Le 19 avril, à cinq jours d’un 2e tour de l’élection présidentielle crucial, Jean-Luc Mélenchon ne trouve rien de mieux que de lancer un prétendu 3e tour, c’est-à-dire, escompter une majorité, même pas de gauche, mais d’insoumis. "Je demande aux Français de m'élire Premier ministre, (...) je leur demande pour cela d'élire une majorité de députés insoumis" (Mélenchon sur BFMTV).
Le premier tour des législatives aura lieu le 12 juin ! Quel besoin avait Mélenchon de venir lancer son fantasmagorique 3e tour avant le vrai 2e tour ?
La réponse à la question,
- Premier ministre de qui, de Macron ou de Le Pen ?
- "C'est assez secondaire", donne la clé.
Comme le souligne Charles Enderlin, voilà donc un dirigeant politique de gauche qui, avant même le second tour, envisage déjà d'être le Premier ministre d'une chef de l'État d'extrême droite !
Il se garde bien sûr d’appeler à voter Macron.
Et il n’est peut-être pas besoin d’être diplômé de sciences politiques, pour deviner le calcul cynique : l’élection de la candidate d’extrême-droite peut favoriser un sursaut républicain à gauche et même au centre, porteur peut-être d’une majorité parlementaire.
"Quand le candidat qui connait (et dénonce) le mieux le pouvoir exorbitant que notre constitution donne au président de la république, qui en a même fait un important thème de campagne, explique qu’il pourrait être le premier ministre d’une présidente fasciste et ainsi mener sa politique progressiste à lui, et éviter celle de la fasciste, on doit se dire quoi ?
Qu’il prend les gens pour quoi ?
Quand il explique que, dans ce régime présidentiel qu’il connait si bien et qu’il a si souvent disséqué depuis tant d’années, sa puissance de premier ministre rendrait « secondaire » (ce sont ses mots) la question de savoir s’il est premier ministre d’un président Macron ou d’une présidente Le Pen, quand il laisse ses lieutenants et lieutenantes déclarer que cette place à Matignon est « la seule question importante » , à quatre jours d’une possible accession des fascistes à l’Élysée, on doit se dire qu’il nous prend pour quoi ?
[..]
Lorsqu’à cinq jours d’un second tour de tous les dangers, ce candidat, fort de ce poids de 22% que tant de citoyen.ne.s antifascistes ont contribué à lui donner, appelle solennellement et explicitement à un vote de « troisième tour » (entendre : aux élections législatives) qui doit « donner une majorité à l’Union Populaire », cela (ce sont ses mots, toujours) « pour m’élire premier ministre », mais refuse d’appeler solennellement et explicitement à un vote permettant de battre la fasciste au second tour, un second tour qu’il sait pourtant bien plus décisif que le « troisième » (précisément parce qu’il sait le caractère présidentiel du régime et a fait campagne dessus), on doit se dire qu’il nous prend pour quoi ? "
Sauf que dans ses hantises et ses rancoeurs (dont il se défend mais qui sont trop évidentes) lui et ses insoumis se donnent tous les moyens de ne pas fédérer ce qui reste des forces de gauche, restes décisifs dans des seconds tours de législatives.
Il prétend avoir derrière lui 11 millions d’électeurs, alors qu’il a eu 7 700 000 suffrages. Donc là, votants d’Hidalgo, de Jadot ou de Roussel, tout lui serait acquis (y compris les voix trotskystes). Et en même temps, lui et sa clique sectaire, jettent l’anathème sur le PS et il demande à Jadot et à Roussel de venir baiser ses mocassins pour qu’il condescende à leur accorder l’aman, tel Mohammed V avec le Glaoui.
Là où le foutage de gueule devient du grand art, c’est quand les insoumis décident que la répartition des candidatures se fera à la proportionnelle des résultats du 1er tour de la présidentielle. L’élection phare de l’honnie Ve République devient l’instrument de mesure pour les législatives. A ce compte LFI s’adjugerait au moins 400 circonscriptions, les verts 80, le PC un peu plus de 40 (avec le mystère du PS rejeté dans les ténèbres extérieures, mais dont Mélenchon comptabilise les voix, comme celles de NPA et LO). Mélenchon fait comme s’il avait gagné et que, comme un Mitterrand en 1981, sa loi s’imposait à ses alliés.
Il oublie au moins deux choses.
D’une part, justement, la dynamique présidentielle : certes si c’est Macron qui l’emporte elle sera sans doute moindre qu’en 2017, mais avec l’apport d’une large partie du LR. Et dans l’hypothèse inverse, le pire est à craindre.
D’autre part, l’implantation locale. Ainsi malgré sa déconfiture de 2017, le PS avait sauvé 5 régions et tient encore de nombreuses villes,
En 1981, une chèvre avec une rose entre les dents se faisait élire ; en 2022, il n’est pas sûr qu’une buse insoumise se posant n’importe où y arrive.
Mélenchon, tout gonflé de la haute opinion qu’il a de lui-même, lance, sciemment, à contretemps une campagne des législatives, incitant presque explicitement ses électeurs au vote blanc ou à l’abstention. Prenant donc clairement le risque de faire passer la candidate RN. Et il affiche toujours son incapacité rédhibitoire à bâtir l’union des gauches : il ne veut pas d’alliés, juste des ralliés et repentants !
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