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23 mars 2010 2 23 /03 /mars /2010 14:14

repunliqegaliteJ’avais signalé un texte co-signé par G. Pau-Langevin et C. Caresche à plusieurs amis et connaissances ; Jacques Venuleth, un ami d’Azrou, auteur de livres pour la jeunesse, que la résurgence du FN – et plus globalement d’une xénophobie de plus en plus décomplexée – doit inquiéter, m’a transmis cette réaction.

 

Je voudrais réagir – tardivement, mais c’est l’actualité qui me réveille - à une brochure […] « Une république de l’égalité : contre les discriminations liées à l’origine » par Christophe Caresche et George Pau-Langevin, brochure* éditée par la Fondation Jean Jaurès.  (10/2009)

 

J’ai apprécié l’argumentaire général de la brochure : il est temps de prendre la mesure de la gravité de ces atteintes à la démocratie, de cesser de se cacher derrière son petit doigt en mettant en avant de faux problèmes, et donc de se donner les moyens de sanctionner ceux qui pratiquent ces discriminations.  Tout à fait d’accord.

 

Par contre, je me souviens que pour lutter  contre les discriminations liées à l’origine, le rapport évoque dès le départ deux axes d’intervention : l’éducation et la sanction, pour ensuite abandonner complètement le premier sous prétexte qu’il ne suffit pas !

 

Evidemment qu’il ne suffit pas, mais oublier, négliger ainsi l’éducation, en n’y faisant ensuite même plus allusion, me semble vouer irrémédiablement tous les efforts à l’échec. Un peu comme si découvrant une voie d’eau dans sa barque, on se contentait d’écoper, sans au moins essayer de réduire en même temps le trou.

 

Education et sanction sont indissociables : ce type de rapport devrait enfoncer le clou, et ébaucher ensuite des pistes pour effectuer ce travail d’éducation de la même manière qu’il le fait pour la sanction.

 

Si ce travail d’éducation n’est pas fait, l’actualité telle qu’elle est relatée par les grand médias, d’une manière soi-disant brute et objective, réalimente chaque fois le fonds existant de commisération et de pitié, ou de mépris et de racisme, que l’on éprouve pour les populations de ce qu’on appelait le Tiers Monde avant la mondialisation.

 

Un évènement de guerre en Afrique ou une manifestation sanglante lors d’une « élection démocratique », un attentat en Irak ou en Afghanistan, un tremblement de terre en Haïti nous renvoie l’image de peuples dépassés, incapables de se gérer seuls, primitifs et sauvages, peuples qu’il faut aider, charité oblige, ou définitivement abandonner à leur incurie.

 

On en arrive à cette image que les Français ont de l’Afrique selon un sondage Sofres effectué pour le Pèlerin Magazine en 2003, que rapporte et qui désole Aminata Traoré :

83 % d’entre eux associent ce continent aux termes « pauvre » « instable » « corrompu » « violent » ; 15 % seulement aux termes «  jeune » « diversifié » « solidaire » « dynamique ».

 

Et les voyages, les échanges de plus en plus nombreux dans le cadre du tourisme mondial ne vont rien améliorer : les rapports noués, souvent biaisés, inégaux, incomplets, renforcent souvent au contraire les a priori négatifs.

 

Pour exploiter ce fonds négatif, les Zemmour, Le Pen, Guaino, Sarkozy, Stephen Smith n’ont même pas besoin d’en rajouter. Il leur suffit de surfer sur la vague, en « constatant » que la plupart des délinquants sont noirs ou arabes, en enfermant les musulmans dans l’islamisme, en stigmatisant une Afrique qui ne serait pas encore entrée dans l’Histoire, en faisant croire que désormais les Africains sont seuls responsables de leur état, car la Françafrique, c’est fini.

 

Cette pitié et ce mépris, qui se réalimentent au fil de l’actualité mondiale, englobent également dans leurs effets négatifs les populations émigrées de France, leur origine les rattachant à ces contrées, même si c’est seulement parfois d’une manière visible. Se renouvelle du même coup cet ostracisme que les lois sur les sanctions voudraient seules réduire et combattre. Travail de Sisyphe.

 

Il et temps de passer à l’offensive, en s’attaquant aux causes du tsunami raciste qui peut noyer la France, au lieu de se contenter de dénoncer ceux qui surfent dessus ou d’essayer de limiter l’ampleur des dégâts.

 

Esclavagisme, colonialisme, néocolonialisme sont trois mots, trois notions, trois réalités, que l’on admet, mais que l’on estime dépassées et sans action sur le présent, surtout pas sur le présent de la France.

 

Le travail d’historiens, heureusement de plus en plus nombreux, prouve le contraire. Ils nous obligent à relire ces pages que nous avons non seulement voulu tourner, mais également effacer. Ils nous rappellent que la République a été coloniale, et que « grâce » à Jules Ferry, nous avons appris à lire avec cette idée que la France des Droits de l’Homme avait le devoir d’éduquer, de civiliser les peuples sauvages et donc inférieurs de la planète, et que c’était ça le colonialisme. Ce genre de trace est résistant, ne part pas au premier lavage.

 

Ils ne nous demandent aucune repentance pour des faits dont on ne peut pas se sentir responsable, vu qu’on ne les a pas personnellement commis, même si on en a ensuite profité.

Ils nous invitent seulement à ouvrir les yeux et à oser regarder cette histoire contemporaine sous ses différentes facettes, oser prendre acte des possibles conséquences actuelles.

 

Soyons déjà de plus en plus nombreux à lire ces travaux, et exigeons ensuite qu’ils soient popularisés, grâce à l’intervention du pouvoir politique et des grands médias.

Car, au niveau politique, il ne s’agit pas de se contenter de se battre, par exemple contre cet article 4 de la loi du 23 Février 2005, qui voulait imposer une lecture positive de la colonisation, un article qui a heureusement été ensuite retiré.

Il s’agit d’aller plus loin et de faire des contre-propositions, en demandant que le travail d’éducation sur cette période, positif et négatif mêlés, soit pris en charge.

 

Ce qui a été accompli pour mettre à jour la responsabilité de la France de Vichy et en tirer les conséquences doit pouvoir l’être aussi en ce qui concerne la responsabilité de la République coloniale et néocoloniale.

 

Alors un nouveau regard pourra être porté sur les peuples du Tiers monde en général et sur la réalité de France postcoloniale en particulier.

 

Et même si les sanctions resteront longtemps encore nécessaires contre ceux qui persisteront à pratiquer des discriminations liées à l’origine, elles auront au moins quelques chances d’avoir des effets durables.

 

Jacques Venuleth

 

 

Quelques pistes de réflexion :

 

François-Xavier Verschave : la Françafrique : le plus long scandale de la République

Stock 1998

 

Sven Lindqvist : Exterminez toutes ces brutes – l’odyssée d’un homme au cœur de la nuit et les origines du génocide européen

Le serpent à plumes  1998

 

Oliver Le Cour Grandmaison : Coloniser, exterminer- Sur la guerre et l’état colonial

Fayard 2005

 

Gilles Manceron : Marianne et les colonies- une introduction à l’histoire coloniale de la France

La Découverte  2003

 

Aminata Traoré :  L’afrique humiliée

Hachette Pluriel 2008

 

Aminata Traoré : Lettre au Président des Français à propos de la Côte d’Ivoire et de l’Afrique en général

Fayard 2005

 

Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Françoise Vergès : la République coloniale

Hachette Pluriel 2003

 

* Télechargeable au format *.pdf : http://www.jean-jaures.org/Publications/Les-essais/Une-republique-de-l-egalite

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