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15 janvier 2024 1 15 /01 /janvier /2024 22:06
Anne Bert, l'écrivaine française qui a choisi sa mort, en Belgique

Anne Bert, l'écrivaine française qui a choisi sa mort, en Belgique

L’aide à mourir est un droit individuel qui ne s’impose qu’à soi-même

Lorsque l’on interroge les Français, en dehors de toute hystérisation du débat, ils sont favorables à l’aide active à mourir. Mais les opposants instruisent de faux procès sur une prétendue concurrence avec les soins palliatifs ou bien sur le risque d’une injonction faite aux personnes atteintes de maux irréversibles. Et le recours au blocage parlementaire de toutes les propositions de lois déposées. Quant au projet de loi, issu d’une convention citoyenne, il est soumis au « bon plaisir » du président.

Puisque on invoque l'opinion pour justifier la loi sur l’immigration, rappelons que dans un sondage de janvier 2018 (IFOP pour La Croix), une large majorité des sondés se prononçaient pour l’euthanasie et/ou le suicide assisté. Seuls 11 % étaient pour le statu quo, la loi Léonetti. Même les catholiques pratiquants n’étaient que 28 % à s’opposer à toute évolution.

Question :

Par ailleurs, pensez-vous qu’il faille aller plus loin que la législation actuelle sur la fin de vie, en légalisant le suicide assisté (c’est-à-dire la possibilité pour un tiers de délivrer un produit létal permettant à celui qui le souhaite de mettre fin à ses jours) et / ou l’euthanasie (c’est-à-dire la possibilité pour un patient souffrant d’une maladie incurable de demander à un médecin de mettre fin à ses jours) ?

 

La convention citoyenne sous l’égide du CESE aboutit à des conclusions proches.

Des opposants, comme Catherine Tricot dans 28 minutes le 22/12/2023, avancent qu’une telle loi viendrait stopper la mise en place des soins palliatifs. Or c’est une loi de 1991 qui introduit les soins palliatifs définis comme "des soins actifs et continus pratiqués par une équipe interdisciplinaire en institution ou à domicile. Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage". Et une loi de 1999 est censée garantir le droit à l’accès à ces soins : des unités de soins palliatifs (USP) doivent être prévues dans les schémas régionaux d’organisation sanitaire et sociale. Sauf qu’un rapport du sénat en 2021 constate qu’en 2019 – 20 ans après donc -26 départements sont dépourvus de ces USP ! Alors prétendre qu’une loi, non encore votée et encore moins promulguée, pourrait entraver l’accès aux soins palliatifs est, pour rester dans l’euphémisme, un peu surprenant.

Au Québec, les médecins au cœur de l’aide à mourir : « C’est mon devoir d’accompagner les gens de leur naissance à leur mort, j’ai l’impression de boucler la boucle »

« Contrairement aux craintes évoquées par les soignants spécialisés dans les soins de fin de vie avant l’entrée en vigueur de la loi, l’aide médicale à mourir n’a pas nui au développement des soins palliatifs. » nous apprennent nos cousins québécois qui, eux, ont adopté en 2014 une loi qui fait l’objet d’un vaste consensus social. « Il ne s’agit pas d’une législation spécifique sur l’euthanasie, comme partout ailleurs, mais d’une loi globale sur la fin de vie dans laquelle nous avons créé un droit explicite aux soins pal­liatifs et inscrit l’aide à mourir dans un continuum de soins. Elle est le soin ultime, celui qui peut être demandé après tous les autres. » (V. Hivon, ancienne ministre qui a porté cette loi).

Autre objection des opposants : cette loi va créer, une sorte d’injonction à la mort qui obligera tous les citoyens touchés par la souffrance, la solitude, l’exclusion à se questionner. Or, si on regarde quelques pays où l’euthanasie et/ou le suicide assisté sont autorisés, on atteint à peine 2 % des décès en Suisse, 2,3 % en Belgique, 4,8 % aux Pays-Bas. « Leur décision n’est jamais une lubie, toujours le fruit d’un long cheminement. Evidemment que personne n’a envie de mourir, mais ils ne veulent plus vivre comme cela, la plupart partent avec un immense sourire. » explique Georges L’Espérance, docteur québécois.

« L’aide à mourir ne contrevient pas au commandement “tu ne tueras point”, qui s’adresse à des gens sans défense. Elle n’est pas un meurtre mais un acte encadré, civilisé, voulu par le patient. Dans la parabole de Jésus, le bon samaritain secourt toujours son prochain. C’est lui qui a raison, pas le pape » Jean Desclos, abbé.

