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12 octobre 2008 7 12 /10 /octobre /2008 15:27
Le Pianiste (MLF 2)

Le pianiste

Dans ma bibliothèque, toute une étagère est consacrée à l'œuvre de Manuel Vazquez Montalban ; je suis une inconditionnelle de ses écrits, à l'exception de ses chroniques du lundi dans El Pais qui avaient le don de me hérisser. Le premier contact avec l'auteur fut , au début des années 80,  Meurtre au Comité Central déniché dans une sympathique librairie de Villefranche-de-Rouergue et qui m'a enthousiasmée au point qu'ensuite j'ai été à l'affût de toutes les parutions mettant en scène le détective Pepe Carvalho. Pourtant, c'est Le Pianiste d'où le privé est totalement absent qui fait partie de mes « Privés de sortie ».

En épigramme, le livre porte quelques lignes de la chanson de Mélanie Safka « Look what they've done to my song, Ma » qui dit en particulier :

"Regarde ce qu'ils ont fait de mon cerveau, Ma

Ils l'ont brisé comme un os de poulet... "

Le ton est donné, on va assister au délabrement, par la faute du franquisme, d'un pianiste prometteur, mais le génie de Montalban, c'est d'avoir fait le choix d'une construction en flash back, déroutante pour certains, mais essentielle pour la compréhension de la personnalité de Rosell, le «raté » et de celle de Doria, image de la réussite éclatante.

 

La première partie nous conduit, dans le Barcelone de l'après-franquisme,dans une boîte où se produisent des travestis, en compagnie  de couples, amis étudiants des années noires, désormais un peu désenchantés (post-modernes, aurait dit Montalban, il reprendra ce thème dans La joyeuse bande d'Atzavara). Dans la boîte un peu glauque, leur attention se focalise sur Doria  (on dit que Montalban se serait inspiré de Dali pour ce personnage) , un musicien de renom, à la solide réputation de provocateur, qui porte beau malgré son âge tandis que ledit Doria semble lui-même fasciné par le pianiste Rosell, qui accompagne les numéros, petit vieux tout maigre,insignifiant, comme indifférent au monde mais qui profite d'un instant de liberté pour jouer du Mompou. En partant, Doria glisse un mot au pianiste en l'appelant par son prénom, Alberto. Chacun rentre chez soi et le lecteur accompagne Rosell dans son logement misérable où le pianiste va prodiguer avec tendresse les soins habituels à sa compagne grabataire et difforme, Teresa, avant de rejoindre sa chambre garnie d'un panneau couvert de coupures de journaux  concernant Luis Doria.

 

Dans la séquence centrale, on retrouve Alberto Rosell, juste sorti des geôles franquistes, sous-locataire dans un immeuble populaire du Barcelone de l'après-guerre civile qui connaît les restrictions et les petits boulots incertains. Les voisins, pourtant peu familiers de la musique classique vont le conduire vers l'instrument de ses rêves, ce qui nous vaut un truculent morceau de bravoure, le trajet s'effectuant par les toits (Montalban reprendra cette idée dans une enquête de Carvalho, Vu des toits) ) jusqu'au lieu où se trouve le piano et...sa propriétaire.

 

Enfin, nous voilà en ...1936, dans le Paris du Front Populaire (magnifique évocation). Doria y accueille son ami Rosell, son condisciple au Conservatoire et se fait fort de l'introduire dans ce qui compte dans le monde de la musique (visite surréaliste chez Milhaud). Le pianiste  fait la connaissance de Teresa, maîtresse de Doria, symbole de la joie de vivre, envers qui l'amant se conduit en goujat et pour qui il éprouve une profonde attirance. Sous le masque du provocateur, l'hôte se révèle un dandy intrigant, péremptoire, vibrionnesque. Alberto se rend sans lui  -c'est ''une fête prostituée''-  au défilé du 14 juillet 36 puis au pique-nique géant du lac Daumesnil où il retrouve les immigrés proches du POUM, ce qui nous vaut, avec la dégustation d'une énorme tortilla, un second moment d'anthologie représentative du style de Montalban  (c'était un gastronome qui a publié La Gourmandise, Recettes Immorales, Les recettes de Carvalho) . Puis, patatras ! le 18 juillet, c'est l'annonce du coup d'état de Franco. Chacun fait alors son choix...

 

Il ne s'agit certes pas d'un livre optimiste ( je crois que l'auteur ne l'était pas) mais il me semble représenter la quintessence de l'œuvre de Montalban par les constantes que j'ai évoquées. Sa construction peut paraître surprenante, voire paradoxale mais elle est parfaitement maîtrisée et justifiée, consolidée par la présence en fin d'épisodes du couple Teresa-Alberto. J'ajoute que l'auteur y traduit clairement son engagement à gauche (comme dans le magnifique Galindez) et que c'est un argument supplémentaire sur ce blog !

 

Le Pianiste Manuel Vazquez Montalban  Seuil, collection Points n° 527

MLF (Mes Livres Favoris)

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commentaires

M
Bonsoir, je découvre ce blog, je n'ai pas tout lu mais par contre cet article me fait très envie...<br /> Ce sera mon prochain achat !<br /> Merci
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