Plus de 15 soirs pour venir à bout du premier tome (prêté) de Millenium, j’ai été victime de mon principe de ne jamais abandonner un bouquin en cours de lecture ! Inutile de préciser que je n’ai guère apprécié ce gros truc que je trouve plein de poncifs, assez racoleur et, de surcroît, pas toujours correct dans la forme. Je n’investirai bien évidemment pas dans les volumes suivants…
En découvrant, bien tardivement, le Sicilien Leonardo Sciascia (1921-1989) avec Le Jour de la chouette, je ne quittais
pas le milieu interlope, mais c’est d’un autre niveau !
Sous le prétexte d’une enquête policière après l’assassinat en Sicile, dans les années cinquante, d’un petit entrepreneur qui a toujours refusé de se laisser corrompre, Sciascia brosse un tableau de la Mafia ordinaire bien éloigné des superproductions cinématographiques et qui fait frémir : (elle) « se pose en intermédiaire parasite et s’impose par la violence entre la propriété et le travail, la production et la consommation, le citoyen et l’Etat » explique-t-il en quatrième de couverture.
Bellodi, le capitaine des carabiniers qui conduit l’enquête, se heurte à un mur de silence : les témoins oculaires se défilent, les proches des victimes sont muets, les suspects ne lâchent que des informations anodines. Pour briser l’omerta, le capitaine doit recourir à la ruse afin de démasquer, en pure perte d’ailleurs, les coupables. Dans un moment de découragement et de colère, lui l’homme de gauche (et du nord) qui a combattu le fascisme en arrive même à souhaiter (brièvement) la suspension temporaire des garanties constitutionnelles en Sicile « pour extirper le mal à jamais » d’autant qu’un de ses coéquipiers a réussi à arracher un nom à une des veuves par une attitude menaçante. Car le système mafieux est pernicieux ; la pieuvre s’immisce dans tous les domaines : dans la justice, dans la politique, dans la société jusque dans le quotidien de chacun et dans la famille même qui n’est qu’un agrégat de solitudes. Par le biais de l’enquête, Sciascia en fait une démonstration et une dénonciation magistrales en à peine 150 pages dans une langue claire et pleine de verve qui atténue la noirceur de ce roman policier ET politique.
Par ce texte, Sciascia est devenu une des grandes consciences laïques de l’Italie.
L’instituteur sicilien, homme de convictions, s’engagera en politique (conseil municipal de Palerme puis Parlements italien et européen). Jusqu’à la fin de sa vie, il continuera à se battre par l’écriture contre la Mafia et la peine de mort : pour la seconde, c’est maintenant chose faite mais pour « Cosa Nostra », c’est une autre affaire !
Un livre, un auteur à découvrir pour ceux qui, comme moi, auraient tardé à le faire !
NB Je déconseille aux éventuels lecteurs de commencer par l’introduction de Claude Ambroise : très documentée, très savante, elle décortique par trop le roman que, de mon point de vue, elle déflore. En revanche, une lecture a posteriori apporte un éclairage intéressant et enrichissant à cette œuvre, bien plus complexe qu’il n’y paraît.
Le Jour de la chouette (Leonardo Sciascia GF Flammarion n° 461)