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16 janvier 2016 6 16 /01 /janvier /2016 11:25
Vote FN : une police FNisée !

Plus de la moitié des policiers et gendarmes pour le FN. Une percée globale chez les fonctionnaires. Même les enseignants commencent à être contaminés. Un électorat jeune. Et des abstentionnistes aux caractéristiques proches du noyau dur de l’électorat frontiste !  Quelques enseignements inquiétants de l’enquête électorale du CEVIPOF.

La percée du FN dans les Fonctions Publiques (état, territoriale, hospitalière) et les entreprises publiques

La vague 1 de l’Enquête électorale française a été réalisée entre le 20 et le 29 novembre 2015 auprès de 23 061 personnes interrogées selon la méthode des quotas. L’enquête porte sur 3 368 fonctionnaires de l’État, 1 334 fonctionnaires de la fonction publique territoriale (FPT), 796 fonctionnaires de la FPH et 1 846 agents des entreprises publiques.

 

Globalement policiers et militaires – dont les gendarmes – étaient déjà 30% à avoir voté Marine Le Pen aux présidentielles de 2012. Une étude de l’Ifop en 2014 qui portait sur les gendarmes mobiles et les gardes républicains, en comparant les bureaux de vote de leurs casernes à ceux de la commune, montrait déjà en 2012 un sur-vote massif en faveur de Marine Le Pen, qui atteint 46%, soit 28 points de plus que la moyenne.

Lors de l’enquête CEVIPOF, ils sont 51,5% à dire leur intention de le faire au 1er tour des régionales. Un correctif cependant : cela ne concerne que ceux qui ont voté (2012) ou déclarent vouloir le faire en 2015.  Mais, si l’on en croit Askolovitch, le résultat concernerait policiers en activité et à la retraite et, pour les seuls actifs, les intentions de vote atteindraient 70%.

 

 

 

 

 

 

C’est donc à cette aune – une police FNisée – qu’on mesure l’inanité d’une politique de complaisance presque servile de nos Ministres de l’intérieur socialistes, Valls puis Cazeneuve, avec les policiers. Qu’on mesure surtout le danger de projets de lois qui laisseraient encore plus les mains libres à des policiers incontrôlés. Qu’on comprend mieux aussi les bavures recensées depuis les attentats de novembre. Ce qu’on pouvait prendre pour de la stupidité – portes enfoncées systématiquement, perquisitions tenant du vandalisme, contrôles aux faciès multipliés et brimades de jeunes, erreur grossière dans les assignations à résidence, etc. – relève plutôt d’une démarche délibérément brutale. Modèle nervis FN !

Un fonctionnaire qui vote pour le FHaine, c’est comme un mouton qui vote pour l’Aïd-el-Kébir ! Ou si vous préférez, une dinde qui vote pour le réveillon. Quant aux enseignants, ils devraient se rappeler seulement que de 2007 à 2012, pour reprendre l’expression consacrée, on a dégraissé le mammouth... jusqu’à l’os ! Voter à droite et a fortiori à l’extrême-droite – anti-fonctionnaires en général et anti-profs en particulier – c’est, sauf pour les policiers et gendarmes, l’assurance d’un total mépris, de coupes claires*, de privatisations accentuées, etc.

Et pourtant, les intentions de votes exprimés dans l’enquête CEVIPOF sont en nettes progressions. Comme le fait remarquer Luc Rouban, « le Front national conquiert un univers socioprofessionnel qui lui était traditionnellement hostile et prend même racine au cœur du monde enseignant. » Et là l’explication du vote d’extrême-droite par la précarisation ne joue pas puisque les titulaires dont l’emploi est garanti ne se distinguent pas des personnels contractuels.

On peut noter au passage la stupidité politique de Macron mettant en cause le statut des fonctionnaires, même si ces déclarations intempestives n’ont sans doute joué qu’à la marge sur la progression FN.

Maigre consolation, sur 100 fonctionnaires nouveaux électeurs FN en 2015, 58 avaient voté Sarkozy en 2012, 25 s’étaient abstenus. En gros, socialistes et écologistes sauvaient les meubles, passant de 36% en 2012 à 34% en 2015 pour le PS, voire de 2% à 8% pour les verts, en revanche Front de gauche et trotskystes régressaient de 15% à 7%.

Près d’1 prof des écoles sur 10 disait avoir l’intention de voter FN. Et à peine moins dans le second degré où, de 2012 à 2015, la progression est un peu plus forte. Paradoxe apparent, alors que la gauche a mis fin au dégraissage du mammouth, rétablit la formation des maîtres. Mais il fut quand même un peu hallucinant – alors que d’un trait de plume, sans que ça provoque de protestations syndicales, Darcos avait institué la semaine de 4 jours – de voir le SNUIPP de Paris se soulever contre Peillon qui voulait rétablir une semaine de 4 jours ½, alors que le 1er degré parisien bénéficiait déjà de 3 h hebdos de décharge par classe (enseignements artistiques assurés par des profs de la Ville de Paris, vieux privilège obsolète). Dire que l’indispensable réforme des rythmes scolaires a été partout une réussite serait exagéré. Mais en faire un casus belli est indécent.

