Décret n° 2008-632 du 27 juin 2008 portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « EDVIGE »
« Art. 1
Le ministre de l'intérieur est autorisé à mettre en oeuvre un traitement automatisé et des fichiers de données à caractère personnel intitulés EDVIGE (Exploitation documentaire et valorisation de l'information générale) ayant pour finalités, en vue d'informer le Gouvernement et les représentants de l'Etat dans les départements et collectivités :
1. De centraliser et d'analyser les informations relatives aux personnes physiques ou morales ayant sollicité, exercé ou exerçant un mandat politique, syndical ou économique ou qui jouent un rôle institutionnel, économique, social ou religieux significatif, sous condition que ces informations soient nécessaires au Gouvernement ou à ses représentants pour l'exercice de leurs responsabilités ;
2. De centraliser et d'analyser les informations relatives aux individus, groupes, organisations et personnes morales qui, en raison de leur activité individuelle ou collective, sont susceptibles de porter atteinte à l'ordre public ;
3. De permettre aux services de police d'exécuter les enquêtes administratives qui leur sont confiées en vertu des lois et règlements, pour déterminer si le comportement des personnes physiques ou morales intéressées est compatible avec l'exercice des fonctions ou des missions envisagées. »
L'article 1 résume bien l'esprit et le but de ce texte.
Il s'agit d'abord d'un fichier politique portant sur les personnes exerçant ou ayant exercé un mandat politique,
syndical ou économique (secrétaire local d'une section politique : fiché ; élus aux prud'hommes : fichés...) ou un rôle (notion on ne peut plus floue et extensible)
économique, social et même religieux. Pourquoi ficher ces citoyens qui s'engagent dans la vie de la cité, ces élus, ces représentants syndicaux ou patronaux, ces personnes qui dynamisent la vie
économique ? Pour l'information du gouvernement ou de ses représentants ! Le sous-préfet de Bécon-la-Chapelle a besoin d'un fichier policier pour connaître les coordonnées des élus de
son arrondissement ?
Le deuxièmement est encore plus inquiètant puisqu'il s'agit du fichage d'individus ou groupes « susceptibles de » ! Et ce fichage peut commencer dès 13 ans (il est vrai que l'on avait envisagé un fichier de gosses « susceptibles de » dès 3 ans).
Cet amalgame, dans un même décret, entre militants et hypothétiques potentiellement possibles délinquants est, en soi, symptomatique de l'état
d'esprit du clan au pouvoir.
La ministre de l'Intérieur était si fière de ce décret qu'elle envisageait de ne pas le publier. La CNIL a obtenu cette publication. Elle a aussi obtenu que le « comportement » (encore un critère très objectif) et les « déplacements » des personnes ayant un mandat ou un rôle ne soient pas notés. Mais, à titre exceptionnel, on pourra s'intéresser à leur orientation sexuelle ou à leur santé ! On se demande bien à quel titre l'orientation sexuelle d'un délégué syndical, d'un conseiller municipal peut être une information utile pour un représentant de l'état. De même d'ailleurs que les informations fiscales et patrimoniales...
Comme le rappelle Evelyne
Sire-Marin, Présidente du Syndicat de la Magistrature : « Le prétexte de ce fichage massif est l'affrontement de deux bandes rivales dans le 19ème arrondissement de Paris, le 21
juin, laissant un blessé grave sur le trottoir, victime en outre d'insultes antisémites. Rachida Dati avait immédiatement annoncé qu'elle allait créer un fichier des "bandes". Et elle en profite
pour l'étendre aux bandes ...de militants politiques ou syndicaux.
Comme d'habitude, on se saisit d'un fait divers malheureusement banal pour donner à la police des pouvoirs disproportionnés. » Elle rappelle aussi que la police dispose déjà de fichiers tels que STIC: système de traitement des infractions constatées ou FNAEG: fichier National automatisé des empreintes génétiques, créé par la loi Vaillant du 15 nov. 2001, dite "sécurité quotidienne", et étendu par la loi sécurité intérieure du 18 mars 2003. Il contient déjà 500 000 ADN. Plus un fichier CANNONGE permettant des recherches rapides par critères précis de tris.
« C'est ainsi des principes tels que la présomption d'innocence, le droit à la protection de ses données personnelles, le droit à la sûreté sont déjà fortement mis à mal par l'existence d'innombrables fichiers de police, au nom de la "sécurité".
Pourquoi donc créer ce nouveau fichier EDVIGE, si ce n'est pour permettre à la Garde des Sceaux, Rachida Dati, de réoccuper l'espace médiatique qu'elle a perdu, en faisant d'une pierre deux coups: le fichage des mineurs des cités et celui des militants ? »
« L'utilisation politique de la sécurité et de l'idéologie victimaire est un ressort constant de ce gouvernement, dès qu'il s'agit de masquer le tragique échec des promesses présidentielles en matière de chômage et de pouvoir d'achat. »
« Le véritable objet des lois sécuritaires est bien là: Il ne s'agit pas de lutter réellement contre la délinquance. Les chiffres calamiteux de la hausse des violences contre les personnes attestent d'ailleurs de l'inefficacité totale de la politique de tolérance zéro du gouvernement. Les violences contre les personnes ont augmentées de 14,1% depuis 2005 (sur la Seine Saint-Denis la délinquance a augmenté de 7,6 % depuis janvier 2006), chiffres de l'observatoire national de la délinquance. »
Le Syndicat de la magistrature n'a pas été le seul à dénoncer ce décret liberticide.
