D’un seul coup, un désaccord « acté » se transforme en casus belli ! Des dirigeants d’EELV – Bové, Mamère, Joly et Placé – jouent les squatters. Mélenchon, toujours à l’affût de tout ce qui affaiblit le PS, se pointe. Et on essaie de nous faire prendre des vessies pour des lanternes, ND des Landes pour le Larzac !
Un peu plus d’un an déjà : prudemment EELV signe avec le PS, le 15 novembre 2011, un "contrat de mandature" ! Contrat qui vaut accord programmatique en cas de victoire de la gauche à la présidentielle de 2012. Un accord qui prévoit surtout aux « verts » plus de 60 circonscriptions et la garantie d’un groupe parlementaire à l’Assemblée Nationale.
Certes furent actés (comme on dit) quelques points de désaccord, l’EPR de Flamanville et l’aéroport de Notre-Dame des Landes. Mais pas de quoi remettre en cause un accord qui fait la part belle à EELV pour les législatives, avant le verdict des présidentielles, sur lequel, à l’évidence ils ont des craintes.
Bien avant, aux régionales 2010, les verts ligériens, tout en actant – en français de naguère ‘prenant acte’ – le désaccord sur ce projet de futur aéroport, n’eurent aucun état d’âme pour s’allier avec la liste de Jacques Auxiette, Président socialiste sortant et chaud partisan de cet aéroport, et occuper quelques fauteuils de vice-président(e)s. Projet qui n’était pas, loin s’en faut, celui du seul Ayrault, à l’époque Maire de Nantes, puisque outre la Région des Pays de la Loire, celle de Bretagne était d’accord, sans parler des départements ou villes. Faut-il mentionner au passage que si le PCF a émis des réserves, ce n’est absolument pas sur la création de l’aéroport, mais sur la concession au privé (le groupe Vinci).
On peut légitiment s’interroger sur ce projet. A partir de positions de principes d’abord : bétonisation continue de la nature au détriment des terres agricoles, développement d’un moyen de transports au bilan carbone désastreux… Plus prosaïquement, l’interrogation peut porter sur les perspectives qui l’ont fondé : un aéroport qui se veut de dimension internationale est-il viable dans l’ouest ? subsidiairement, l’actuel aéroport pourra-t-il réellement être urbanisé, Airbus ayant toujours besoin de la piste ? Et géographiquement, les ligériens du Sud-Loire sont fondés de se demander s’ils ne seront pas les cocus de l’histoire. Sans oublier bien sûr les agriculteurs et l’ensemble des habitants locaux.
Questions qui n’ont pas attendu le 6 mai pour se poser. Oppositions multiples et multiples recours. Du côté des agriculteurs et autres propriétaires locaux, un accord a été trouvé dans presque 9 cas sur 10. Mais, pour ceux qui restent, l’accord semble impossible, puisqu’on est sur des positions de principe. Jusqu’à la veille du 6 mai, les manifestations, orchestrées surtout par la Coordination rurale (gros tracteurs pour gêner par exemple le lancement de la campagne des législatives du PS en Vendée avec déjà cet affichage débile d’Ayraultport), restaient locales.
Qui a dit que « Mamère Noël est une ordure » ? toujours est-il qu’avec Bové, qui oublie qu’au Larzac il était issu du terroir alors qu’ici il vient jouer les donneurs de leçons, de Mme Joly forte d’un score local au diapason de celui obtenu nationalement, sans oublier Placé, mais faux-derche, un peu en retrait, il fait tout pour créer un abcès de fixation, obligeant les ministres verts à quitter le gouvernement.
Le contrat de mandature il veut le transformer en chiffon de papier.
Faut-il mentionner Mélenchon pour qui tout ce qui affaiblira la gauche de gouvernement est pain bénit et qui fait fi des positions de son allié PC ?
