Encore une rencontre de hasard, ou plutôt un commentaire mystérieux sur l'article de mon ami Gilbert : « Il faut doser. Qu'est-ce qu'il faut doser [...] Prudence et patience... », commentaire qui renvoie à un article du blog de son auteur. Un petit coup d'œil à google me fera découvrir que le pythique dépose ses messages énigmatiques, comme Larousse, à tout vent ! Et exactement le même sur un autre blog qui traitait aussi de burqa.
Son propre blog est modestement baptisé Ysengrin - mais latinisé (pour faire plus riche ?) Ysengrimus - le loup cruel, mais stupide, éternelle dupe de Renart, le rusé goupil. L'article, auquel son commentaire renvoie, date de juin 2008. Intitulé le Chêne et le roseau où, le chêne c'est la France et le roseau le Canada, la France qui voue le communautarisme aux gémonies, le Canada qui « se réclame de la notion cardinale de multiculturalisme » ! Après un long dégagement sur l'histoire du Québec, ça se conclut par un appel au syncrétisme du chêne et du roseau, avec un sibyllin « il faut tamiser ». Le plus intéressant dans ce long article étant l'illustration ci-dessus.
Curiosité oblige : découverte d'un article plus récent baptisé « Saint pierre-et-Miquelon, piège à cons ».
Ça démarre sec « Mes cousins, mes cousines de France hexagonale, écoutez-moi. Donnez moi dix minutes de votre précieux temps. Vos dirigeants vont encore se payer votre poire sur une histoire de choux gras néo-coloniaux en forme de cul de sac compact. Je vous en supplie, je vous en conjure, deux mots. »
On découvre une constante du style du linguiste : une maladive accumulation (« écoutez-moi, donnez-moi », « je vous en supplie, je vous en conjure » un adjectif est rarement seul « extraterritorialité coloniale une, indivise et charriée(?) », « le Canada, Quasimodo impénitent, impotent cardinal, bossu obséquieux ») et une propension évidente à s'écouter écrire, sans parler de ces métaphores filées, mais comme des bas, où on se paie la poire avec les choux-fleurs en forme de cul-de-sac, ce cul-de-sac étant compact(sic).
En bref une diarrhée scripturale inextinguible. Donc plus de 11 000 signes pour parler d'un conflit sur les eaux territoriales qui oppose l'archipel à son puissant voisin canadien (et comme il pourrait y avoir du pétrole ou du gaz dans les zones disputées, ça attise le conflit). Mais ce n'est pas demain la veille - vu son état - qu'on va envoyer le Charles-de-Gaulle mouiller devant Saint-Pierre pour protéger les droits inaliénables des 6 300 habitants à continuer, avec leurs voisins d'ailleurs et surtout des chalutiers venus de tout côté, à épuiser les ressources halieutiques.
Mais là où ça vire au cauchemar obscurantiste c'est avec « Le canular de la conquête de la lune ».
Le professeur de linguistique qui s'y connaît encore moins que moi en conquête spatiale (j'ai fait un stage de quelques semaines à l'ex-SEP de Vernon qui fabrique les moteurs de notre belle Ariane) nous inflige près de 17 000 signes pour démontrer, après de nombreux autres complotistes, qu'on n'a pas marché sur la lune.
« C'était un canular de la Guerre Froide déclenché par les délais irréalistes de Kennedy, monté avec des acteurs (pas les vrais astronautes...) dans un studio opaque, des éclairages giclant de partout, des figurants casqués soutenus dans la pénombre sans étoiles par des câbles, un drapeau flexible ou rigide (quelle différence?), un module lunaire en tôle sur du sable doux et, surtout, beaucoup de dessins animés sur nos petits écrans du temps. »
Au départ, il présente cela que comme une hypothèse. Mais bien vite l'hypothèse devient certitude : les vols d'Apollo n'ont été que des vols orbitaux. L'énumération fastidieuse de tous les vols précédents (orbitaux eux) ne prouve absolument rien quant à la prétendue hypothèse : ce n'est pas parce que les Gemini étaient orbitaux que les Apollo n'ont pas pu s'arracher à cette orbite. Comme souvent, affirmation vaut preuve. Amstrong et Aldin sont qualifiés de bons petits soldats de la guerre froide qui mentiraient donc depuis quarante ans. Sauf que leurs successeurs mentiraient aussi, les milliers et milliers de savants, ingénieurs et techniciens, qui auraient travaillé sur des programmes bidonnés, seraient, bien sûr, complices de ce mensonge. Rien n'aurait fuité, dans un pays où, quand un président se fait faire une petite gâterie par une stagiaire dans son bureau ovale, tout le pays le sait !
Surtout, saluons l'exploit, les studios secrets, avec leur module en carton pâte, furent aussi capables de fabriquer des roches totalement inconnues sur notre planète. Et des milliers d'autres savants, pas tous états-uniens, auraient soit été complices d'un mensonge subsidiaire soit dupes de roches terrestres maquillées.
Surtout, faut-il le rappeler, la course à la lune fut un défi lancé par Kennedy aux soviétiques qui avait pris une bonne longueur d'avance dans la conquête de l'espace. Et ces soviétiques, qui avaient quand même quelques moyens de déceler si leurs rivaux et ennemis avaient ou non mis le pied sur notre satellite naturel, n'auraient pas dénoncé l'imposture.
Là le linguiste, qui s'était gardé d'aborder la question dans son article, s'emmêle les pinceaux, avec notamment la crainte pour les soviétiques de ne pas être crédibles : lui qui parle de « géopolitique », pas moins, pour Saint-Pierre et Miquelon, ignore totalement que l'URSS comptait des relais d'opinion puissants avec les Partis communistes occidentaux. Et, de toutes façons, après l'écroulement de l'URSS, rien ne pourrait expliquer que des savants, ingénieurs ou techniciens russes, ukrainiens, etc. ne révèlent pas une imposture qu'on leur aurait forcé de taire.
Et ce qui est proprement fascinant c'est la mauvaise foi arrogante et agressive dont il fait preuve, dans ces réponses (quand il ne supprime pas les commentaires qui le gênent). Ainsi à un de ses interlocuteurs qui tente de lui expliquer en quoi les roches lunaires ne peuvent être confondues avec des roches terrestres, il répond avec une bêtise affligeante : « moi, je n'ai vu qu'un tas de cailloux ».
Un digne représentant de cet obscurantisme grandissant qui, on le voit, n'est pas réservé aux intégristes des religions diverses, puisque le Monsieur se dit matérialiste athée ou l'inverse.
NB Pour voir un canular, un vrai, de la meilleure eau et qui peut protéger des élucubrations des contempteurs d'un prétendu N.O.M. (nouvel ordre mondial), il faut revenir au champion Léo Taxil !