Image touchante que celle de Madame Ibn Ziaten au côté de M. Blanquer Ministre de l’Éducation Nationale. D’autant que le cher Ministre touitte : « Félicitations à Mme Latifa Ibn Ziaten qui, au quotidien, travaille à la lutte contre la radicalisation par le témoignage de son drame personnel et par un discours de concorde et d’émancipation. » Sauf que ledit Ministre, faisait part à une radio de son « approche personnelle », estimant qu’un parent accompagnant une sortie scolaire ne devrait « normalement » pas porter de signe religieux, donc a fortiori une intervenante dans une classe. Et que surtout, il a institué un prétendu « conseil des sages » sur la laïcité dont un des membres s’interrogeait sur le port d’un foulard par Mme Ibn Ziaten devant des élèves.
Obin hélas
Ce conseil des sages a d’ailleurs entamé une séance de travail par une audition de Jean-Pierre Obin*. L’IG honoraire, auteur d’un rapport en 2004, est régulièrement invité comme spécialiste incontesté des méfaits de l’islamisme dans le système scolaire. Ainsi le retrouve-t-on devant une « commission d’enquête parlementaire sur les menaces qui pèsent sur l’école républicaine », créée au lendemain de l’attentat de Charlie à l’initiative de Bruno Retailleau, pur produit de l’école confessionnelle, pour y défendre l’interdiction du voile à l’université. Malgré des précautions méthodologiques - « Le panel d’établissements visités ne constitue en aucun cas un échantillon représentatif des établissements français, ni sur le plan de l’étude ni d’ailleurs sur aucun autre ». « Cette étude ne peut prêter à généralisation et à dramatisation excessive : les phénomènes observés l’ont été dans un petit nombre d’établissements. » - son auteur en généralise les observations avec une constance d’autant plus remarquable qu’elles reposent sur une enquête de 2003 !
Et, si l’on en croit les extraits du compte-rendu publié par un blog de mediapart, c’est sur la base de son intervention que le débat s’instaure dans cette réunion du 5 février.
On ne pouvait rêver meilleure base !
Demandez le programme
Le débat fait quand même un peu café du commerce quand Mme Kintzler, après avoir dit « le danger serait d’aligner les religions dans un relativisme prudent », s’interroge « Ne vaudrait-il pas mieux commencer par l’étude des religions les plus anciennes, des mythologies ? ». Les échanges se concentrent à présent sur ce fameux enseignement du fait religieux. Certains s’inquiètent de la façon dont il est dispensé. Les membres du conseil sont d’accord pour qu’il le soit, « à la condition que ce ne soit pas une discipline à part, disjointe des autres enseignements », car « il y a un réel danger de théologisation de l’enseignement », peut-on lire dans le compte-rendu.
Or si Mme Kintzler et ses collègues s’étaient un peu penchés sur les programmes, ils auraient vu que croyances et mythes de la Grèce et de Rome sont placés, assez (chrono)logiquement, avant l’étude du judaïsme et du christianisme, puis l’année suivante de l’islam. Que ce n’est pas non plus une « discipline à part » et donc que la « théologisation » relève du fantasme obsessionnel. « Les faits religieux ne font l’objet d’aucun enseignement spécifique mais sont présents dans les programmes de nombreuses disciplines, comme l’histoire, les lettres, l’histoire des arts ou la philosophie car ils sont un des éléments de compréhension de notre patrimoine culturel et du monde contemporain ». (Ministère de l’éducation nationale).
Quant à ne pas aligner les religions dans un relativisme prudent, qu'est-ce que ça peut bien vouloir dire ?
Le voile, toujours le voile
Les propos prêtés à Laurent Bouvet, professeur de science politique à l’université Versailles-Saint-Quentin (Yvelines) et cofondateur de l’association Le Printemps républicain, sont du même comptoir : « il serait bon que les enseignants abordent la question du sens, sur le voile par exemple ». « Mais peut-on garantir qu’ils auront à cœur de le faire ? Qu’ils auront la rationalité nécessaire ? interroge-t-il. Dans l’enseignement supérieur, de nombreuses thèses de jeunes chercheurs (sur le genre, sur le postcolonialisme, etc.) sont devenues majoritaires. Elles affirmeront, pour le voile comme pour la minijupe, que ce sont des outils d’émancipation pour les jeunes filles. Et on retrouve ces arguments dans la bouche d’hommes de gauche. Beaucoup de ces formateurs font de l’islam la religion des opprimés. »
Si on essaie de traduire ce gloubi-boulga, les enseignants devraient affirmer que le foulard sur la tête d’une supposée musulmane est un signe religieux quasi prosélyte. Mais que les formateurs d’enseignants pervertis par les recherches en vogue (genre, postcolonialisme), feraient de l’islam la religion des opprimés – tels de vils islamo-gauchistes – et seraient donc totalement incapables de donner aux futurs enseignants ce fameux « sens » du voile !
J. P. Obin a fait des adeptes de la généralisation avec une représentante de la Direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco) qui dit « qu’il y a en effet beaucoup de revendications de jeunes parents, sans compter l’augmentation des demandes de dispenses de cours (en éducation physique par exemple), et l’explosion de l’instruction à domicile » sans apporter quelque donnée que ce soit pour étayer ces affirmations (celle sur l’explosion de l’instruction à domicile semblant la plus hasardeuse).
Pour terminer, les « sages » saluent « la démarche des enseignants qui invitent à leur cours des personnalités – un rescapé de la Shoah, ou Latifa Ibn Ziaten », la mère de la première victime de Mohammed Merah, qui intervient régulièrement en milieu scolaire dans le cadre de la prévention et de la lutte contre la radicalisation. Surgit alors cette suggestion : « Pour cette dernière, on peut souhaiter qu’elle enlève son voile en entrant dans la classe, serait-elle ouverte à cette proposition ? ».
Faut-il préciser à M. Bouvet que Mme Ibn Ziaten porte un foulard en signe de deuil ?
* Avant le vote de la loi de 2004 – dite loi Stasi – j’avais provoqué un échange entre Jean-Pierre OBIN, qui était encore un membre éminent d’Education et Devenir, et Jean-Pierre ROSENCZVEIG, juge pour enfants et grand militant des droits de l’enfant. L’IG était chaud partisan de l’interdiction du voile à l’école, le juge contre.
NB Madame ibn Ziaten avait aussi subi des attaques lors d'une réunion au sein de l'Assemblée Nationale.
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