Sur le terrain, les opposants du terroir sont noyés dans une faune qui, à quelques exceptions près, n’a pas beaucoup de connivences avec la non violence à la Gandhi ! Contrairement à l’habitude, ce n’est pas du côté des gendarmes mobiles que les journalistes se font refouler. Non, ils essuient crachats et insultes de la part d’une fraction des prétendus squatters. Ces pacifiques protestataires balancent joyeusement des cocktails molotov aux affreux « robotcops » qui, scandale, ont l’audace de les déloger de leurs cabanes plantées dans le bocage où elles n’ont rien à foutre.
Il arrive même que ces doux garçons – car ce sont essentiellement des mâles – se fassent un vigile local (à une vingtaine, il faut quand même être prudent : tabassage en règle, plus incendie de la voiture, mais qu’il ne se plaigne pas ce mercenaire de Vinci, après quelques hésitations, ils ne l’ont pas laissé griller dans la voiture).
Drôle de jeu des Verts, mais aussi du PCF. L’opposition à ce projet est légitime. Autant que celles qui naissent à chaque projet d’éoliennes terrestres ou maritimes. Les recours judiciaires existent (dont la complexité et la lenteur posent d’ailleurs problème). Ils sont, en l’occurrence, quasiment épuisés. Dans le respect de la loi, le droit de manifester, dont j’ai usé tout au long de ma vie militante, est inaliénable. Mais il s’agit ici, d’une part pour les professionnels de l’agit-pas-prop (puisqu’ils crachent sur les journalistes) de semer la merde et pour des politiques verts, une fois le bénéfice d’un accord encaissé, de trahir cet accord. Sans oublier le double langage du prétendu « front de gauche », plus écolo que les écolos avec Mélenchon, mais pour l’aéroport au PCF* !
Ayrault tique, à juste titre. En tant que Maire de Nantes, il a bien sûr défendu ce projet de transfert de Nantes-Atlantique à N-D des Landes. Mais, ni plus ni moins que Jacques Auxiette, Président de la région Pays-de-la-Loire, ou Jean-Louis Tourenne, Président du Conseil général d’Île-et-Vilaine, ou Philippe Grosvalet, président du conseil général de Loire-Atlantique, et bien d'autres. Le mercredi 28/11/12, les élus de l’Ouest sont allés à Paris défendre ce projet « qui a traversé toutes les alternances politiques ».
Une commission de dialogue est vaine, car le stade de l’échange rationnel d’arguments - s'il a existé - est dépassé. Les opposants demandent pour prix de leur participation(?) à ce dialogue que leur point de vue l’emporte, puisqu’ils détiennent la vérité révélée. Et un leader d’EELV récuse l’initiative car on n’a pas débattu sur la création de cette commission vouée au débat.
Faut-il ajouter que ce bocage n’a pas grand-chose à voir avec le Larzac. Il ne s’agit pas d’une extension d’un camp militaire ayant pour but de donner plus d’espace à nos beaux chars de combat ou autres joujoux militaires, donc stérilisant des hectares sans aucun bénéfice. Il s’agit de transférer un aéroport, pour qu'il soit capable d’accueillir l’A380 et ses 500 à 800 passagers, donc de lancer des travaux importants puis, outre le transfert des personnels de l’actuel aéroport et ceux des activités annexes, créer de nouveaux emplois pérennes.
La résistance locale a été totalement phagocytée par les militants extérieurs et, malgré un noble vieillard à la barbe blanche, leurs têtes de file se sont fait voler la vedette par Joly et… Bové ! Bové qui, justement avait émergé de la lutte locale du Larzac.
Situation entièrement bloquée. Ayrault ou pas, le gouvernement, sauf recours en justice perdant, ne peut, dans un état de droit, céder devant les opposants. Ceux-ci, persuadés de posséder la vérité, donc d’être au dessus des lois au nom de la terre vivrière, iront jusqu’au bout. Les « Verts » auront réussi à transformer un point de désaccord constaté en conflit insoluble.
Chapeau, les artistes !
* Entretien de P. Laurent PCF
En complément , un extrait du "Petit Journal" (le sujet sur ND des Landes vient en 2e)
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