L'appel de Stéphane Beaud*, pour tenter de sauver la recherche en éducation, dénonce, en filigrane, les méfaits du néo-obscurantisme.
En effet, agitant la crainte du Big Brother, dénonçant un prétendu fichage des enfants, avec parfois des appuis inattendus, les lanceurs de pétitions contre la « base élèves » ont gagné. Darcos a capitulé en rase campagne. Il est vrai que, bien que friand de chiffres peu ou pas avérés (voir Libé du 27 juin), il est peu soucieux d'études objectives, qualifiant de double ânerie un rapport qui met en cause l'abolition de la carte scolaire. Non seulement des données indispensables aux chercheurs ne seront pas recueillies en primaire, mais elles risquent de ne plus l'être en 6e.
Une étude, basée sur une évaluation en fin de CM2, sur un échantillon de classes aléatoire, comportait en partie IV un questionnaire aux élèves leur posant, de fait, des questions personnelles. Cris d'orfraie immédiats : on était au bord de l'inquisition, voire au-delà. Comme si demander à un élève quelle langue était pratiquée dans sa famille était violer son intimité. Les études que l'on pouvait faire - de façon totalement anonymées, bien sûr - à partir de corrélations fortes ont donc été annihilées.
Le suivi de cohorte lui-même est menacé. Il s'agit, à partir d'un « panel » large (35000 élèves), obtenu par tirage aléatoire, de suivre les élèves de la 6e à la fin de leurs études (avec questionnaire et/ou évaluation intermédiaires). Dès le départ un questionnaire complet est à remplir par les familles concernées. Tout cela est régi par un protocole précis et a déjà été mené (panel 1995** par exemple). Cela n'empêchera pas - malgré un luxe d'explications accompagnant le questionnaire - une levée de boucliers dont Le Canard enchaîné, mal inspiré en l'occurrence, s'est fait l'écho.
Mais à quoi bon, en effet, s'embarrasser de grandes études scientifiques quand il suffit d'affirmer que le niveau baisse et, comme ce prix Fields de mathématiques, que le bac actuel est inférieur au certif des années 30.
La régression fait rage, et le futur manque terriblement d'avenir, avec cette montée inexorable de l'obscurantisme.
* http://www.liberation.fr/actualite/societe/335739.FR.php et http://www.lapetition.com/sign1.cfm?numero=1844
** http://media.education.gouv.fr/file/21/0/5210.pdf
Voir aussi la chronique d’Emmanuel Davidenkoff sur France Info : http://www.france-info.com/spip.php?article155433&theme=81&sous_theme=133
N. B. Photo de l’US MAG n° 570 (copiée sur le site de l’académie de Versailles)
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