Michel Onfray, phare lumineux de la pensée basse normande, fait la leçon au Parti socialiste en général et à Hollande en particulier. Qu’ils relisent Clausewitz, L’Illiade et bien sûr Sun Tze. Ou plutôt qu’ils lisent Onfray, et son « art de la guerre » pour les nuls.
Cette guerre du Mali, car c’est de cela qu’il est question, montre « l'impéritie idéologique du Parti socialiste qui n'a pas de pensée de la guerre – pas plus qu'il ne dispose d'une pensée de l'éducation, d'une pensée de la santé, d'une pensée de la culture, d'une pensée de la bioéthique, etc. ». Ceux qui, comme moi, seraient tentés de juger cette phrase comme la démonstration répétée de la suffisance du philosophe, n’auront droit qu’au mépris hautain du penseur caennais.
Bien qu’il se réfère au fameux Sun Tzu, qui, si l’on en croit un spécialiste, P. Fayard, est un penseur de la complexité, Onfray lui donne dans le simple, le simplisme même. Hollande a décidé, poussé par les publicitaires, la guerre au Mali parce qu’il s’effondrait dans les sondages. Aussi nul que soit Hollande, il ne pouvait avoir oublié que la guerre éclair et victorieuse (ou qu’il présentait comme telle) de son prédécesseur en Libye, n’avait pas dopé longuement sa popularité.
On peut disputer des causes de la décision de Hollande, mais les réduire à une opération de communication n’est peut-être pas faire preuve d’une grande finesse d’analyse. Même Mélenchon n’a pas été aussi loin dans la caricature. Autant qu’il m’en souvienne, il a reproché à Hollande d’intervenir au bénéfice d’un gouvernement non démocratique. Fallait-il venir au secours d’un état, déjà dépecé, et qui risquait de tomber sous la coupe de groupements terroristes extérieurs ? Hollande, d’ailleurs, en vrai disciple de Sun Tzu, eût préféré faire l’économie d’une intervention en laissant le rôle de réunification à une force africaine.
Sans vouloir mettre en doute la compétence géopolitique et géostratégique de l’ex-prof de philo de l’institution Ste Ursule, parler de « configuration napoléonienne » à propos de l’intervention malienne, avec Clausewitz à l’appui, est peut-être un peu exagéré. Quatre mille hommes environ, certes des moyens technologiques supérieurs (aviation notamment), mais on est loin, même proportionnellement, du rouleau compresseur états-unien en Irak par exemple. Les prises d’otages, dont il fait état, n’avaient pas attendu la crise Malienne pour avoir lieu. Elles ne paralysent pas immédiatement l’action militaire, puisque, à ce compte, l’intervention n’aurait jamais eu lieu.
Et dans un grand écart, nous sautons des grottes inaccessibles du nord Mali où les insaisissables combattants islamistes en tongs(?) et djellabahs se sont réfugiés à des truismes sur la nécessité d’une défense européenne qui mutualiserait les matériels, les savoir-faire, les troupes, la technologie, la compétence, les budgets, les commandements. Une CED – communauté européenne de défense - en quelque sorte. Mais qui supposerait – c’est là-dessus que ça a échoué en 1954 – d’abord une vision commune de la défense.
Puis nous retombons dans les grottes ou les dunes et au point de départ de la pensée suprême de l’hédoniste à la triste figure : Hollande veut redorer son blason à moindre coût en pourchassant « des va-nu-pieds dans le désert plutôt que de s'attaquer à des Etats riches, forts, puissants, disposant d'une véritable armée, voire de bombes atomiques, et qui souscrivent à l'idéal terroriste d'un certain nombre de musulmans intégristes, notamment l'expansion idéologique en Occident ! » Du coup, on se demande si le pourfendeur de Freud n’a pas abusé du Calva. Car, aussi nul en géopolitique que peut l’être un socialiste, des pays de ce genre, il n’y en a pas beaucoup. Ne parlons pas des micro-états du golfe qui rachètent petit à petit ce que la France en faillite brade aux émirs les plus offrants (jusqu’à présent à part le PSG, pas grand-chose). L’Arabie saoudite ? L’Iran ? Le Pakistan ? Voilà qui répondrait mieux à la définition. S’attaquer à eux ? Il faudrait que notre Ulysse nous explique quelles ruses employer : le cheval de Troie du consumérisme (développement des classes moyennes, avec moins d’enfants) n’a pas semblé bien probant en Tunisie et en Egypte. Et l’art de la guerre pratiqué en Afghanistan par les états-uniens – mais oui, quand les soviétiques étaient à Kaboul – a abouti à la prise du pouvoir par les talibans qu’ils avaient armés.
Si ce papier veut dire qu’une fois la reconquête des cités assurée (au risque toujours présent d’attentats), tout n’est pas réglé, c’est enfoncer une porte ouverte. Touaregs mécontents, bandes armées mêlant intégrisme et trafics en tout genre, frontières poreuses, quasi sanctuaires en Libye, etc. rendent fragile toute cette zone sahélienne. Mais si la France pèche, c’est de ne pas avoir assez usé de son ingérence en ne faisant pas arrêter le capitaine factieux qui a mis à mal un système politique certes imparfait, mais qui n’était pas le moins démocratique de la région.
En complément un article du Canard Enchaîné sur le très tolérant philosophe post-anarchiste