Pompier, bon œil, titre Télérama du 28 mars 2009, dans son portrait, assez mitigé, de David LaChapelle. En revanche, pas de réserve pour Photo qui, à l'occasion d'une rétrospective du photographe à La Monnaie (Paris) lui a consacré tout son numéro de mars 2009, numéro collector est-il même mentionné.
Celui qui lui a mis le pied à l'étrier est Andy Warhol qui, hasard ?, fait lui aussi l'objet d'une exposition au « Grand Palais ». Warhol, adepte d'un art « mécanique » - pas si loin que ça des « ready made » chers aux dadaïstes à commencer par Marcel Duchamp et ses complices comme Man Ray - où à partir d'un polaroïd agrandi sur feuille d'acétone on colorise à l'acrylique pour faire de la sérigraphie, art mécanique, de l'aveu même de son auteur, totalement superficiel.
Contrairement à son mentor, LaChapelle n'utilise pas les outils bien plus perfectionnés offerts aujourd'hui par des logiciels style photoshop. Ses décors riches en détails, parfois dignes d'une superproduction hollywoodienne, sont construits de toutes pièces, les couleurs éclatantes et souvent criardes ("Le tape-à-l'oeil et les couleurs flashy m'attirent.") ne sont pas (ou très peu) retravaillées numériquement.
Kitsch, clinquant, pompier, c'est aussi ainsi que Le Monde titre un article sur cette rétrospective. Photo nous montre un fêtard dont les égéries sont Pamela Anderson ou Paris Hilton mais surtout Amanda Lepore, un transexuel dont il tire un portrait, parodie de la Marilyn Monroë de Wharhol ! Naomi Campbell, magnifique mannequin noire, l'a aussi beaucoup inspiré : une des photos, « Maison de chats », où elle joue la tigresse, peut évoquer celles plus lointaines de Joséphine Baker. Photographe de vedettes, il les met en scène de façon inattendue, comme Elton Jones dans un décor de bananes volantes, Di Caprio dans une pose à la Marlon Brando jeune, mais très féminisé, ou Bjork nous découvrant des jarretelles (même si la culotte qui se reflète dans un miroir est très sage). Il définit ainsi son approche du portrait : « Quand quelqu'un vient se faire photographier, ça ne m'intéresse pas tellement de le regarder droit dans les yeux pour y trouver son âme. » « Il existe une tradition du portrait qui veut que l'on cherche à découvrir la vraie personne derrière les fioritures de sa célébrité. Moi, ce qui m'intéresse, ce sont justement les fioritures. »
Il n'hésite pas à donner dans le porno soft, mais un porno décalé comme en témoigne une série de photos avec un matelas innommable, posé à même le sol, avec des décors de zones commerciales.
Il a d'abord travaillé pour des magazines où il met « tout en œuvre pour réussir une photo mémorable. Une photo que les gens arrachent de leur magazine pour la mettre sur leur frigo - voilà mon ambition. J'ai toujours considéré les magazines comme des galeries d'art et les frigos comme des musées. ». Il a aussi fait dans la pub : une des plus célèbres est sans doute celle d'une marque de jean, Diesel, intitulée « Victory day 1945 » où l'on voit en 1er plan sur le quai deux marins mâles s'embrasser sur la bouche sur fond de navire militaire et de quai en liesse.
Mais, ces derniers temps, il donne souvent dans la fresque, parfois inspirée de Michel Ange comme un déluge d'une dizaine de mètres. Courtney Love en pietà doit-elle être prise comme signe du mysticisme de l'auteur ? On peut en douter quand on voit un christ berger entouré de brebis, de fleurs et d'enfants, très dans le style naïf des œuvres édifiantes destinées aux enfants dans les années cinquante du XXe siècle.
Entre admiration et irritation, à vous de juger.