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28 novembre 2022 1 28 /11 /novembre /2022 15:49

Quoi ? la gauche de 36, celle des congés payés et de la semaine de 40 h, la gauche de 1981 de la retraite à 60 ans et de la 5e semaine de congés payés, la gauche de 1998 et des 35 heures, aurait pour pilier la « valeur travail » !

« Valeur travail » : valeur de gauche ?

Eh oui ! Fabien Roussel, patron du Parti communiste français (PCF), se revendique d’une gauche qui “doit défendre le travail et le salaire et ne pas être la gauche des allocations, minima sociaux et revenus de substitution”. Et François Ruffin, député de la Somme, affilié à La France insoumise (LFI), a fait du retour (?) de la valeur travail à gauche une priorité.

Certes l’Internationale fustige les oisifs priés d’aller loger ailleurs, mais lesdits oisifs étaient, à l’époque, les rentiers. Et l’hymne révolutionnaire clamait « Ouvriers paysans, nous sommes le grand parti des travailleurs ».

Ordonnance du 4 octobre 1945 relative à l'organisation de la Sécurité sociale.

Ordonnance du 4 octobre 1945 relative à l'organisation de la Sécurité sociale.

Le PCF – ce qu’il en reste sous l’égide du démago steak saignant et gros rouge, Roussel – prête, à tort, la paternité de la sécu à Ambroise Croizat. Les ordonnances qui l’instaurent sont du  4 et 19 octobre 1945, A. Croizat devient ministre du Travail le 21 novembre 1945. Les ordonnances sont l’œuvre de Pierre Laroque, sous l’autorité amicale du ministre de travail à la libération, Alexandre Parodi, mettant en application une décision du C.N.R..

Pour Laroque, la Sécurité sociale est la garantie donnée à chacun qu’il disposera des moyens d’assurer sa subsistance et celle de sa famille afin d’assurer aux allocataires le maintien de leurs revenus à travers les aléas de la vie professionnelle. Assurances sociales, allocations familiales et prise en charge des accidents de travail doivent être intégrées au sein d’une même structure administrative. Pierre Laroque considère en effet que les trois régimes ont le même objectif d’apporter un revenu de substitution face aux aléas de la vie. Croizat, qui sera surnommé le « ministre des travailleurs » aura l’éminent mérite de mettre en place les ordonnances et de compléter cette protection sociale !

Car le « camarade » Roussel devait se souvenir que les « allocs » comme on disait furent intégrées à la sécu et une loi du 22 août 1946 a défini  les quatre prestations de la branche famille de la sécurité sociale :

  • > les allocations familiales versées sans condition de ressources à partir du deuxième enfant ;
  • > l’allocation de salaire unique versée dès le premier enfant ;
  • > les allocations prénatales ;
  • > l’allocation de maternité.

Viendra se rajouter en 1948 une allocation logement.

Alors opposer les « allocataires » aux « travailleurs » revient, camarade Roussel, à bafouer l’œuvre d’Ambroise Croizat !

 

D’autant que, pour faire face aux « aléas de la vie » ce fut encore et toujours la gauche qui créa le RMI (revenu minimum d’insertion) devenu RSA.

Illustration empruntée à la Fondation Jean Jaurès

Illustration empruntée à la Fondation Jean Jaurès

La grande flemme française

Et Ruffin qui se vante, lui, d’être à l’écoute des travailleuses et travailleurs de la Somme, devrait aussi jeter un œil à une enquête, un peu plus sérieuse que son « Je vous écris du front de Somme ». Cette étude, réalisée par l'Ifop pour La Fondation Jean Jaurès, fait apparaître que cette fameuse  valeur “travail” a dégringolé dans l’Hexagone depuis trente ans. Il y a trente ans, 60 % des Français disaient que le travail était quelque chose de “très important” dans leur vie. Aujourd’hui, ils ne sont plus que 24 %. 

Une autre enquête récente de l’Ifop indique que près de quatre sympathisants de La France insoumise ou Europe Écologie-Les Verts sur dix se définissent comme « peu ou pas travailleurs », cette proportion ne s’établissant qu’à environ un quart des sondés dans les autres familles politiques.

