De certains livres, on se demande s'ils trouveront leur public, et on se dit qu'il est déjà étonnant qu'ils aient trouvé un éditeur, justement parce qu'ils sont exceptionnels. C'est le cas de "Le principal, il nous aime pas", de Régis Félix. Celui-ci raconte, jour après jour, sa vie de chef d'établissement. Son bureau est le lieu où se manifestent les drames ordinaires d'une petite ville banale et d'un petit collège banal , même pas classé "ZEP", bien qu'il le mériterait. Certains sont spectaculaires, la plupart sont juste la manifestation silencieuse de tragédies minuscules qui n'intéressent pas grand monde. Ce sont seulement des adolescents dont la vie se joue.
"Yann décroche contre son gré, douloureusement et lucidement. Il s'accroche toujours au collège Wresinski comme à une bouée. Il sait qu'il est en danger de couler. Mais, tel un bateau à bord duquel personne n'a vu qu'un passager est tombé à la mer, l'Ecole avance, imperturbable."
Régis Félix pourrait nous proposer ici un plaidoyer vibrant pour d'autres pédagogies, ou pour d'autres formes sociales. Militant d' "ATD Quart monde", il connaît manifestement tous les discours utiles. Il s'y refuse. Pour transcrire le quotidien, il ne dispose que de sa plume. Sa prose, d'une absolue simplicité, presque transparente à force de discrétion, est d'un véritable écrivain. On sent aussi, sans aucun pathos, une profonde humanité, qui fait qu'on attend le dénouement des drames avec toujours un peu d'espérance.
Ce livre décevra tous ceux qui attendent des recettes pédagogiques, ou des proclamations militantes, bien des libraires hésiteront à le mettre dans le rayon littérature, où il devrait être.
"Le principal, il nous aime pas", Régis Félix, Chronique sociale et ATD Quart Monde, 208 p., 14,50 €
Publié avec l'aimable autorisation de l'auteur, Pascal Bouchard
Un autre point de Vue sur ce livre avec Jean-François Chalot : Le Collège : ce n’est pas une promenade de santé !