Pour le PS, Delphine Batho a stigmatisé un dispositif "porteur de nombreuses dérives" et ne visant "qu'à masquer l'impuissance du gouvernement face à une escalade des violences qui se poursuit...".
Dénonçant le "fichage des mineurs" et celui de "personnalités élues ou appartenant au monde syndical et associatif", le PCF a demandé que la Parlement soit saisi.
La LCR y a vu "l'espionnage généralisé de la population, dont le fichier Edvige n'est qu'un élément".
Pour le premier syndicat d'éducateurs de la Protection judiciaire de la jeunesse (Snpes-PJJ/FSU), "sans qu'aucune infraction ne soit commise, des mineurs dès 13 ans seront fichés en raison de leur activité individuelle ou collective, sans aucune définition ni encadrement juridique de cette activité".
La Ligue des droits de l'Homme (LDH) a jugé Edvige "incompatible avec l'Etat de droit", s'inquiétant d'une "redoutable extension du fichage politico-policier des citoyens".
"En clair, tous les citoyens ayant un jour souhaité s'investir pour leur cité", résume le Syndicat de la magistrature, soulignant que la police est aussi autorisée à consulter Edvige en cas d'"enquêtes administratives pour l'accès à certains emplois ou à certaines missions".
"L'enregistrement des données à caractère personnel n'a aucune limite, ni dans le temps ni dans son contenu", dénonce le syndicat.
Selon le SM, qui examinera toute forme d'action juridique pour empêcher sa mise en oeuvre", Edvige est "un moyen puissant de dissuasion de toute forme de contestation ou d'opposition citoyenne".
Les journalistes, qui ironisent sur le silence de la gauche, n'ont donné qu'un écho très assourdi de ces condamnations.
Alors, plutôt que de se mobiliser sur une "base élèves", il serait sans doute opportun de se centrer sur les vrais dangers. Ce décret qui vient s'ajouter à une quinzaine de lois sécuritaires en est un, majuscule.
Signature en ligne de l'Appel pour obtenir l'abandon du fichier EDVIGE (appel reproduit ci-dessous)
Pour les organisations, il faut envoyer un mail à contact@nonaedvige.ras.eu.org
Pour les signatures individuelles, cela se fait sur http://nonaedvige.ras.eu.org
Pour obtenir l'abandon du fichier EDVIGE
instituant le fichage systématique et généralisé, dès l'âge de 13 ans, par la police des délinquants hypothétiques et des militants syndicaux, politiques, associatifs et religieux
Signer la pétition - Voir les signataires
Sans débat public préalable, le gouvernement, par un décret publié au Journal officiel du 1er juillet 2008, a considérablement accru les capacités de fichage de nos concitoyens. Ce fichage sera assuré, à l'avenir, par la Direction centrale de la sécurité publique (fusion des Renseignements Généraux et de la DST).
A cette fin, un nouveau fichier policier sera mis en place sous le nom d'EDVIGE (Exploitation documentaire et valorisation de l'information générale). Il recensera, de manière systématique et généralisée, toute personne « ayant sollicité, exercé ou exerçant un mandat politique, syndical ou économique ou qui joue un rôle institutionnel, économique, social ou religieux significatif ». Sans exception, toutes les personnes engagées dans la vie de la cité sont donc visées.
En outre, ce fichage vise à permettre la collecte de renseignements identitaires sur les « suspects » (personne mais également groupe) simplement considérés, par la police, comme susceptibles, à l'avenir et de manière totalement hypothétique, de porter atteinte à « l'ordre public ».
Il permettra de
compiler toutes les notes de renseignements telles que :
état civil, photographie mais aussi fréquentations, comportement, déplacements, appartenance ethnique, vie sexuelle, opinions politiques, philosophiques, religieuses, appartenances syndicales
et associatives …
La police sera autorisée à consulter ce fichier en cas d'enquêtes administratives pour l'accès à certains emplois.
Les mineurs ne seront pas épargnés puisque fait sans précédent dans notre République et particulièrement choquant, leur fichage sera autorisé dès l'âge de 13 ans et cela sans qu'aucune infraction n'ait été commise et sur la seule base de leur dangerosité présumée.
Cette initiative gouvernementale, porteuse à l'évidence de nombreuses dérives, s'inscrit résolument dans le cadre de la mise en place d'une politique sécuritaire ouvertement revendiquée.
Le gouvernement est passé outre aux réserves émises par la Commission nationale Informatique et Libertés concernant ce fichier qui, dès sa parution, a suscité les plus vives réprobations de multiples organisations associatives, syndicales et politiques.
C'est pourquoi les organisations et les personnes signataires de cet appel :
Ø exigent le retrait du décret autorisant la mise en place du fichier EDVIGE qui institue un niveau de Surveillance des citoyens totalement disproportionné et incompatible avec une conception digne de ce nom de l'état de droit,
Ø sollicitent le soutien et la signature de tous nos concitoyens et de toutes les organisations attachées aux libertés publiques, au respect de la vie privée et des droits de l'enfant,
Ø s'engagent à se constituer, dès le mois de septembre 2008, sous forme de Collectif afin de prendre toute initiative utile visant à obtenir des pouvoirs publics qu'ils renoncent à la mise en place du fichier EDVIGE.