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12 avril 2011 2 12 /04 /avril /2011 16:56

fideliteslitterairesIl est des auteurs que j’achète les yeux fermés mais qui me les maintiennent ouverts «jusqu’à pas d’heure». Je vous livre mes impressions sur les dernières productions de mes «chouchous ».

 

 

andrea camilleriCommençons par l’ancêtre Camilleri (85 printemps) qui nous conduit une fois de plus dans le sillage de Montalbano sur La piste de sable*.

L’intrigue rebondissante, le commissaire quinqua et toujours vert qui se remet des vicissitudes de l’enquête en dégustant les savoureuses spécialités locales, la Sicile décrite avec une économie de mots magistrale (qui contraste avec des protagonistes hauts en couleurs) tout cela m’enchante et fait passer un excellent moment. Mais le petit plus, c’est la langue, mélange à l’origine d’italien et de dialectes siciliens dont le traducteur, Quadruppani, nous régale (on lui pardonnera quelques coquilles). Il faut lire son avertissement en tête de l’ouvrage pour comprendre «l’entreprise délicate» que constitue une telle restitution.

 

J’ai moins apprécié le roman intitulé Un samedi entre amis acheté en même temps et qui n’appartient pas à la série des enquêtes de Montalbano. Il m’a semblé plus poussif… 

 

*Fleuve noir 19,90€

 

 

john-irving-2Avec John Irving, j’ai été entraînée dans une traque qui se déroule sur plusieurs décennies après une mort violente et … bouffonne à l’origine de cette Dernière nuit à Twisted River* (j’avais déjà lu cinq romans d’Irving).

Dominic, «le Cuistot» et son jeune fils Danny vont devoir quitter en hâte et en douce ce hameau de bûcherons et de draveurs de l’extrême nord-est des Etats-Unis. Leur fuite est protégée par Ketchum, le bûcheron anar, grande gueule et ami indéfectible qui ponctue ses phrases rugueuses de «Bon Dieu de bouse de bison !»  «Ne me mets pas les couilles à l’envers»  «Immaculée Constipation»  et qui n’apprécie guère la compagnie de ses semblables : «J’aime autant rester chez moi à regarder péter mon chien». Les deux fugitifs nous font traverser le temps et les grands espaces, changent d’amours et d’identités  et c’est délectable d’autant que l’art culinaire occupe une place de choix dans le récit. Dans cette errance, la solidarité est toujours présente mais ce n’est jamais pontifiant et l’émotion côtoie l’extravagance : ah ! CETTE ange à poil et en parachute qui atterrit dans le fumier de cochons  (et qui rappelle des épisodes croustillants de précédents romans) ! Les figures féminines sont attachantes (comme l’inénarrable Pack de six) et, cerise sur le gâteau, Danny, devenu écrivain à succès, nous dévoile par procuration la démarche littéraire de l’auteur.

 

* Seuil 22,80€

 

 

 

RobertSoleAvant La Mamelouka, j’avais été enthousiasmée par Le Tarbouche de Robert Solé, véritable saga familiale d’Egyptiens d’origine syro-libanaise, les Batrakani qui se disperseront après la révolution nassérienne. On retrouve dans Une soirée au Caire*  un de leurs descendants, Charles, le narrateur, mandaté pour liquider sur place l’héritage familial. Désormais Français, il a, contrairement au reste de la famille, maintenu des liens forts avec son pays d’origine, y rejoint la vieille tante Dina qui le faisait autrefois fantasmer et qui tente d’y conserver l’usage du français et les traditions mondaines, mais bon enfant, d’antan. Charles retrouve une Egypte inéquitablement partagée entre richesse et profonde misère, entre modernité relative et tradition fataliste, entre majorité musulmane et minorité copte (la parution du livre date d’août 2010). Les souvenirs affluent et la nostalgie guette mais l’écriture est d’une pudeur extrême et l’apparition lumineuse de la jeune Amira, ses propos engagés, sa tranquille assurance permettent de clore la soirée sur une lueur d’espoir :

«Une autre histoire s’écrit aujourd’hui»  (p. 210)

Prémonitoire ?

 

*Seuil 17€

 

 

 

douglas-recadr-ISimonSipa-1-150932 LJe suis restée en terre égyptienne en compagnie de Douglas Kennedy Au-delà des pyramides*

Rien à voir avec L’homme qui voulait vivre sa vie  ou avec Les désarrois deNed Allen , ces carnets de voyage s’apparentent plus, pour la forme, à son enquête Au pays de Dieu.

