Le positiviste, que je suis, croyait que comme le progrès progresse, la taille des tenues de bain des femmes jeunes et jolies ne pouvait que régresser.
Certes de friponnes nipponnes ou d'accortes brésiliennes remettaient bien des soutien-gorges, mais de la taille d'un timbre poste, non pas pour cacher mais pour attirer le regard de l'homme, voyeur par nature, vers les pointes qui tendaient le mince tissu, quand au slip, si l'on pouvait appeler slip ce string qui cachait à peine une vulve épilée et pour le reste se réduisait à une ficelle, il ne risquait guère de laisser des traces de bronzage.
Et bien ce temps est bien fini. L'ordre moral reprend le dessus : les seins nus sont interdits à Paris-plage. Et que disent les associations féministes ? Rien.
Elle feraient bien de s'inspirer de leurs consœurs de Nouillorque, qui, comme les hommes avaient le droit à se mettre torse nu dans les parcs, ont exigé et obtenu de pouvoir faire de même.
Pire encore : Le Parisien proclame « Le monokini, c'est fini » comme Capri et The Guardian annonce la fin du Topless en France (what a pity, too !).
Le grand journaliste d'investigation du quotidien français n'a pas hésité à partir en mission à Saint-Clair dans le Lavandou, sans craindre la chaleur accablante du midi, les cigales bruyantes qui gênent la sieste, ni l'accent des indigènes. Et il a, sans doute après de nombreuses et vaines tentatives d'entretien, réussi à découvrir une vendeuse de maillots de bains et néanmoins autochtone, véritable sociologue qui analyse avec finesse le phénomène (dont l'impact sur son chiffre d'affaires doit être nul puisque le coût d'un maillot est inversement proportionnel à la surface qu'il couvre) : « Alors, un vent de pudeur souffle-t-il sur nos côtes ? » interroge pertinemment l'enquêteur « Pas du tout ! répond Sabine, notre vendeuse de maillots de bain face à la plage de Saint-Clair. J'y vois deux raisons. La première, c'est la prise de conscience des femmes, grâce aux campagnes de sensibilisation des dangers du soleil. La seconde, c'est que les filles d'aujourd'hui n'ont plus besoin de revendiquer le droit d'être bien dans leur corps, de le montrer, c'est de l'acquis pour elles. Il y a trente ou quarante ans, quand le sein nu est apparu, c'était d'abord un acte de militantisme, de libération. Les femmes voulaient faire passer un message : C'est mon corps, j'en fais ce que je veux »
Poursuivant son enquête de terrain (enfin de sables et rochers), le téméraire reporter débarque à Bormes-les-Mimosas où il accède à une plage privée où naguère les ravissantes baigneuses étaient près de la moitié seins nus. « Maintenant, il doit y en avoir 2 % », estiment Nathalie, Joëlle et leurs copines, des quadragénaires fidèles à ce petit coin de paradis depuis leur enfance. « C'est à cause des risques du cancer de la peau », avance l'une d'entre elles qui, depuis cette année, nage sans dévoiler son buste. « Avoir les seins à l'air, ça fait dépassé », observe sa voisine. »
« Clara et Euphrasie, 17 ans, ne jurent que par le deux-pièces. « Etre topless entre copines à la piscine, à la rigueur. Mais à la plage, jamais, il n'y a que les vieilles qui font ça aujourd'hui ! Le regard des garçons, c'est trop gênant », confient les adolescentes. »
Et oui, ce n'est pas le textile qui régresse, mais la société.
Où est-il ce moment béni du siècle dernier, où, au nord Loire-Atlantique ou au Sud-Morbihan, je ne sais plus, sur la plage de la « mine d'or », une jeune femme enceinte d'au moins sept mois (un ventre somptueux), juste vêtue d'un string (pionnière sur nos plages atlantiques), jouait à un volley sans filet avec son compagnon ?
Mais l'Australie, comme Paris Plage, interdirait aussi les seins nus : d'interdit en interdit, une nouvelle révolte aura peut-être lieu !