Le bruit court, dans les milieux bien informés, qu’après ses déclarations au Parisien, Jean-François Copé, serait pressenti pour devenir ministre de l’éducation et de la régression nationales* ; il aurait soumis son accord à l’obtention du titre de ministre d’état.
En effet, le chef du groupe parlementaire UMP, annonçant que son « club Génération France » organisait un débat sur l’éducation, déclarait : « Je veux défendre une idée forte : l’entrée au collège ne doit se faire que pour l’enfant qui maîtrise totalement les savoirs fondamentaux. Mon idée est de créer un examen de fin de CM 2, d’évaluation des enfants. Ce serait un examen de passage en 6e. On réorganiserait complètement le programme du primaire dans cette perspective. Si on n’a pas acquis ces connaissances (NDLR : lire, écrire, compter…), mieux vaut redoubler, pour protéger l’enfant, que le faire passer au collège et lui faire courir un vrai risque de décrochage. » Le Parisien 24/10/10
La NDRL donne le ton des réactions des journalistes qui parlent de certificat d’études alors qu’il n’avait rien à voir avec l’examen d’entrée en 6e, supprimé en deux temps : en 1956 pour les élèves de CM2 ayant la moyenne ; en 1963, pour tout le monde (par Christ-hihan –comme disait Le Canard – Fouchet, sous De Gaulle !).
Exemple flagrant d’obscurantisme !
Toutes les études scientifiques démontrent l’inefficacité globale du redoublement. Ainsi PISA (dont les rétropenseurs nous rebattent les oreilles pour démontrer l’état catastrophique de l’école française, mais oublient d’aller y voir de plus près) montre que les pays où le redoublement est proscrit réussissent mieux ou aussi bien que ceux qui le maintiennent.
En effet, si le redoublement était utile, s’il valait mieux que les élèves faibles redoublent parce qu’ils ne «pourraient pas suivre», les pays sans redoublement, devraient avoir un niveau moyen plus faible. Par ailleurs, selon l’argument de l’épée de Damoclès, privés de l’aiguillon du risque de redoubler, les élèves devraient se mobiliser moins sur le travail scolaire dans ces pays. C’est l’inverse qu’on observe. Les compétences en lecture et en maths sont plus fortes au Japon, dans les pays scandinaves et au Royaume Uni qu’en France et que dans les pays latins en général. Certes ce n’est pas absolu, l’Autriche, ou le Québec, où on redouble, obtiennent des scores honorables en lecture et en maths, la Norvège, pays sans redoublement, obtient un score inférieur à celui de la France en maths. (d’après D. Meuret)
Et le redoublement accroît les écarts entre les élèves les plus forts et les plus faibles. Les pays qui ne pratiquent pas du tout le redoublement, et eux seuls, présentent des inégalités sociales de compétences moins marquées que les autres. C’est le principe même du redoublement qui accroit les inégalités sociales devant l’école. (d’après D. Meuret).
« De façon générale, la pratique du redoublement en France constitue un des facteurs explicatifs de ce résultat moyen [aux] enquêtes PISA […]. Lors de l’enquête PISA 2003, près de 40 % des élèves français âgés de 15 ans avaient ainsi déjà redoublé une fois ou plus au cours de leur scolarité : les élèves français qui n’avaient aucun retard dans leur scolarité obtenaient en fait d’excellents résultats, supérieurs aux performances moyennes des pays placés en tête (Finlande, Corée du Sud, Pays-Bas, Japon) ; à l’inverse, les élèves ayant un an de retard se situaient juste devant les résultats moyens de la Grèce, et les élèves ayant deux ans de retard étaient au niveau moyen du Mexique, pays qui obtenait les moins bons résultats. » écrivait la Cour des Comptes, qui n’est pas considérée comme un repaire de gaucho-anarchistes.(L’éducation nationale face à l’objectif de la réussite de tous les élèves Mai 2010)**.
Difficile, avec ce personnage cynique, de faire la part du calcul et de la conviction. L’idéologie méritocratique - pour qui l’égalité des chances consiste à mettre sur la ligne de départ celui qui a ses deux jambes et l’unijambiste et que le meilleur gagne !- est très prégnante à droite. Déjà Fillon avait redonné la main aux profs pour le redoublement, ce qui dans certains établissements était redoutable (des taux de 20 % en seconde, avec 7 à 10 % de « réorientation », se sont vus, il y a peu et, dans les années 80, un collège, que j’ai dirigé un peu plus tard, affichait 30 % de redoublants en 6e).
Copé, dans sa logique rétrograde, va être amené – car il faudrait bien faire quelque chose des élèves qui iront d’échec en échec : on ne peut les laisser en CM2 jusqu’à 16 ans – à recréer des classes aménagées, des CPPN, des CPA (pas toutes disparues d’ailleurs).
Mais c’est surtout l’impact populiste qui est cherché, sur un terrain – l’éducation – où la gauche de gouvernement présente des propositions solides.
Frein à la démagogie le coût du redoublement (en primaire 5440 € par élève) qui a poussé d’ailleurs le ministère à tenter de les limiter (un collégien c’est près de 8000 €, un lycéen plus de 10000 €). D’autant qu’il y a une règle d’airain dans notre système : qui a redoublé, redoublera ; un redoublant de CP augmente ses risques de redoubler ultérieurement.
Copé, l’homme du grand bond… en arrière.
* Il serait même en train de constituer son cabinet : Brighelli serait son Guéant, Finkielkraut son Guano mais Alain Bentolila est aussi sur les rangs, on parle encore de Natacha Polony à la communication, un ex-directeur de l’école de Merdrignac est aussi sollicité comme conseiller pour le primaire…
Le "Professeur Alain BENTOLILA" m'envoie le message suivant, intitulé "erreur et mensonge" : "Vous devriez savoir, si vous m'aviez entendu (Demorant Europe1) ou pris la peine de me lire que me mélanger avec Brighelli est assez scandaleux. J'ai dénoncé la nostalgie de l'examen de 6° avec force et me bas pour qu'une chance soit donné aux plus fragiles de nos élèves.J'ai été profondément choqué par cet amalgame imbécile."
J'invite à relire l'article d'Ouest-France où après avoir rappelé "que nos étudiants ont été enfants de maternelle, élèves du primaire et du secondaire"., il prévoit une "sélection" dans les universités "d'autant plus cruelle qu'elle aura été inconsidérément différée." (certes ça peut être entendu : comme on a trop attendu pour la mettre en place à l'entrée des universités, mais plus loin il énumère les exigences de l'aval vers l'amont et notamment "l'engagement de l'élémentaire à livrer (sic) au collège des élèves lisant, écrivant et s'exprimant avec pertinence", on peut donc comprendre qu'il déplore que le tri sélectif a été différé trop longtemps à tel ou tel niveau).
** Sur ce sujet lire ou relire « Que vaut l’enseignement en France ? » de Christian Forestier et Jean-Claude Emin (Stock)
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