chanoine de Latran (discours qui date du 20 décembre, l’article du 19 janvier), je suis tombé sur un encadré « Propos blessants » de Catherine Kintzler**. Il permet de bien éclaircir cette question en distinguant la puissance publique et l’espace civil. « La loi, la puissance publique, les affaires politiques sont disjointes de toute croyance et de toute incroyance […] en conséquence la puissance publique s’oblige à un devoir d’abstention. C’est précisément en vertu de cette abstention […] que, partout ailleurs dans la société civile, les opinions, les croyances et incroyances sont libres » dans le respect de la loi.

 

Je n’échapperais pas, cependant, à une lecture symptomale, comme disait le camarade J. Julliard, à laquelle je dois sans doute aussi me livrer. Nobody is perfect !

 

* "Un commentaire méthodologique s’impose ici. Le panel d’établissements visités ne constitue donc en aucun cas un échantillon représentatif des établissements français, ni sur le plan de l’étude ni d’ailleurs sur aucun autre. […]

Cette étude ne peut donc prêter à généralisation et à dramatisation excessive : les phénomènes observés l’ont été dans un petit nombre d’établissements. Pour autant, les établissements visités constituent sans doute un panel assez représentatif de cette marge particulièrement active du système éducatif quant à l’objet de notre étude : ce sont le plus souvent des collèges, lycées et lycées professionnels qui recrutent la totalité ou une partie significative de leurs élèves dans des quartiers dont la « ghettoïsation » est largement entamée, voire achevée ; ce qui s’y joue, insistons-y, ne peut donc être généralisé." (page 6)

** Cette distinction ne règle évidemment pas tout car il faut savoir où se situe la "frontière" puissance publique/espace civil : en témoigne la nouvelle pseudo affaire du voile (Sus à la halde)

 

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