Mme Marie-Agnès LABARRE, qui a remplacé Mélenchon au Sénat et M. François AUTAIN, ex-Chevénementiste devenu Mélenchonniste lancent une proposition de loi-cadre visant tout à la fois à instaurer la loi de 1905 en Alsace-Moselle et en Guyane et à supprimer la loi Debré sur l’enseignement privé. Dans le genre, plus laïque que moi je meurs, les deux font fort. Ce petit jeu auquel excellent les laïcistes qui consiste à feindre d’appliquer les grands principes (A école publique, fonds publics, à école privée, fonds privés), tout en sachant leur totale impuissance à établir un rapport de forces capable de faire passer cette proposition. L’enseignement privé sous contrat accueille, en gros 20 % des élèves, mais près de la moitié des parents ont joué à passer leurs rejetons d’un système à l’autre (dont certains membres de l’Education nationale).
Nos mélenchonniens savent bien que mettre en avant cette suppression de la loi Debré, serait faire un cadeau en or massif à Sarko en 2012. Mais il s’agit en fait d’une petite manœuvre politicienne pour tenter de ratiboiser les voix de quelques vieux laïques, nostalgiques du "serment de Vincennes" qui fut l’alfa et l’omega de leur engagement citoyen.
L’exposé des motifs, derrière des rappels peut-être pas inutiles sur « les lois communes (…) conçues en toute indépendance par rapport aux convictions particulières, qu'elles soient religieuses ou athées », mélange un peu tout. Ainsi affirmer que les services publics « font (…) correspondre aux lois communes une action sociale d'envergure, qui promeut la justice sociale en même temps que la laïcité » n’a pas grand sens, si ce n’est se payer de mots. Les grands services publics auraient pour but de compenser les inégalités de fortune de la société civile ; qu’ils puissent les atténuer soit, mais seule la fiscalité, des politiques de logements et d’emplois, etc. peuvent réduire ces inégalités. Il est souhaitable que la justice sociale et la laïcité aillent de pair, mais l’une n’implique pas l’autre. Et, sauf à considérer que la laïcité est une exception française tout régime démocratique peut être laïque. Cette République laïque et sociale est hautement souhaitable. Elle est virtuelle en France. Elle ne définit pas la laïcité.
Les auteurs emploient un langage assez contourné pour sembler redire ce qui se trouve fort bien écrit dans les deux 1ers articles de la Loi de 1905. Ce qui permet, sans avoir l’air d’y toucher, d’en tordre subrepticement les principes. Ainsi la laïcité dans une phrase devient émancipation laïque – une laïcité positive ? – la phrase suivante, termes qui seront repris ensuite, remplaçant le mot laïcité. S’introduit aussi la distinction entre sphère privée et sphère publique. Alors que la liberté de conscience relève du libre arbitre de chaque personne mais n’empêche pas la manifestation publique de choix religieux et philosophique, dans le respect de l’ordre public, ce qu’exprime bien aussi la loi de 1905, surtout quand on l’éclaire des riches débats en commission. La neutralité de l’état s’impose à ses agents, pas aux usagers de ses services.
Leur définition de la laïcité place dans les éléments qui la composent l'égalité des droits de tous les citoyens alors que la laïcité est une des conséquences de cet article fondamental de la Déclaration des Droits, égalité qui comme la liberté va se conjuguer sous de nombreux aspects (les droits politiques – de vote, de se présenter aux élections, d’adhérer à un parti… – et le droit conjugal ont ainsi mis longtemps à s’inscrire dans ce principe).
Quant à l'universalité de l'action publique visant à mettre en accord la réalité concrète et les exigences contenues dans les droits proclamés qui serait le gage de la concorde dans le vivre ensemble, c’est certes ronflant comme la phrase suivante (L'honneur d'une politique laïque et sociale décomplexée est ainsi de veiller aux applications pratiques des principes abstraits, à l'encontre de tout opportunisme électoraliste.) mais c’est surtout creux. Si ça veut dire qu’il vaut mieux mette ses actes en accord avec les principes qu’on affiche, soit. Mais ça ne concerne pas que la laîcité…
Une fois passé ce lourd exposé, les propositions sont claires : suppression du concordat en Alsace-Moselle (de quoi réjouir Mouloud Baubérot), abrogation d’une ordonnance de Charles X du 27 août 1828, qui fait bénéficier le culte catholique d'un financement public en Guyane, en bref application de la Loi de 1905.
Cela aurait dû suffire pour une loi d’extension du domaine de la laïcité. Loi impossible à faire adopter, mais qui n’est pas suicidaire électoralement.
Mais à l'encontre de tout opportunisme électoraliste (voilà où voulait mener le charabia sur l’universalité de l’action publique), ils veulent rallumer, à leur façon, un débat, hélas, tranché à l’été 1984, quant une loi sur le grand service public de l’éducation nationale, négociée avec intelligence par Alain Savary, a été sabotée par celui qu’on surnommait le Joxe-terrier, André Laignel. Le laïciste de service (de sévice) et ses complices allaient provoquer une manifestation géante des tenants de l’école privée confessionnelle. Mitterrand, le 14 juillet, en tirait les leçons et retirait le projet de loi. Retour à la Loi Debré ! Prônons donc, la suppression de cette infâme loi. Ce qui permettra de jeter l’anathème sur ceux qui ne soutiendraient pas cette proposition de loi.
Sauf que, même le Parti de Gauche pourra difficilement prétendre être à l’écoute des préoccupations des français avec la loi Debré et guère plus avec le concordat en Alsace-Moselle ou l’ordonnance de Charly dix en Guyane. Car les faux débats sur la laïcité n’ont aucunement ces objectifs : la dame Le Pen, Sarkopé n’ont pour but que de stigmatiser, comme on dit, l’Islam. Et les sauciflards-pinards, modèles « de souche » ou « riposte raciste », eux, se battent les parties génitales de ces niaiseries : sus au fascisme vert (mais non ce n’est pas Nicolas Hulot qui est visé, mais le « vert » de l’islam) ! boutons le bougnoule hors de France ! tels sont leurs slogans. Et ce n’est pas chez Mélenchon qu’ils iront. Aucune chance donc de capter des voix sur ce registre. Quant aux autres, ces soi-disant républicains qui prétendent que la décentralisation c’est céder aux sirènes du clientélaire comme ils disent, à part quelques caïmans PS – style Laignel – ils ont déjà migré vers le souverainisme.
Je crains que ce ne soit pas avec cette proposition de loi que Mouloud Baubérot ait quelque chance de voir l’Alsace-Moselle ou la Guyane bénéficier de la Loi de 1905 !