Par un concours de circonstances, je me suis retrouvé, au nom de mon syndicat, à assister à une réunion d’un Carrefour départemental d’action laïque (CDAL) de la Vendée. Et un de ses animateurs a invoqué, d’un ton inspiré, le serment de Vincennes de 1960 :
« Nous faisons le serment solennel : De manifester en toutes circonstances et en tous lieux notre irréductible opposition à cette loi contraire à l’évolution historique de la Nation ;
De lutter sans trêve et sans défaillance jusqu’à son abrogation ;
Et d’obtenir que l’effort scolaire de la République soit uniquement réservé à l’Ecole de la Nation, espoir de notre jeunesse »
Or, pour avoir écrit « L’article 89 comme la proposition de loi Carle rompt avec la Loi Debré (1959) qui ne mettait à la charge des communes que les écoles privées sous contrat d’association sur leur territoire. » j’ai été accusé de soutenir la loi Debré et de renier ce serment de Vincennes. Comme si renvoyer la droite au respect de ses propres textes valait approbation desdits textes !
Ce serment qui avait été prononcé devant 400 000 personnes, représentant les près de 11 millions de pétitionnaires, visait à l’abrogation de la Loi Debré du 31 décembre 1959, loi qui atteindra donc les 60 ans à la fin de cette année.
Loi qui a failli, non pas être abrogée, mais en quelque sorte dépassée par le haut, par la Loi Savary visant à la création d’un grand service public unifié et laïque de l'éducation nationale. Mais, le projet de Loi, fruit de négociations ardues avec l'enseignement catholique, a été d’abord saboté par deux amendements d’André Laignel, puis coulé par les ultras d’en face qui ont mobilisé massivement, le 24 juin 1984, soutenus par toute la droite, Jacques Chaban-Delmas allant jusqu’à dénoncer « une société totalitaire dont [les manifestants] ne veulent pas. ».
Le 14 juillet 1984, Mitterrand, annonçait l’abandon du projet.
L’Histoire ne repasse pas les plats : ni Jospin, ni Allègre, ni Lang, ni Peillon, Hamon ou Valaud-Belkacem ne remettront le SPULEN sur le tapis et encore moins n’envisageront une suppression pure et simple de la Loi Debré.
Paradoxalement, dix ans après, la réponse laïque à la grande manif du privé contre le Loi Savary se fera pour défendre une Loi Faloux de 1850, un Faloux qui prônait une forte main-mise de l'église sur l'éducation. Double paradoxe, car au moment où la manifestation géante se met en route, le 16 janvier 1994 (1), trois jours avant le Conseil constitutionnel avait retoqué les articles les plus controversés de la proposition de loi Bourg-Broc qui abrogeait la Loi Faloux.
En revanche, l'abrogation de la Loi Debré ne fut que sous-jacente dans cette splendide démonstration de force laïque.
Loin donc d’être rognée, la Loi Debré, on l’a vu avec la Loi Carle-Charasse, on le voit encore avec l’obligation scolaire démarrant à 3 ans qui va entraîner l’extension des financements aux maternelles privées, s’est, c'est le cas de le dire, enrichie d’apports nouveaux. Et, malheureusement, le Serment de Vincennes risque fort de rester vain.
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