Quésaco ?
Kékséksa ?
Un tout petit livre paru en 1935 et qui vient seulement d’être réédité. Son propos ? La survie, post-apocalypse, d’un groupe d’enfants (plutôt défavorisés à l’origine) et du dernier adulte sur terre, le narrateur, Gérard Dumaurier.
Dans la première partie, sur une trentaine de pages, le narrateur nous décrit les origines et le déroulement de ce qui sera l’ultime conflit mondial jusqu’à l’anéantissement de l’humanité par une méthode scientifique et … hilarante (mais on rit plutôt … jaune). Anticipation donc, mais les allusions aux relations internationales rendent plausible cette fiction qui précède de quatre ans la réelle deuxième guerre mondiale.
Le reste du roman me semble sous-tendu par le constat que fait très vite Gérard Dumaurier :
« Nous étions redevenus des barbares »
même s’il s’exclut de cette micro-société qui s’ébauche, à laquelle il veut demeurer étranger pour observer le groupe comme un entomologiste qui « étudierait une colonie de fourmis ». Il consigne dans son petit cahier à couverture de toile cirée les comportements de « cette poignée de galopins ignares, ahuris, vicieux, superstitieux et peureux » et ponctue ses observations de sarcasmes et de « Je m’en fous » qui ne sont que la traduction de l’impuissance, de l’absence d’avenir, du désespoir. Il se sent complètement démuni, incapable même de « reconstituer la plus simple des mécaniques qui faisaient jadis marcher (sa) civilisation ». Il renonce, lui, l’ancien précepteur, à transmettre à ces gosses un début d’éducation, un début de culture ; mais comment les léguer à des êtres quasi dépourvus de repères et de passé qui se débrouillent dans un état de nature irrationnel et pas vraiment innocent? Il renonce même presque totalement à communiquer avec eux qui se sont inventé un langage sommaire et réducteur dont il donne un aperçu (succulent) dans La Prière à Boudi-Hou. Les mômes ne font que le tolérer, même s’ils arrivent à le vénérer quand il réussit à faire fonctionner un briquet !
On est donc bien loin du mythe du bon sauvage dans cette œuvre pessimiste. Pourtant, en creux, cette charge porte la défense du pacifisme : c’est la folie de la guerre qui a conduit à ce monde absurde et désespérant. D’ailleurs pour en atténuer la virulence, l’auteur entretient tout au cours du récit une ambiguïté : d’entrée, le narrateur signale qu’il est peut-être fou ; son récit est donc une façon de survivre soit dans la folie soit dans le cataclysme. Et c’est remarquablement écrit, qu’il s’agisse de l’invention du nouveau langage ou de la stupéfiante description de la ville de Lyon anéantie.
Le pessimisme du roman n’a pas empêché Régis Messac d’être un homme engagé dans son époque ; fils d’instituteurs, né en Charente en 1893, il suivra ses parents au fil de leurs mutations : Léoville, Castellane, Luçon… Blessé et trépané en 1914, c’est en pacifiste convaincu qu’il refusera ensuite toute promotion militaire. De retour à la vie civile, il passe l’agrégation, devient prof puis soutient, en précurseur, une thèse sur le roman policier. Ce pur produit de la Laïque essaiera sans succès d’intégrer l’enseignement universitaire ; la publication d’un brûlot intitulé « A bas le latin » et qui condamne la sclérose du milieu enseignant lui en fermera les portes. Nommé à Coutances en 1936, il participe activement à des publications militantes de gauche avant de soutenir efficacement les réfractaires au STO pendant l’Occupation. Arrêté sur dénonciation en 1943, il est déporté « Nuit et Brouillard » et disparaît en 1945, sans doute au cours des « marches de la mort »
J’exprime toute ma gratitude au Canard Enchaîné pour avoir signalé l’existence de ce petit livre à ses lecteurs dans un billet enthousiaste qui m’a engagée à me le procurer.
QUINZINZINZILI (Régis Messac éditions Arbre Vengeur)
Les amis de Régis Messac ont repris le titre du roman pour leur "bulletin messaquien"
http://www.lekti-ecriture.com/blogs/alamblog/index.php/tag/R%C3%A9gis%20Messac
Les anarchistes revendiquent Régis Messac (ci-dessus,dans une photo de classe) comme un des leurs
http://lanarchiviste.blogspot.com/2009/12/regis-messac-anarchiste-messaquien.html
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