L’assertion selon laquelle « il faut souffrir pour réussir » coupe le pays en deux avec 51% d’adhésion et 49% de désapprobation. Sur ce sujet, le clivage n’est ni éducatif, ni sociologique (45% d’adhésion parmi les cadres, 48% auprès des catégories populaires) mais fortement lié à l’âge : 62% des 65 ans et plus, retraités donc, sont pour souffrir pour réussir, tandis que c’est exactement l’inverse pour les 18-24 ans et ce rejet est partagé par plus de 55% des 25-34 ans !  (Fondation Jean Jaurès)

« Valeur travail » : valeur de gauche ?

Travailleurs contre assistés !

En fait, ce n’est pas d’une « valeur » travail  - on l’a bien vu dévalorisée – qu’il s’agit, mais de nourrir une opposition délétère entre travailleurs et prétendu assistés. On pouvait croire que cette stigmatisation de l’assistanat était l’apanage de la droite y compris macronienne – ces sybarites au RSA qui se gobergent  avec leurs 598,54 euros mensuels, doivent être mis au boulot prône le président reconduit – et que, la gauche, au contraire, fidèle à son histoire, défendrait des mesures sociales permettant de faire face aux « aléas de la vie ».

Ce populisme de gauche, qui confond braillards poujadistes de ronds-points avec des représentants authentiques de la classe ouvrière, attise les dissensions dans les classes populaires, au grand plaisir de cette « oligarchie » que Ruffin, naguère, fustigeait.

Et, au jeu du populisme, c’est toujours l’extrême-droite qui gagne !

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7 juin 2016 2 07 /06 /juin /2016 20:40

En ce 80e anniversaire des accords de Matignon (7 juin 1936) quoi de mieux que les photos de Pierre Jamet pour illustrer cette embellie. Surtout celles de Dina Vierny modèle et égérie de Maillol.

1936 Dina Vierny et Pierre Jamet

1936 : premiers congés payés.

Sacs aux dos, gros brodequins aux pieds, toute une jeunesse joyeuse va se retrouver dans les AJ, ces Auberges de Jeunesse, nées plus tôt, en 1930 avec Marc Sangnier , catholique progressiste, s’inspirant d’une initiative allemande et créant une Ligue française d’auberges de jeunesse (LFAJ). Puis, en  1933 naît un Centre laïque des Auberges de jeunesses (CLAJ).  Léo Lagrange en deviendra président en 1938.

1936 Dina Vierny et Pierre Jamet
1936 Dina Vierny et Pierre Jamet
1936 Dina Vierny et Pierre Jamet
1936 Dina Vierny et Pierre Jamet
1936 Dina Vierny et Pierre Jamet
1936 Dina Vierny et Pierre Jamet
1936 Dina Vierny et Pierre Jamet
1936 Dina Vierny et Pierre Jamet
1936 Dina Vierny et Pierre Jamet
1936 Dina Vierny et Pierre Jamet
1936 Dina Vierny et Pierre Jamet
1936 Dina Vierny et Pierre Jamet

Le monde des « Ajistes » était celui d’une liberté sans partage, faite de vie collective et de fraternité commune, d’égalité surtout que traduisait une mixité alors audacieuse, hors des sentiers battus, en quête d’échappées belles.

Préfaçant en 2009 le recueil des photos de Pierre Jamet sur Belle-Ile en Mer, terre d’élection de ce dernier qu’il connut en y allant camper dès les années 1930 et où il repose à jamais tandis que sa fille y entretient sa mémoire, François Maspero évoque fort bien cet enthousiasme qui lançait sur les routes garçons et filles « à la découverte du monde, de la nature, du soleil et de populations » dans l’idée de « construire un monde nouveau, où la fraternité et le bonheur auraient leur place ».

« Et l’on chantait, poursuit François Maspero. Entre autres, cette chanson qui reste un symbole : Allons au devant de la vie, Allons au devant du matin. La suite, ce fut le Front populaire, qui permit à des millions de Français, pour reprendre un cliché qui n’est pas faux, de voir pour la première fois la mer. Il ne s’agissait pas alors de tourisme de masse. Il s’agissait de fraternité de masse. Toute la vie, toutes les actions de Pierre Jamet s’inscrivent dans cette vision fraternelle du monde et des hommes. »

Extraits de Pierre Jamet, la jeunesse de la liberté Edwy Plenel

Cette rencontre de Pierre Jamet et de Dina Vierny est celle de deux destins romanesques.