Pour le reste (notation, latin, inter et transdisciplinarité, etc.), depuis Alain Savary, j’ai l’impression d’un éternel combat avec les mêmes rétropenseurs, même si Milner laisse sa place à Finky ou à Onfray.

Les caractéristiques comparées des frontistes fidèles et des nouveaux frontistes

Mieux implanté, plus jeune, plus fidèle

 

Cette percée dans le public s’accompagne de progression dans les couches moyennes salariées, chez les agriculteurs-exploitants et, même si son implantation s’étiole au fur et à mesure du degré de formation, dans aucun milieu social, le FN n’est en dessous de la barre des 18% (cadres supérieurs).

Et c’est un électorat jeune : le FN séduit 36 % des 35-49 ans et 33 % des 18/34 ans. Et l’électorat le plus fidèle puisque 79% des électeurs de Marine Le Pen en 2012 disaient vouloir voter pour les listes FN en 2015, contre 78% des électeurs Sarkozy pour les listes LR/UDI, 70% des électeurs Hollande pour le PS, et 66% des électeurs Mélenchon pour le Front de gauche.

« 37% des abstentionnistes de la présidentielle de 2012 qui se sont rendus aux urnes se sont tournés vers le Front national, 26% de ceux qui avaient choisi le vote blanc ou le vote nul, 20% de ceux qui avaient voté en faveur de Nicolas Sarkozy, 10% de ceux qui avaient voté en faveur de François Hollande, 9% des électeurs de Jean-Luc Mélenchon et 8% de ceux de François Bayrou. Les listes du Front national agissent comme un véritable aimant dans un système politique et électoral qui a perdu nombre de ses boussoles traditionnelles. » Pascal Perrineau

Une motivation xénophobe

 

Les motivations des transferts des électeurs Sarkozystes ou Hollandais sont clairement xénophobes : rejets des immigrés et de l’Islam. S’y ajoute le vieux fond poujadiste de rejet des politiques (Qu'ils s'en aillent tous !) plus le vote-sanction contre Hollande. Avec une pointe de refus de l’Europe.

Si plus des trois quarts des FN fidèles sont pour le rétablissement de la peine de mort 65% des Hollandais ralliés au FN partagent ce point de vue !

 

Mais ces ralliements se font dans un terreau favorable puisque, après les attentats du 13 novembre, 51% éprouvaient de la haine (frontistes fidèles – ff - 55%), 30% des enquêtés étaient pour le rétablissement de la peine de mort (ff 77%), 50% des personnes interrogées ne partagent pas l’idée que « les enfants d’immigrés nés en France sont des Français comme les autres » (la déchéance de nationalité n’arrangera rien), 60% qu’il y a trop d’immigrés en France (ff 79%) et 54% que l’islam est une menace (ff 69%) !

Difficile de faire la part de l’émotion qui peut provoquer une bouffée de haine et  celle de convictions bien ancrées et que les attentats ne feraient que conforter. Il semble cependant que le 13 novembre ait bousculé l’ordre des préoccupations des électeurs plus tournées avant vers les problèmes sociaux (précarité, emplois). En ce sens DAECH a réussi son coup, en faisant émerger des ressentiments diffus et jusqu’alors enfouis. Et en faisant des immigrés et de l’islam les boucs émissaires. Et il n’est, hélas, pas tout-à-fait sûr que le discours uniquement guerrier et sécuritaire du Président et du premier ministre, au lendemain du 13 novembre, n’ait pas renforcé, au lieu de la désamorcer, l’attractivité du FN.

Voile, Kippa et Elisabeth Badinter

 

Les grandes explications sociologico-géographiques à la mords-moi Le Bras (Hervé) - « La ressemblance de la carte des zones fragiles avec celle des scores du FN est frappante », « Dans les régions où le risque de précarité est plus élevé, la probabilité d’avoir dans sa famille au sens large ou dans son proche entourage une personne tombée dans la précarité est importante (…) Cette probabilité vous fait craindre de subir le même sort »  - ne rendent que partiellement compte d’un phénomène complexe. Non pas qu’elles soient fausses, mais elles ne suffisent pas à expliquer l’extension du vote FN aux élections départementales puis aux régionales.

Quant à la densité des femmes dites voilées – c’est-à-dire, comme Mme Latifa ibn Ziaten, portant un fichu sur la tête – elle n’irrite et pousse vers le FN que celles et ceux qui voient, avec Mme Badinter, Marine Le Pen comme la seule à défendre une laïcité qui n’a de laïcité que le nom.

Quand j’étais permanent sguénard, au milieu des années 70 du siècle dernier, le siège national n’était pas loin  de la Rue Cadet où s’est installé le Grand Orient, ni des Folies-Bergères, mais aussi d’un quartier où on croisait des juifs sépharades habillés style Rabbi Jacob et cela dès 13-15 ans. Quoi de plus sinon ostentatoire – la religion juive n’est pas prosélyte – mais au moins ostensible que ces gamins en redingotes noires, pantalon itou, et petites nattes frisotées tombant du grand chapeau noir ?