Droit à une fin de vie libre et choisie

Des propositions de lois – émanant donc de parlementaires - ont été déposées à l’Assemblée nationale ou au Sénat.

Auxquelles il faut ajouter  la proposition de loi visant à établir le droit à mourir dans la dignité, déposé au Sénat par la sénatrice Marie-Pierre La Gontrie en novembre 2020.

Le sort réservé à la proposition Falorni est particulièrement éclairant. Elle sera adoptée par la commission des affaires sociales presque quatre ans après et soutenue par des élus de toutes tendances politiques, mais  l'examen de la proposition de loi va être bloquée  par cinq députés, avec Philippe Gosselin (LR) à la manœuvre qui s’était déjà distingué lors du débat sur la loi dite Taubira, qui pratiquent l’obstruction en déposant plus de 2500 amendements.

On en est maintenant, après la convention citoyenne, à un projet de… projet de loi élaboré par Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé, en juin 2023  dont, si l’on en croit Le Monde, on a exclu suicide assisté” car ça  renvoyait l’image d’une personne dépressive et “euthanasie” qui ferait référence à l’eugénisme nazi(sic) ! 

Mais la vraie raison de cette incapacité à employer les mots justes serait que M. Macron « n’aime pas le mot euthanasie » et que « suicide assisté est [pour lui] un oxymore ». Car si depuis juin 2023, le projet de loi est bloqué, c’est parce qu’il est sous le coude du président. Président qui étend donc, avec sa mentalité petite bourgeoise, son domaine réservé aux questions sociétales.

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22 décembre 2013 7 22 /12 /décembre /2013 22:08

« L'homme ne sera jamais immortel ; mais finir n'est rien, quand on est sûr que l'œuvre à laquelle on s'est dévoué sera continuée ; ce qui est honteux, c'est la souffrance, la laideur, l'affaiblissement successif, la lâcheté qui fait disputer à la mort des bouts de chandelle quand on a été flambeau. »  

Voilà ce qu’écrivait Ernest Renan en 1878, qui pensait que « les recherches [qu’il a] commencées sur une science qui s'appellera l'« euthanasie » mettront l'homme au-dessus de la plus triste servitude, la servitude de la mort. » Car, comme nous le rappelle l’étymologie, le beau mot d’euthanasie veut dire « mort douce et facile ».

Le doux mot d’euthanasie

Une fois de plus, dans son édito dominical,  Jeanne-Emmanuelle Hutin, soutien sans faille des anti-mariage pour tous, profite de sa position dans le premier journal de France (Ouest-France) pour tenter d’imposer le point de vue obtus des cagots.

 

Combien de personnes ont connu des drames de proches frappés d’une affection accidentelle ou pathologique grave, invalidante et souvent incurable, infligeant une souffrance physique ou psychique constante et inapaisable ? Quelle cruauté, quel cynisme même, d’oser écrire à l’encontre de ceux qui n’aspirent qu’à une mort dans la dignité, ce  ta vie – de souffrance et de désespoir – vaut mieux que l’euthanasie – c’est-à-dire une fin voulue, hors de la souffrance dégradante. Souvenons-nous des derniers mots de Kafka, transi de douleur, à son médecin : «Tuez-moi, sans quoi c’est un assassinat

 

« De quel droit empêcher une personne n’ayant plus de charges, en règle avec le fisc, ayant travaillé toutes les années voulues et ayant exercé des activités de bénévolat, de quel droit la contraindre à des pratiques cruelles quand on veut quitter la vie ? » ont écrit Georgette et Bernard Cazes qui se sont donnés la mort à 86 ans !

Faut-il aussi rappeler le philosophe André Gorz et son épouse Dorine, atteinte d’une maladie incurable, qui mirent fin à leurs jours à 84 et 83 ans, en septembre 2007 « Nous aimerions chacun ne pas survivre à la mort de l'autre. Nous nous sommes dit que si, par impossible, nous avions une seconde vie, nous voudrions la passer ensemble. ». Et encore Roger Quillot que son épouse Claire, réanimée, rejoindra dans un nouveau suicide.

 

"La possibilité de se suicider par assistance médicale comme l'aide au suicide constitue, à nos yeux, un droit légitime du patient en fin de vie ou souffrant d'une pathologie irréversible, reposant avant tout sur son consentement éclairé et sa pleine conscience".

