Reprise partout – même ce matin dans Ouest-France qui apparemment n’est pas abonné à Libération et encore moins à Politis – une information exclusive de RTL. La victime était bien coupable : s’il a reçu un coup mortel, Clément Méric l’avait bien cherché. Et d’où il tient cela le journaliste de RTL ? D’une vidéo de la RATP, miraculeusement retrouvée. Sauf que, si l’on en croit Libé, la vidéo ne filmait que des pieds. Sauf surtout que la RATP dément être à l’origine de la vidéo.
Or donc, à 6h39, le 25/06, Georges Brenier, journaliste à RTL nous apprend que des images de la bagarre, filmées par la RATP, révèlent que Méric attaquait de dos Morillo, pour lui asséner un coup à la tête. Le skinhead se retourne alors et le frappe avec son poing en plein visage. Le récit ne brille pas par sa vraisemblance car, au moment où la coupable victime l’attaque par derrière Esteban, le meurtrier présumé se bat avec deux amis de Clément Méric. Donc, sachant qu’il y avait cinq skinheads pour quatre antifas, si l’on en croit RTL, un des skins se colletait trois antis et que faisaient les quatre autres ? tous contre le dernier ennemi ?
L’AFP va en faire une dépêche (recoupement ? ou seulement vérification de la vraisemblance ? nada). Dépêche reprise par l’ensemble des médias. Serge Ayoub, complaisamment invité par BFM TV, en fait des tonnes sur Valls.
Mais mieux encore, attrapant France Info sur la route, j’entends une docte voix – Jacques Myard m’a-t-il semblé – donner des leçons de sang-froid et de sagesse aux gouvernants actuels. Ah, ce n’est pas l’hyper président Sarkozy qui aurait réagi impudemment à un fait-divers !
La protection des sources n’empêche peut-être pas de s’interroger sur l’origine de l’info que répercute Brenier. Elle ne peut être que policière et le journaliste ne dit pas avoir vu la vidéo dont il rend compte.
Patatrac ! Libération met sérieusement à mal la version RTL. La vidéo a parlé affirmait l’un, ce que dit vraiment la vidéo rétorque l’autre. Libé qui du coup se serait informé auprès d’un commissaire de la PJ. D’après lui, le journaliste de RTL aurait bien visionné la bande. Mais en prétendant que, trois semaines après l'agression mortelle de Clément Méric, le 5 juin dernier à Paris, la police judiciaire parisienne avait mis la main sur les premières images de la bagarre, au mieux il se serait gouré, au pire il mentirait. La police l’aurait eu dès le lendemain du drame. Et surtout, il aurait oublié de mentionner un tout petit détail : la caméra «ne montre que vingt centimètres au-dessus du sol, c’est-à-dire les jambes des personnes» ! On a donc des chaussures claires pour C. Méric et des godillots pour E. Morillo et à un moment les chaussures claires passent derrière les noires et peu après le corps de l’antifa est sur le sol. Il faut donc à Brenier un don extralucide pour savoir que les chaussures claires ont tenté de donner un coup derrière la tête des godillots. Quant à oser prétendre comme il le fait que « Les images sont trop floues pour dire s'il y a un deuxième coup, ni s'il [Mortillo] a ou non un poing américain », là on passe au bidonnage total. (G. Brenier persiste en prétendant maintenant que les images montrent jusqu’à 1m50 et permettent donc de voir les visages !)
Du coup, c’est le Nouvel Obs, reprenant Politis, qui s’y met pour nous dire que la RATP dément être à l’origine de quelque vidéo que ce soit dans l’affaire Méric ! "Nous sommes sûrs que la vidéo ne provient pas de chez nous", assure la RATP, "nous ne savons pas d'où elle peut venir". "Nous n'avons pas le droit de filmer la voie publique". Quelle est donc cette mystérieuse caméra qui filme au ras du bitume du côté de la station Havre-Caumartin ? Le journaliste d’imagination de RTL va-t-il nous donner une explication ?
On peut se demander quels jeux se trament à la PJ. Libé se réfère explicitement à un commissaire (et comme il ne doit pas y en avoir cinquante affecté à cette affaire, il ne doit pas être anonyme pour tout le monde). RTL n’a pu avoir qu’une source policière et qui a certainement suggéré l’interprétation de la vidéo tendant à dédouaner le cogneur d’extrême-droite.
Les faits – sauf miraculeuse source nouvelle – sont à peu près établis : les antifascistes, à l’intérieur de la vente privée, ont charrié les skinheads. Skinheads qui, de leur côté, auraient riposté par des saluts nazis. Les antis les ont attendus assez longuement à la sortie. «Verbalement, c’est le groupe d’extrême gauche qui a été le plus vindicatif à l’intérieur de la salle des ventes mais, physiquement, c’est la bande d’extrême droite qui a été la plus virulente à l’extérieur.» (Libé). Clément Méric est décédé d'au moins deux coups mortels qu’Esteban Morillo ne nie pas avoir portés. Mais la pseudo-révélation de RTL a bien pour but de faire passer la victime comme coupable : le membre de la Troisième voie ne faisant que riposter à une lâche attaque. Quasiment la thèse de la légitime défense !
L’extrême droite et la droite extrême ne s’y sont pas trompées qui, sans recul ni réflexion, ont rebondi sur cette pseudo révélation de RTL.
PS Les marques sur le visage de Clément Méric laissent peu de doutes sur l'utilisation d'un coup de poing américain.
"Sur la vidéosurveillance dont parlait [RTL], le début de l'action est complètement occulté par des piliers qui cachent l'action;"
Libération 14/09/13
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