Celle d’un orphelin de père qui commence à bosser à 13 ans, achète son premier appareil photo à 14 et va connaître divers métiers : dactylo, modèle, danseur, figurant, directeur d'une colonie de vacances à Belle île en mer (il y photographiera les jeunes Daniel Filipacchi et Marcel Mouloudji).  Il est aussi proche de Jacques Prévert dont il fera des portraits.

Avec sa voix de ténor c’est aussi un passionné de chant. Et c’est dans la Chorale Populaire de Paris qu’il va rencontrer Dina Vierny.

1936 Dina Vierny et Pierre Jamet
1936 Dina Vierny et Pierre Jamet
1936 Dina Vierny et Pierre Jamet
1936 Dina Vierny et Pierre Jamet
1936 Dina Vierny et Pierre Jamet
1936 Dina Vierny et Pierre Jamet
1936 Dina Vierny et Pierre Jamet
1936 Dina Vierny et Pierre Jamet
1936 Dina Vierny et Pierre Jamet
1936 Dina Vierny et Pierre Jamet

Dina Vierny, née Dina Zviguilsky, en 1919, dont le lieu de naissance est Odessa, en Ukraine pour l’un, à Chișinău (Kichinev), en Bessarabie devenue Moldavie pour un autre. Ce qui est sûr c’est que toute la famille de musiciens, d’origine juive, quitte l’URSS pour la France en 1925.

1936 Dina Vierny et Pierre Jamet

MAILLOL

« J’ai rencontré Maillol en 1934, j’avais quinze ans, il en avait 73. C’est l’architecte Dondel qui a parlé de moi à Maillol. Il avait l’habitude de venir à la maison, aux séances de musique de chambre organisées par mon père. »

« De cette époque datent des dessins, naturellement habillés, et des têtes en fresque. Maillol commence la fresque à laquelle il s’intéresse et qu’il apprendra avec le directeur de l’École des beaux-arts de Paris, Untersteller. En 1935, encore des têtes, des visages. Et, en fin de compte, c’est moi qui finis par lui dire : « Maillol, n’ayez pas peur de me demander de quitter mes vêtements. Je fais partie des Amis de la Nature, c’est de ma génération. La nudité, c’est la pureté. Musset a écrit : "Tous les cœurs vraiment beaux laissent voir leurs beautés." »

Maillol était timide, réservé, mais il était littéraire. Il a été touché par cette phrase de Musset. Et nous avons commencé à travailler sérieusement. Maillol n’a jamais abandonné la peinture. Il a peint d’après moi plusieurs tableaux, avec une certaine influence de Courbet.

Il a surtout beaucoup dessiné avec moi. À soixante-treize ans, Maillol ne sculptait plus. Mais, je vous l’ai dit, il a recommencé à sculpter et a fait d’après moi la sculpture monumentale. »

 

Entretien d’Alain Jaubert avec Dina Vierny

1936 Dina Vierny et Pierre Jamet

De 1934 à 1944, date du décès accidentel de Maillol, Dina Vierny pose pour lui. Pour elle, ou grâce à elle, il reprend les pinceaux qu’il avait longtemps abandonnés. Mais c’est dans ses ultimes sculptures que les deux tempéraments explosent, à travers les grandes allégories qu’elle lui inspire : La Montagne, l’Air, la Rivière, l’Harmonie. Entre deux séances, elle fréquente les frères Prévert, Roger Blin, Maurice Baquet ou Marcel Duhamel, qui jettent les derniers feux du groupe Octobre, mais aussi les surréalistes et, en premier lieu, André Breton dont elle gardait un souvenir mitigé, nous dit Le journal de la Moldavie francophone.

 

1936 Dina Vierny et Pierre Jamet
1936 Dina Vierny et Pierre Jamet
1936 Dina Vierny et Pierre Jamet

Et c’est donc à cette période que sa route croise celle de Pierre Jamet .

Avec la guerre leurs destins se séparent. Pierre Jamet sera mobilisé comme radio dans la Marine nationale. Puis, après la défaite, il survivra en ouvrant une boutique de… photographe.