Voilà ce qu’écrivent les citoyens qui ont formé le panel réfléchissant sur ce thème. Ils préconisent aussi ce qu’ils appellent une "exception d'euthanasie" dans le cas précis où une personne en fin de vie ne serait pas en mesure d'exprimer sa volonté cela sur décision commune de la famille et du corps médical.

On est bien loin de l’épouvantail agité par les adversaires du droit de mourir dans la dignité d’un risque d’une sorte d’eugénisme.

 

Pourquoi faut-il alors, une fois de plus, qu’un nouveau droit, qui ne s’impose à personne, soit contrebattu avec des arguments d’une honnêteté intellectuelle douteuse. Car en quoi ces propositions disent-elles à des personnes vulnérables qu’elles sont inutiles et coûteuses ? La caricature mensongère de cette assertion pollue le débat démocratique.

 

Un nouveau droit

Car il s’agit bien, là encore, comme pour le mariage pour tous, comme pour l’IVG et, avant, comme pour la contraception ou le divorce, d’instaurer un nouveau droit.

Droit dont certains, pour des raisons des plus respectables, ne veulent pas user. Nul couple catholique n’est forcé de divorcer, ni d’utiliser un moyen de contraception autre que la méthode Ogino. Pour autant, il n’a pas à imposer sa conception aux autres. Le droit de mourir dans la dignité sera le plus souvent le recours aux soins palliatifs qui, heureusement, se développent. Le choix ultime, qui requiert d’ailleurs une force morale extrême, du suicide assisté restera exceptionnel.

 

Quant à l’exception d’euthanasie, quand un de vos proches est réduit à l’état végétatif, maintenu dans une fausse vie totalement artificielle, avec la fin de l’acharnement thérapeutique, elle lui assurera une mort douce ce que ne garantit pas l’interruption de l’alimentation et/ou respiration forcée.

Un acte de charité, en quelque sorte.

La dernière lettre d'Anne Bert, euthanasiée en Belgique

"Je m’appelle Anne Bert, j’ai 59 ans et suis atteinte depuis deux ans de la sclérose latérale amyotrophique, dite aussi maladie de Charcot ou SLA. Maladie neuro-dégénérative incurable et mortelle à très brève échéance, qui emmure dans son corps  et paralyse progressivement tous les muscles jusqu’à l’asphyxie et la mort. La France nous interdit, en phase terminale ou face à l’inguérissable et aux souffrances insupportables, de bénéficier du droit à choisir l’euthanasie ou le suicide assisté, elle a préféré l’hypocrisie de la loi Leonetti qui ne garantie même pas le respect de nos directives.

Pour ma part, j’ai biaisé la violence de l’injonction de souffrir ce que l’on m'impose dans notre pays. C’est hors frontières et en femme libre jusqu’au geste létal et légal, qu’il sera mit un terme à l’horreur et aux tortures physiques et morales de mon emprisonnement, avec l’aide de médecins volontaires et humanistes. Ce choix si difficile rendu possible apaise mes derniers mois à vivre durant lesquels je n’ai cessé d’interpeller le gouvernement et les responsables politiques.

Ma vie s’achève, alors, pour clore ma contribution à cette lutte, avec la certitude que la littérature interroge et construit nos sociétés, j’ai tenu à écrire un livre intitulé Le tout dernier été*, pour dire autrement, sous le prisme du goût de la vie, comment je me suis réappropriée ma vision de la mort, bien au-delà du tabou de la fin de vie.

 

La ministre de la Santé m’a confirmé qu’elle ne veut pas rouvrir le débat sur le droit à choisir l’euthanasie en cas de maladie incurable ou en phase terminale. Lorsque ceux qui gouvernent la France ou exercent un pouvoir, nient la réalité sur une question fondamentale de la vie, alors les Français doivent œuvrer pour se faire entendre.

Je m’adresse donc à vous, citoyens libres d’une France démocratique laïque, je suis sûre que vous prendrez le relais de ce combat pour qu’advienne cette loi française qui doit garantir à tous la liberté de choisir en son âme et conscience les soins palliatifs ou l’aide active à mourir.  

Nous sommes tous concernés par la fin de vie et la mort, parfois beaucoup trop tôt. Penser la mort ne fait pas mourir, elle est inscrite dans notre existence. En faire un tabou nous soumet à la tutelle de la loi Leonetti et  à celle du corps médical, qui nous trompent puisque même la sédation profonde et continue peut nous être refusée malgré nos directives et la désignation d’une personne de confiance.

