L’abstention massive des législatives 2017 : une grève générale civique, proclame Mélenchon !
Si, on y regarde de plus près entre les abstentionnistes « empêchés » plus ceux qui ne votent pas par principe et ceux qui pensaient que les jeux étaient faits, sans oublier ceux qui ne trouvaient pas leur bonheur – y compris donc chez les insoumis – dans l’offre, il faut vraiment beaucoup d’imagination pour y voir une grève générale des électeurs et la qualifier de surcroît de civique !
Donc sur les 51,3% d’abstentionnistes du 1er tour, un très gros tiers, 9 Millions, dit « avoir été empêché(e) de voter pour des raisons personnelles », ce qui n’est pas vraiment l’expression d’un message politique net. Quant aux 17%, toujours au 1er tour qui prétendent ne pas s’être senti(e) représenté(e) par aucun candidat, vu la palette, on a bien envie de reprendre les paroles de Belmondo dans A bout de souffle « Si vous n’aimez pas la mer, si vous n’aimez pas la campagne, si vous n’aimez pas la montagne, allez vous faire foutre ! ».
Bien sûr au 2e tour (57,3 % d’abstentions), on comprend mieux que plus de 8 millions ne se soient pas retrouvés dans les candidats encore en lice, mais ce nombre global regroupe aussi bien du FN que du FI, du PS que du LR, etc., selon les circonscriptions, voire, comme dans la nôtre, un choix entre un macroniste officiel et un valssiste rallié à Macron. Les empêchés, à 7,3 millions, ont fondu d’un tour à l’autre.
Que dire des 5 puis 4% (quasi le même nombre d’ailleurs d’un tour à l’autre) qui estiment que seule compte la présidentielle ? Leur prêter une quelconque insoumission semble assez hardi. Même chose d’ailleurs pour les 14 puis 15% qui estimaient la victoire des candidats LREM ou assimilés inéluctable. Au mieux ou au pire, selon le point de vue, peu enthousiasmés par cette prévisible victoire, cela n’en fait pas cependant des troupes de choc prêtes à en découdre.
Les 6% qui d’un tour à l’autre ne se retrouve pas dans le mode de scrutin, les adeptes donc de la proportionnelle (mis à part quelques disciples d’Etienne Chouard, pour le tirage au sort), aspirent sans doute à une VIe République, mais est-ce celle que préconise Mélenchon ?
Faudrait-il voir dans les 11 puis 9% qui affirment « ne plus avoir envie de voter aux élections quelles qu’elles soient » – 2,5 millions d’abstentionnistes perpétuels – des disciples de Badiou, des rebelles en puissance, qui font fi des oripeaux de la démocratie bourgeoise ?
Reste donc les 10 puis 9%, nombre remarquablement constant d’un tour à l’autre puisque l’abstention a gonflé : 2 440 000, qui ont voulu « envoyer un message de mécontentement à la classe politique », y compris d’ailleurs aux « insoumis » !
Au-delà des motifs invoqués, l’abstention massive n’est évidemment pas un signe de bonne santé démocratique.
Elle traduit peut-être aussi le désarroi d’une partie de l’électorat, en perte de repères avec l’émergence de cet objet électoral non identifié, ni droite ni gauche mais se disant en même temps droite et gauche, avec un candidat surgi quasi de nulle part, s’appuyant sur un mouvement relevant de la génération spontanée, rien donc qui s’apparente aux règles du jeu électoral habituel. Si l’on ajoute que les primaires, machine à gagner à gauche en 2012, sont devenues des machines à perdre, désignant des outsiders peu fiable pour l’un, peu intègre pour l’autre, donc provoquant des déçus à gauche et des écœurés à droite, on a, en partie au moins, l’arrière-plan d’une abstention qui va ensuite s’identifier dans les motifs fournis par l’enquête.
NB Enquête Ipsos-Sopra Steria pour le Cevipof (Science-Po) et Le Monde menée depuis plus d’un an avec le même échantillon de personnes, porte sur un panel de 16 613 Français interrogés en ligne.
commenter cet article …