Libération de Paris P. Jamet

Libération de Paris P. Jamet

Dina Vierny, elle, connaîtra une vie plus aventureuse pendant cette seconde guerre mondiale. Elle va suivre le patron, comme elle appelle Maillol, à Banyuls-sur-Mer. A-t-elle fait passer la frontière des Pyrénées à des intellectuels fuyant la Gestapo ?  «J'ai tout raconté au Patron, dit-elle. Comment je les attendais, vêtue de rouge, à la terrasse d'un café... Il m'a alors indiqué des chemins de chèvres. C'est ainsi qu'est née la route Maillol-Dina.» Son rôle est controversé. Toujours est-il qu’après une interpellation des gendarmes, où le patron intervint pour la tirer d’affaire, Maillol transféra son modèle chez ses amis Matisse et Bonnard, à Cimiez et au Cannet.

Ce qui est sûr aussi, c’est qu’en 1943, de retour à paris, elle est arrêtée par la Gestapo et ne devra sa libération, six mois plus tard, qu’à l’intervention d’Arno Breker,  sculpteur officiel du régime Nazi que Maillol avait sollicité.

Matisse

Matisse

Après guerre, Pierre Jamet s’embringue dans un quatuor vocal , Les compagnons de la route, qui va devenir Les quatre barbus. De la chanson paillarde aux chants anarchistes, en passant par les chansons de Pierre Dac et Francis Blanche ou de Boris Vian, mais aussi des chansons populaires et chansons pour enfants, jusqu’en 1969, ils produiront une flopée de disques et feront de nombreuses tournées en France et dans le monde.

Mais Pierre Jamet n’abandonnera pas sa  deuxième passion , la photographie.

Dina Vierny, elle ouvrit une galerie. « Avant toute chose, elle sera la fille spirituelle du patron. "Il n'y a qu'elle qui sait", lançait-il déjà, de son vivant, à la cantonade. Dépositaire, experte, historienne de son oeuvre, on lui doit un des plus jolis coups de foudre du siècle passé: Paris et Maillol. En 1963, via Malraux, elle offre rien de moins que dix-huit statues au jardin des Tuileries. »  La femme modèle

 

Il n’y avait pas à se forcer. La création, vous la voyez, et vous y participez. Vous entrez dans le jeu. Je ne pensais pas particulièrement poser, mais j’ai été vite séduite de pouvoir entrer dans la création, de parler longuement avec l’artiste, d’essayer de comprendre. J’avais vite ressenti l’illusion de servir l’artiste, qui, en vérité, n’a besoin de personne. C’est d’une simplicité enfantine. Ça coule de source. En plus, c’était très agréable. Contrairement à ce que l’on imagine, il n’y avait rien de charnel entre Maillol et moi. C’était une admiration réciproque. Et ça a été comme ça pendant les dix ans de notre travail. Lorsque Maillol a voulu que je défende son œuvre, il m’y avait préparée sérieusement. C’est la raison pour laquelle je suis l’héritière de la famille Maillol, à travers le fils de l’artiste, Lucien. Mais Maillol pour moi a été surtout Pygmalion. J’ai appris à voir avec lui et auprès de ses amis, Matisse, Bonnard, Dufy. Énormément. Et, effectivement, ils avaient raison, j’étais plus douée pour l’art que pour tout le reste.

 

Entretien d’Alain Jaubert avec Dina Vierny

A noter que Sollers mérite bien le sort que lui fait subir Laurent Binet, dans La septième fonction du langage, qui, pour un article refusé dans un catalogue d’une exposition, traita Dina Vierny avec mépris  « Anecdotiquement, on notera que ce texte a été empêché d’arriver à sa destination initiale par un ancien modèle de Maillol. »

En 1955, elle commence à racheter un hôtel particulier rue de Grenelle où, entre autres, Alfred de Musset a vécu ; où surtout, les frères Prévert avaient ouvert un cabaret, La Fontaine des Quatre Saisons, où Boris Vian, habitué du lieu, crée Le Déserteur ; Francis Blanche présente ses sketches ; les Frères Jacques, Yves Montand chantent les poèmes de Prévert mis en musique par Kosma. Une pléthore de jeunes artistes y font leurs débuts : Maurice Béjart, Guy Bedos, Pierre Perret, Jean Yanne, Philippe Clay, Jacques Dufilho…

En 1995, le Musée Maillol, ouvre ses portes.

Vidéo russe

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