Vous êtes plus de 90%* à vous déclarer favorables au droit de choisir une aide active à mourir, dans un cadre strictement contrôlé. Près de 200.000 d’entre vous ont signé les pétitions mises en ligne depuis peu. Ce qui ne veut pas dire que vous aurez tous recours à l’euthanasie en fin de vie, vous réclamez simplement de pouvoir opter - lorsqu’il n’y a plus d’espoir de guérison – soit pour des soins palliatifs absolument conformes à vos directives, soit pour une aide active à mourir. Ce droit est basé sur les valeurs de la laïcité, comme il existe en Belgique depuis 2002. Il ne nuit pas à la liberté des croyants de toutes confessions, qui  peuvent choisir de vivre leur agonie jusqu’au bout.

 

Alors dites-le. Autour de vous, chez votre médecin, sur les réseaux sociaux et dans la rue s’il le faut pour y contrer une minorité obscurantiste, bruyante, qui se veut dominante. Réveillez les consciences sourdes ou endormies de nos dirigeants puisqu’ils vous confisquent le débat public sur cette évolution sociétale à disposer de vous-même jusqu’à votre mort.

N’acceptez plus que ceux qui sont aux responsabilités, cachés derrière la loi Léonetti, vous assènent sans vergogne et de concert avec certains médecins, sociologues et philosophes, des contrevérités au sujet de l’euthanasie. Ils tronquent la réalité, alimentent de leurs fantasmes la peur de légiférer sur le droit de choisir une aide médicale active.

Refusez le joug religieux qui entend soumette tous les français à la crainte de la loi de dieu, n’acceptez pas plus que des médecins refusent de vous rendre le pouvoir qu’ils détiennent sur la fin de votre existence.

Forte de mon expérience de fin de vie en France et de mon choix de trouver une terre plus hospitalière, je déjoue les arguments fallacieux et les fantasmes serinés un peu partout.

Non, la loi française n’assure pas au malade son autodétermination et elle n’est pas garante d’équité. Chaque équipe médicale agit, in fine, selon ses propres convictions et non selon les vôtres.

Non, la sédation profonde et censée être continue ne l’est pas, car fréquemment le médecin  réveille l’agonisant pour lui redemander s’il persiste dans son choix, ce qui est contraire à la loi Leonetti.

Non, l’euthanasie ne relève pas de l’eugénisme, ce sont les Allemands nazis qui en ont fait en temps de guerre leur instrument diabolique et ont dénaturé ce mot grec.

 

Non, la loi belge n’oblige pas le corps médical à la pratiquer et ce ne sont jamais les médecins belges qui décident d’euthanasier leurs patients. Seul le patient peut exprimer ce choix et doit trouver le docteur qui l’acceptera.

Non, la loi belge sur l’euthanasie n’a pas encouragé les spoliations d’héritage ni la liquidation des personnes âgées. Elle n’est pas non plus une solution d’ordre économique.

Non, elle n’a pas encouragé les malades à choisir cette porte de sortie - qui n’est jamais facilité - puisque seuls 2% des malades en fin de vie la choisissent.

Non, elle n’a pas non plus favorisé une multitude de dérives. Bien au contraire, la loi belge a balisé strictement l’aide active à mourir alors que près de 2 000 actes d’euthanasie clandestine- donc de facto criminels-  sont pratiqués en France sans aucun contrôle, de façon notoire.

Non, le procédé létal n’est pas violent.

 

Non, le droit à l’euthanasie ne s’oppose pas aux soins palliatifs.

Et enfin non, je ne suis pas un cas particulier et exceptionnel. Légiférer sur l’euthanasie n’est pas répondre à l’individuel, mais bien à une volonté collective de pouvoir choisir en son âme et conscience ce que l’on veut faire des derniers instants de sa vie.

Les médecins français  et quelques psychologues messianiques ne sont pas plus experts que leurs malades. Personne n’est plus à même que le malade incurable de décider de sa mort.

Nos gouvernants affirment ne pas entendre notre volonté à légiférer sur le droit à choisir une aide active à mourir?

Exigez, sans attendre, un débat public. Et en attendant cette loi qui se fera, rédigez tous vos directives anticipées dès maintenant en stipulant que vous réclamez ce droit en cas de souffrances inguérissables."

Anne Bert

 

* Bioéthique : PMA, GPA, euthanasie...

 

Voir aussi :

Attali, l’euthanasie et Magnat

 

 

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