Après les marronniers de l’été – sexe et francs-maçons (séparément) – voici les marronniers de la rentrée et qui dit rentrée dit école. L’inépuisable coût de la rentrée, en hausse évidemment, a largement devancé l’appel puisque la télé nous a fait des sujets dès juillet. Mais dans le sérieux Télérama*, foin de ces sujets terre à terre, leur chroniqueuse aborde « la bataille du primaire » (Télérama 24/08/11). Chroniqueuse que l’on aurait plutôt vue concurrencer la dame Polony du côté du Figaro que sévir dans cet hebdo, aux racines chrétiennes certes, mais plutôt de gauche.
Fanny Capel a inventé un faux BO et mieux encore une fausse citation de la loi d’orientation dite loi Jospin «L'enfant peut, par sa propre activité, ludique si possible, reconstruire seul les savoirs accumulés par l'humanité depuis des millénaires. » « Ce sont les termes mêmes de la loi d'orientation de 1989 de Lionel Jospin (BO numéro spécial du 4 août 1989). ». Référence fausse puisque le BO spécial n° 4 sur la loi d’orientation est sorti le 31 août. Quant à l’absurdité de cette fausse citation elle est révélatrice des méthodes de son auteure.
Il est fort probable qu’elle ait forgé un faux chiffre : « En 2002, selon elle, le ministère de l’éducation nationale reconnaissait 17 % d’illettrés en 6e ». Or, une enquête de l’INSEE de 2004, Information et vie quotidienne, aboutissait à un taux global d’illettrisme, pour les personnes de 18 à 65 ans ayant été scolarisées en France, de 9 % ; mais contrairement à ce que laissent entendre les discours catastrophistes sur l’école, le taux le moins élevé est dans la tranche d’âge 18-29 ans (7 %) et le plus élevé (22 %) chez les 60 à 65 ans qui ont pourtant connu le sacro-saint certif.
Les Journées d’appel de préparation à la défense, qui touchent maintenant garçons et filles de 17 ans, font apparaître un taux de 5 % d’illettrés. Ce chiffre de 17 % est donc totalement incohérent par rapport aux travaux sérieux de l’INSEE (tests sur 10 000 personnes), les tests des JAPD qui depuis 2000 portent sur l’ensemble d’une classe d’âge.
Invention ou estimation au doigt mouillé d’un Luc Ferry, ministre de l’époque ?
Pour le reste, la très brighellienne auteure de « Qui a eu cette idée folle un jour de casser l’école ? » met de l’eau dans son vitriol. Elle présente, par exemple, une Patricia qui « organise sa classe comme une ruche intellectuelle » et une Muriel qui impose silence et immobilité. Elle fait dire à une membre du réseau SLECC qui prétendument se réclame de Ferdinand Buisson (Président de la Ligue de l’enseignement de 1902 à 1906) que la majorité des enseignants ne sont pas instructionnistes ou constructivistes mais rien-du-toutiste. Elle met en avant l’effet-maître sur la réussite des élèves, oubliant que les études (pas si récentes qu’elle le dit) mettent en relief les conditions de cette efficacité, notamment une confiance dans les capacités des élèves à progresser.
Mais, sous cette apparente et quasi œcuménique bénignité, perce fortement la militante de la bonne vieille rétropensée.
Ainsi invoque-t-elle « le modèle de l’école républicaine française bâtie par Jules Ferry, celle que Friedich Engels qualifiait à la fin du XIXe siècle de « meilleure du monde », [qui hélas] a vécu. » Sauf que les lois Ferry sont de 1881 et 1882 et que la lettre de Engels à Auguste Bebel date du 28 octobre 1885 (citation d’ailleurs déformée puisque Engels qualifie les écoles françaises de « meilleures du monde ») : les dates (1885 vs 1881-82) suffisent à montrer la manip de Mme Capel, et du fameux SLECC dont elle tire la citation, revue à sa façon. En 3 ou 4 ans, les lois Ferry n'ont pu donner leur effet.