Il s’agit de la première œuvre de Douglas Kennedy publiée en 1988 mais traduite fort tardivement dans notre langue (2010) et ce récit d’un voyage effectué en 1985 n’a rien d’une croisière touristique. Muni d’un petit pécule (en fait, une avance d’éditeur), l’auteur boude délibérément les sentiers battus par les touristes en utilisant auto-stop, train, felouque ; c’est carrément décalé, à l’image de ces Bédouins «accros » à une chaîne US dans une oasis. Les fréquentations de Kennedy, qui s’immerge avec de tout petits moyens dans la société égyptienne, nous ouvrent les yeux sur les réalités de l’époque, sur «les énergies contradictoires à l’œuvre en Egypte». Le futur romancier fait preuve d’une belle maîtrise : son témoignage est très construit et il associe habilement rigueur et humour, esprit critique et tolérance pour nous brosser un tableau non-conformiste mais convaincant de l’Egypte d’il y a un quart de siècle. Les événements récents nous prouvent que rien n’avait fondamentalement changé depuis lors…

Un excellent document qui se lit comme un roman !

 

*Belfond 19,50 €

 

 

 

AVT Henning-Mankell 5444Le dernier livre d’Henning Mankell est longtemps resté sur ma table de chevet. Sachant qu’il s’agissait, par la décision irrévocable de l’auteur, du « terminus » de la série Wallander, j’hésitais à l’ouvrir…appréhension d’une disparition annoncée sans doute.

L’homme inquiet* ne m’a pas tant passionnée par son intrigue que par le poignant retour que l’inspecteur d’Ystad y effectue sur lui-même. A trop se laisser envahir par son travail, il s’était pour le reste «enfoncé dans son cocon de paresse» , il avait négligé sa vie personnelle et celles d’autrui. Lorsqu’il en prend conscience, il est trop tard . Amer constat. Il peut juste remettre en ordre des affaires professionnelles avant que son esprit ne sombre dans le désordre.

 

Mankell, c’est un très mauvais coup que tu* nous fais là ! Au moment où tu donnes une sacrée consistance à ton personnage, tu le largues… et on se sent un peu orphelins. Mais il faut se faire une raison : les préoccupations de Wallander étaient sans doute trop éloignées de tes engagements.

Adieu donc, Wallander, mais à bientôt, Mankell.

 

*Je m’autorise le tutoiement qui est généralisé en Suède depuis la fin des années soixante.

 

* Seuil policiers 22 €

 

 

 

AserhaneLes potes de l’AAA (et les autres) qui ont apprécié, parfois en grinçant des dents, Les enfants des rues étroites et Messaouda d’Abdelhak Serhane peuvent se plonger dans L’homme qui descend des montagnes* qui a de nouveau pour cadre Azrou où l’auteur a passé, il y a quelques décennies, une partie de son enfance qu’il évoque dans cet ouvrage.

Une réserve, d’entrée : la quatrième de couverture fait allusion à un village du Haut Atlas ! Pourtant, dès les premières pages, l’auteur cite nommément Azrou puis mentionne Titahcen, El Hajeb, Meknès. On conseille au rédacteur de la quatrième d’aller faire un tour sur Google Earth pour ne plus confondre Haut et Moyen Atlas et à Serhane de vérifier la présentation de l’éditeur. Il est vrai que Mme Duflot vient de rajouter une couche à notre pitoyable réputation en géographie, alors…

Le verbe de Serhane est toujours aussi impétueux (non exempt de scories parfois) pour traduire un quotidien misérable, voire sordide. Il le tempère en introduisant des contes de la tradition orale  ou en rapportant des échanges (quelquefois musclés) émaillés de dialectal. Retour sur un passé douloureux donc, dont l’approche et la virulence m’ont irrésistiblement évoqué Zoé Valdés (de celle-là, je vous entretiendrai sûrement un jour…) : même dénonciation virulente de la corruption , de la difficile condition féminine, des superstitions, même humour ravageur, même crudité du langage.

Nos ex-potaches nous diront que la situation a évolué au Maroc depuis les sixties. C’est vrai. Cette génération a, comme Serhane, plus ou moins bénéficié de l’ascenseur social et les filles que nous avons eues en classe et retrouvées ensuite ne sont pas des femmes soumises. Pour autant, on ne peut pas oublier la situation de la jeunesse actuelle dont l’avenir n’est pas précisément radieux.

 

* Seuil 18,50 €

 

 

Après ces petits comptes rendus, je vais pouvoir attaquer la lecture du dernier John le Carré que je fréquente depuis des lustres !

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