Canard Enchaîné 25/01/2017
Ne nous trompons pas de cible. Ce qui est visé, ce n’est pas le fait d’employer un proche. Ce qui est visé c’est que l’emploi est non seulement surpayé* mais fictif. C’est patent pour la Revue des deux Mondes. L’enquête dira si ça l’est pour le travail d’attachée parlementaire.
Du temps où les chars soviétiques ne menaçaient pas encore les Champs-Elysées, je veux parler d’avant 1981, j’ai croisé un parlementaire PS qui avait conquis une circonscription de droite. Cela avait été le fruit d’un travail militant de terrain de longue date où le couple, le futur candidat et son épouse, se dépensaient sans compter. Lui plus dans la représentation, elle dans le travail de fourmi d’organisation des activités militantes. Elle fut, même si elle n’a jamais pensé à se donner ce titre, la véritable Directrice de campagne de son mari. Et elle avait toute sa part dans la divine surprise d’une élection jugée impossible par les instances du PS. Qu’elle devienne l’assistante parlementaire de l’époux, celle non pas qui œuvre au Palais-Bourbon, mais celle qui tient le terrain assurant l’agenda du mari, les permanences parlementaires, le courrier de circonscription, les articles dans la presse locale, etc., allait de soi.
Le résumé du dossier Fillon
Rien à voir donc – si l’on se réfère à l’article du Canard Enchaîné, avec Madame Fillon, dont l’activité, aussi bien à l’Assemblée que dans l’ancienne circonscription Sarthoise, fut d’une telle discrétion qu’elle semble inexistante. Autrement dit, ça ressemble furieusement à un emploi fictif. D’autant que la dame Pénélope a commis quelques confidences où elle se disait juste mère au foyer.
Pour commencer, contrairement à ce qui se raconte, les parlementaires qui embauchent des membres de leur famille sont rares. Une cinquantaine à l'Assemblée nationale pour 577 députés, un petit 10%. Mais surtout, tous les "fils et filles de" que j'ai croisé bossaient comme des fous. Tous ceux qui ont rencontré Pierre Bachelot, fils de Roselyne et son attaché parlementaire de 1992 à 2002, vous diront que c'est une machine de travail. Nadia Copé, femme et attachée parlementaire de Jean-François, dont le statut a été pointé du doigt par Mediapart en 2014, (…) chacun pourra attester son rôle de conseil, de soutien, de gestion d'agenda. On peut être de la famille et ne pas bénéficier de traitement de faveur.
Témoignage d'une Assistante parlementaire LR dans l'Huffington Post
La ligne de défense de François Fillon – misogynie et boules puantes – est assez fragile. Qu’un(e) ami(e), qui ne lui voulait pas que du bien, ait soufflé dans le creux de l’oreille du palmipède l’idée d’enquêter sur Pénélope est probable. Sans vouloir médire, il y a quelques gentils compagnons suffisamment retors pour ce faire, sans aller chercher la main de l’Elysée, d’autant que l’affaire est parlementaire. Même pour la vocation littéraire subite de Mme Fillon, découverte sur « la déclaration d’intérêt » du député Fillon.
Véritable cerise sur le gâteau que cet emploi à 5000 € brut par mois, qui s’est traduit par deux ou trois notes de lecture en 20 mois pour la confidentielle Revue des deux Mondes ! (Ironie du moment ladite revue fait sa UNE à la gloire de Fillon)
Penny superwoman
Lors de son audition devant les policiers, François Fillon a reconnu que son épouse était employée à la Revue des deux mondes, entre mai 2012 (et non depuis septembre comme il l’avait précédemment indiqué dans sa déclaration d’intérêts à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique) et décembre 2013. Or, presque à la même période, de juillet 2012 à novembre 2013, elle disposait d’un autre contrat, étant cette fois collaboratrice de son mari à l’Assemblée. Selon des sources proches de l’enquête, ces deux contrats étaient censés être à temps plein.
Le Parisien 07/02/2017
Comme le prédit le Canard, des témoignages à décharge vont apparaître. Déjà l’ineffable Bernard Accoyer prétend avoir croisé Pénélope dans les couloirs de l’Assemblée ; gageons que d’autres témoignages aussi spontanés et sincères vont se multiplier.
Et si Fillon a bien retenu les leçons de Pasqua, il va s’efforcer de créer une affaire dans l’affaire. On la voit d’ailleurs pointer avec une histoire d’argent public de Bercy détourné par Macron. Hamon s’il l’emporte comme c’est prévisible n’a qu’à bien se tenir; les saloperies de ses camarades sur son prétendu communautarisme ne seront bientôt que de la roupie de sansonnet par rapport à celles qui l’attendent.
trouvé sur twitter (14/02/17)
"Ma petite entreprise ne connaît pas la crise"
Vu de l'étranger
La nouvelle n’a pas tardé à faire le tour de la presse étrangère, The Times, au Royaume-Uni, titrant par exemple “Fillon a payé sa femme 500 000 euros à ne rien faire”. Pour El Pais, en Espagne, il s’agit d’un “obstacle grave et imprévisible dans la course à l’Élysée pour le conservateur François Fillon”.
Outre-Manche, The Guardian embraye :
"Cette affaire est d’autant plus malencontreuse pour Fillon que, malgré ses 35 années de vie politique dont cinq passées à Matignon, il se présente comme un candidat antisystème, se vendant comme un antidote honnête, austère et irréprochable à des années de scandales de corruption au sein de la droite française.”
En Allemagne, Die Zeit rappelle que, “pour beaucoup, Penelope Fillon était déjà vue comme la future première Dame : elle apparaissait non pas comme une collaboratrice politique mais comme une épouse sage et traditionnelle, qui s’occupe des enfants et des chevaux, sans rapport avec la politique.”
Pour l’hebdomadaire de Hambourg, “le Monsieur Propre de la politique française fait face à son premier gros scandale”. Et Die Zeit de souligner que le scandale tombe très mal pour le candidat des Républicains :
"Cette semaine, il voulait briller sur la scène internationale, en rendant visite à la chancelière allemande Angela Merkel à Berlin et en demandant la fin des sanctions contre la Russie. Mais soudainement, on ne lui pose plus que cette unique question : qu’a fabriqué son épouse pendant toutes ces années ?”
Courrier International
"Les correspondants internationaux basés à Paris n’ont, eux, aucune raison de vouloir «tuer» Fillon. Leurs médias ne sont pas partie prenante de la sphère politico-médiatique hexagonale. Leurs références sont celles en vigueur dans leurs pays, où les élus et leurs familles sont scrutés de diverses manières.
Alors? Leur incompréhension est totale. Incompréhension devant le caractère systématique des emplois familiaux au sein du clan Fillon. Incompréhension devant le fait que ces pratiques – légales – soient si répandues au sein du parlement français. Incompréhension devant ce flou persistant qui existe en France, entre argent et politique, mais aussi au sujet du statut des élus. On les dit mal payés. Certes. Mais quid de ces pratiques? De ces zones d’ombre qui finissent par se chiffrer en centaines de milliers d’euros? Quid de l’absence de justificatifs? Comment ne pas s’étonner de telles pratiques?
L’exemplarité des élus ne tient pas seulement au fait que ceux-ci respectent les lois qu’ils édictent et votent. Elle vient également de leur capacité à mettre leurs actes en phase avec leurs paroles. Surtout quand ils préconisent, pour l’avenir, de la sueur et des larmes."
Richard Werly Le Temps (Suisse)
Extraits