Ses pseudos citations du rapport du Haut Conseil à l’éducation sont de la même encre pas du tout sympathique : si on lit le seul sommaire du rapport de 2007 sur l’école primaire, on constate que 25 % des élèves entrant en 6e ont des acquis fragiles et que 15 % connaissent des difficultés sévères ou très sévères, traduit par elle « chaque année, quatre écoliers sur dix, soit environ 300 000 élèves sortent de CM2 avec de graves lacunes ». Citation complètement bidon, comme celle de la loi Jospin ! Un rapport de Jean Ferrier, IGEN, est aussi convoqué avec quelques brèves citations (style une école « en perte d’identité »).
Surtout son « à lire » est instructif, à part un ouvrage sur la TV lobotomie ( !), Liliane Lurçat (ex grande prêtresse de l’école maternelle virée hyper-réac) et Marc Le Bris (fondateur du fameux Slecc avec la complicité de Robien puis de Darcos), c’est tout.
Fanny Capel à Télérama, c’est comme si Meirieu chroniquait au Figaro-magazine !
* Eh oui ! comme tout « bobo » bas-poitevin – espèce assez rare, mais appellation dont j’ai été gratifié par de pseudos républicains ou des décerneurs de brevet de « gôche » – je suis abonné au Nel Obs et à Télérama.
PS Photos de Robert Doisneau qui parleront aux plus de 60 ans
N.B. Un site intitulé "néo-profs" met en ligne l'intégralité de l'article de F. Capel, ainsi que l'article ci-dessus et les commentaires (sans m'en avertir, bien sûr, mais qu'importe...)
A voir, F. Capel à loilpé :
Profs à poil : bonne opération de com’… et pis c’est tout !
ANNEXE :
Brighelli nègre de Balkany et d’Estrosi
L'une des stars les plus productives de la "négritude littéraire" s'appelle Jean-Paul Brighelli. Ce professeur de lettres marseillais, normalien, agrégé, est plus connu du grand public pour avoir [écrit un] brûlot sur l'école, La Fabrique du crétin, aux éditions Jean-Claude Gawsewitch.
Les mémoires de Patrick Balkany, dans lesquels le maire de Levallois affirme avoir couché avec Brigitte Bardot ? C'est lui. A son actif, des ouvrages de stars politiques, de droite comme de gauche [ ?]. Il a un temps prêté officieusement sa plume au romancier Joseph Joffo et rédigé quelques confessions de people, comme le témoignage, paru en janvier 2005, de la fille de Michel Sardou, victime d'un viol collectif.
Après les confessions, la rédaction peut se révéler douloureuse. Il faut "faire corps avec son sujet, témoigne-t-il. Vous êtes sommés d'entrer dans la psychologie de celui pour lequel vous écrivez. Pendant quinze jours ou trois semaines, je deviens véritablement l'autre. Quand je me transforme en Patrick Balkany, par exemple, vous imaginez bien que ce n'est pas facile à vivre pour l'entourage..."
Les rapports entre un politique et son nègre peuvent tourner au conflit. Jean-Paul Brighelli raconte ainsi sa collaboration avec Jean-Louis Borloo pour son livre Un homme en colère chez Ramsay en 2002.
Lorsqu'il a envoyé le manuscrit à l'élu centriste, ce dernier l'aurait rappelé, furibard : "Vous n'avez pas bien compris. Le sujet, le vrai sujet, c'est moi !" Son premier jet "se voulait trop strictement politique", dit-il.
L'ancien ministre Christian Estrosi, lui, s'est rétracté. Il devait sortir en 2010 un ouvrage écrit par Jean-Paul Brighelli, dans lequel il taclait Brice Hortefeux à quelques mois du remaniement ministériel.
"Au même moment, Sarkozy a dit à ses ministres qu'avant d'écrire ils devaient se concentrer sur leur travail au gouvernement", raconte Jean-Claude Gawsewitch.
Mais Jean-Paul Brighelli n'a pas rédigé le livre de l'ancien ministre pour rien. Christian Estrosi l'a transmis à un journaliste ami, Philippe Reinhard, qui l'a légèrement reformaté : ainsi, en mars 2010, paraissait la biographie Christian Estrosi - La Trajectoire d'un motodidacte, signée du journaliste politique.
Au-delà de l'intérêt que certaines plumes de l'ombre trouvent à cette activité, la "négritude" permet de mieux gagner sa vie. Si Jean-Paul Brighelli demande 10 000 euros par ouvrage, les tarifs varient le plus souvent entre 5 000 et 8 000 euros, pour un travail de trois à six mois.
Source Les Inrocks
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