Quoi ? la gauche de 36, celle des congés payés et de la semaine de 40 h, la gauche de 1981 de la retraite à 60 ans et de la 5e semaine de congés payés, la gauche de 1998 et des 35 heures, aurait pour pilier la « valeur travail » !
Eh oui ! Fabien Roussel, patron du Parti communiste français (PCF), se revendique d’une gauche qui “doit défendre le travail et le salaire et ne pas être la gauche des allocations, minima sociaux et revenus de substitution”. Et François Ruffin, député de la Somme, affilié à La France insoumise (LFI), a fait du retour (?) de la valeur travail à gauche une priorité.
Certes l’Internationale fustige les oisifs priés d’aller loger ailleurs, mais lesdits oisifs étaient, à l’époque, les rentiers. Et l’hymne révolutionnaire clamait « Ouvriers paysans, nous sommes le grand parti des travailleurs ».
Le PCF – ce qu’il en reste sous l’égide du démago steak saignant et gros rouge, Roussel – prête, à tort, la paternité de la sécu à Ambroise Croizat. Les ordonnances qui l’instaurent sont du 4 et 19 octobre 1945, A. Croizat devient ministre du Travail le 21 novembre 1945. Les ordonnances sont l’œuvre de Pierre Laroque, sous l’autorité amicale du ministre de travail à la libération, Alexandre Parodi, mettant en application une décision du C.N.R..
Pour Laroque, la Sécurité sociale est la garantie donnée à chacun qu’il disposera des moyens d’assurer sa subsistance et celle de sa famille afin d’assurer aux allocataires le maintien de leurs revenus à travers les aléas de la vie professionnelle. Assurances sociales, allocations familiales et prise en charge des accidents de travail doivent être intégrées au sein d’une même structure administrative. Pierre Laroque considère en effet que les trois régimes ont le même objectif d’apporter un revenu de substitution face aux aléas de la vie. Croizat, qui sera surnommé le « ministre des travailleurs » aura l’éminent mérite de mettre en place les ordonnances et de compléter cette protection sociale !
Car le « camarade » Roussel devait se souvenir que les « allocs » comme on disait furent intégrées à la sécu et une loi du 22 août 1946 a défini les quatre prestations de la branche famille de la sécurité sociale :
- > les allocations familiales versées sans condition de ressources à partir du deuxième enfant ;
- > l’allocation de salaire unique versée dès le premier enfant ;
- > les allocations prénatales ;
- > l’allocation de maternité.
Viendra se rajouter en 1948 une allocation logement.
Alors opposer les « allocataires » aux « travailleurs » revient, camarade Roussel, à bafouer l’œuvre d’Ambroise Croizat !
D’autant que, pour faire face aux « aléas de la vie » ce fut encore et toujours la gauche qui créa le RMI (revenu minimum d’insertion) devenu RSA.
La grande flemme française
Et Ruffin qui se vante, lui, d’être à l’écoute des travailleuses et travailleurs de la Somme, devrait aussi jeter un œil à une enquête, un peu plus sérieuse que son « Je vous écris du front de Somme ». Cette étude, réalisée par l'Ifop pour La Fondation Jean Jaurès, fait apparaître que cette fameuse valeur “travail” a dégringolé dans l’Hexagone depuis trente ans. Il y a trente ans, 60 % des Français disaient que le travail était quelque chose de “très important” dans leur vie. Aujourd’hui, ils ne sont plus que 24 %.
Une autre enquête récente de l’Ifop indique que près de quatre sympathisants de La France insoumise ou Europe Écologie-Les Verts sur dix se définissent comme « peu ou pas travailleurs », cette proportion ne s’établissant qu’à environ un quart des sondés dans les autres familles politiques.
L’assertion selon laquelle « il faut souffrir pour réussir » coupe le pays en deux avec 51% d’adhésion et 49% de désapprobation. Sur ce sujet, le clivage n’est ni éducatif, ni sociologique (45% d’adhésion parmi les cadres, 48% auprès des catégories populaires) mais fortement lié à l’âge : 62% des 65 ans et plus, retraités donc, sont pour souffrir pour réussir, tandis que c’est exactement l’inverse pour les 18-24 ans et ce rejet est partagé par plus de 55% des 25-34 ans ! (Fondation Jean Jaurès)
Travailleurs contre assistés !
En fait, ce n’est pas d’une « valeur » travail - on l’a bien vu dévalorisée – qu’il s’agit, mais de nourrir une opposition délétère entre travailleurs et prétendu assistés. On pouvait croire que cette stigmatisation de l’assistanat était l’apanage de la droite y compris macronienne – ces sybarites au RSA qui se gobergent avec leurs 598,54 euros mensuels, doivent être mis au boulot prône le président reconduit – et que, la gauche, au contraire, fidèle à son histoire, défendrait des mesures sociales permettant de faire face aux « aléas de la vie ».
Ce populisme de gauche, qui confond braillards poujadistes de ronds-points avec des représentants authentiques de la classe ouvrière, attise les dissensions dans les classes populaires, au grand plaisir de cette « oligarchie » que Ruffin, naguère, fustigeait.
Et, au jeu du populisme, c’est toujours l’extrême-droite qui gagne !
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