Et, pour ne pas passer pour plus gâteux que je ne suis, je n’évoquerai pas les curetons en soutanes et les nombreuses « bonnes » sœurs aux coiffes aussi folkloriques mais moins élégantes que celles des bretonnes, de mon enfance. Le fameux abbé Pierre, comme le non moins fameux, mais pour d’autres raisons, chanoine Kir allaient à l’Assemblée Nationale en soutane !

    Aujourd’hui d’ailleurs il est du dernier chic républicain à la Goasguen que de se coiffer d’une Kippa. Dans la logique de Mme Badinter – la religion ne relève que de la sphère privée donc la loi dite Stasi, interdisant dans l’enseignement secondaire tout signe religieux supposé être ostentatoire, doit être étendue à tous et dans  tout l’espace public – la kippa serait proscrite sur la voie publique. Mais cette fausse laïcité liberticide – contraire à l’esprit et à la lettre même de la loi de 1905 – n’est qu’un habillage, n’en déplaise à Charb, d’une islamophobie nourrie par des sites identitaires et qui conforte le FN.

L’Ouest contaminé

 

Pourquoi des communes disposant des mêmes caractéristiques sociodémographiques voient leurs citoyens voter à gauche en Bretagne et FN en Alsace ? s’interrogent Martial Foucault & Vincent Pons.

 

Sans doute, mais là où le FN n’atteignait que des scores étiques, dans l'Ouest, il devient fréquemment le deuxième parti et quelquefois le premier.

Au 1er tour des régionales 2015, la Vendée a voté à presque 21% FN (4 fois plus qu’en 2010).

Et dans des communes, où on n’a pas vu la queue d’un Sarrazin en 732 et pas plus de femmes voilées depuis, comme Grues (36,86%), Puyravault (35,53%), Saint-Cyr-en-Talmondais (33,95%), Saint-Denis-du-Payré (33,33%), Les Magnils-Reigniers (32,05%) ou Lairoux (31,58%), il prend la 1ère place au 1er tour.

Et bien que la côte connaisse une forte proportion de retraités – en principe moins sensibles à l’attrait du FN – les scores frisent souvent les 30% : Brétignoles-sur-Mer 29,27%, Beauvoir-sur-Mer 28,82%, L’Aiguillon 29,94%, sans oublier Saint-Vincent-sur-Jard, où Clemenceau avait une maison, avec 32,81%...

N’étant pas, comme MM Todd ou Le Bras, sans oublier Guilluy, capable de lire une carte comme la voyante le marc de café, je suis impuissant à donner une explication à ce phénomène, a priori étrange, qui fait que ces communes, qui ne connaissent des zones dites de non droit que ce qu’en disent les médias et où la délinquance (réduite) est endogène, penchent de plus en plus vers le FN.

Juste le constat que la dédiabolisation du FN est une complète réussite. Et que les électeurs ralliés le sont bien sur une thématique xénophobe et non sur des motivations sociales. Et dans un contexte où les propositions mêmes du FN, déjà accréditées par Sarkozy, sont reprises par le Président et son gouvernement.

 

 

 

* Dans les Pays-de-la-Loire, Retailleau, ex fils spirirituel de de Villiers, nouvellement élu, promet de réduire drastiquement le nombre de fonctionnaires régionaux, dans une région en dessous de la moyenne nationale pour le ratio fonctionnaires/habitants.

Quant au discours plus ‘régalien’ du FN, c’est un peu comme les promesses dont Pasqua, expert, disait qu’elles n’engagent que ceux qui les reçoivent ; il n’est même pas sûr que le FN renforcerait la police nationale, préférant, comme Ménard, s’appuyer sur des polices municipales à la botte de leurs maires (et créer des milices bénévoles locales toujours à la mode Ménard).

Source : L'enquête électorale française : comprendre 2017

 

A noter qu'il faudrait avoir accès à l'enquête brute pour mesurer le poids des intentions de votes FN dans la police, par exemple, car les 51,5% ne concernent que ceux qui ont exprimé l'intention de voter ; il faudrait donc connaître aussi le pourcentage de ceux qui comptaient s'abstenir.

 

 

Pour compléter :

La percée du Front national dans la fonction publique Luc Rouban

Avec des chiffres mis à jour :

"La progression du FN est encore plus spectaculaire chez les policiers et militaires (N = 485). Les intentions de vote FN de ces derniers montent à 56 % contre 30 % en 2012, avec une différence marquée entre les militaires – de toutes les armes y compris la gendarmerie – qui choisissent le FN à hauteur de 52 % contre 63 % pour les seuls policiers. Encore s’agit-il de valeurs moyennes qui recouvrent les actifs et les retraités. Si l’on n’étudie que les actifs, en réduisant l’échantillon de près de la moitié, on voit alors, mais sans garantie de représentativité, que le vote FN atteint 57 % chez les militaires et 72 % chez les policiers." (c'est donc de là que C. Askolovitch tire ses 70%)

 

Les votes contrastés des enseignants et des policiers..... Claude Lelièvre

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