Est-ce grâce à Benoît Duteurtre (Etonnez-moi Benoît, excellente émission de France-Musique) ou à Philippe Meyer (La prochaine fois, je vous le chanterai, excellente émission de France-inter) que j’ai découvert ce Pape musulman, de Pierre-Jean de Béranger ?
LE PAPE MUSULMAN
Air : Eh ! ma mère, est-c’que j’sais ça ?
Jadis voyageant pour Rome,
Un pape, né sous le froc,
Pris sur mer, fut, le pauvre homme,
Mené captif à Maroc.
D’abord il tempête, il sacre,
Reniant Dieu bel et bien.
— Saint-Père, lui dit son diacre,
Vous vous damnez comme un chien.
Sur un pal que l’on aiguise
Croyant déjà qu’on le met,
Le fondement de l’église
Dit : Invoquons Mahomet.
Ce prophète en vaut bien d’autres ;
Je me fais son paroissien.
— Saint-Père, au nez des apôtres
Vous vous damnez comme un chien.
Aye ! aye ! on le circoncise.
Le voilà bon musulman,
Sinon parfois qu’il se grise
Avec un coquin d’iman.
Il fait de sa vieille Bible
Un usage peu chrétien.
— Saint-Père, c’est trop risible ;
Vous vous damnez comme un chien.
En vrai corsaire il s’équipe ;
Pour le Croissant il combat,
Prend le sorbet et la pipe ;
Dans un harem il s’ébat.
Près des femmes qu’il capture,
Voyez donc ce grand vaurien !
— Saint-Père, quelle posture !
Vous vous damnez comme un chien.
À Maroc survient la peste ;
Soudain fuit notre forban,
Qui dans Rome, d’un air leste,
Rentre avec son beau turban.
— Souffrez qu’on vous rebaptise.
— Non, dit-il, ça n’y fait rien.
— Saint-Père, quelle bêtise !
Vous vous damnez comme un chien.
Depuis, frondant nos mystères,
Ce renégat enragé
Veut vider les monastères,
Veut marier le clergé.
Sous lui l’église déchue
Ne brûle juif ni païen.
— Saint-Père, Rome est fichue ;
Vous vous damnez comme un chien.
De la notice wikipédia, assez foutraque, on retient d’abord que Béranger eut des funérailles quasi Hugoliennes en 1857, bien que le régime impérial, craignant des débordements, ait envoyé la troupe pour encadrer ses obsèques. Ce chansonnier était surnommé « l’immortel Béranger » ou « le chansonnier national » et même « Béranger-le-peuple ».
Car ce Pierre-Jean de Béranger, né en 1780, alors que son père était un ardent royaliste, œuvra, à la Restauration, contre la censure et s’en prit aux jésuites tout en ridiculisant Charles X, ainsi de cette ironique démence où il prête au roi la volonté de mettre à bas les méfaits de son propre régime.
DÉMENCE DE CHARLES X.
Air : Je n’ai plus peur de Croquemitaine.
Un jour le roi qui se fait vieux,
À son lever, quelle indécence !
Tint des propos séditieux
Dont la cour blâma la licence.
Je veux, disait-il, mettre à bas
Ce ministère malhonnête ;
Le trois pour cent ne me plaît pas…
Et chacun se disait tout bas :
Sa Majesté n’a plus sa tête.
Loin de moi, lâches conseillers !
J’ai déjà trop fait de sottises :
Débarrassez mes escaliers,
Allez pourrir dans mes églises.
Du péché j’aimais la douceur ;
Lorsqu’à me damner je m’apprête,
Je ne veux plus de confesseurs,
De jésuites et de censeurs…
Sa Majesté n’a plus sa tête.
Qu’on ne me parle désormais
Des émigrés, ni de la presse ;
J’annule et supprime à jamais
Et le timbre et le droit d’aînesse.
Au diable le pape et les sots,
Et la Sorbonne et la Gazette,
Les jubilés et les dévots,
Les capucins et les cagots…
Sa Majesté n’a plus sa tête.
Guerre à Mahmoud ! guerre au turban !
Le sort des Hellènes m’attriste :
Victoire ! dût le Drapeau blanc
Me traiter de bonapartiste.
Marchons, suivez-moi, vieux guerriers !…
Délivrons Corinthe et la Crète ;
Je quitte cerfs et lévriers
Pour voler aux champs des lauriers…
Sa Majesté n’a plus sa tête.
Assez longtemps j’ai méconnu
Le mérite de nos grands hommes ;
Trop d’intrigants ont obtenu
Des rubans et de larges sommes.
Que les beaux arts, pour les venger,
Aient une récompense honnête ;
De chaînes, loin de le charger,
Que l’on décore Béranger…
Sa Majesté n’a plus sa tête.
Je veux renvoyer de chez moi,
Peyronnet, Villèle et Corbière.
Qu’ils partent ! je veux être roi
Et gouverner à ma manière.
Je veux ouvrir un libre accès
Même à la pensée indiscrète.
Je veux et la Charte et la paix,
Je veux le bonheur des Français…
Sa Majesté n’a plus sa tête.
De telles chansons séditieuses lui valurent deux arrestations et un séjour en prison où, en 1828, il recevait la visite de Victor Hugo ou Alexandre Dumas.
Les ambitions littéraires diverses qu’il avait pu nourrir dans sa jeunesses, après une scolarité assez chaotique, furent oubliées au seul profit de la chanson. Dès 1813, il entre au Caveau moderne, société de chansonniers parisiens qui est un peu l’ancêtre du Caveau de la République qui continue cette tradition.
Et bien sûr, outre des chansons sociales, comme Les Gueux, Les cinq étages, les chansons anti-cléricales comme L’ivresse du pape ou Les révérends pères, il a écrit quelques chansons lestes, gauloises, galantes ou érotiques.
C’est sous le titre de Chansons érotiques de P.-J.de Béranger, orné de quatorze gravures d’un Alex Virot que furent éditées en 1923 (les experts disent en 1926) une partie d’entre elles. Ce Virot a été pris comme le pseudonyme d’un certain Chas Laborde, illustrateur prolifique. Mais cette paternité est récusée par un spécialiste de l’artiste. Alex Virot était surtout connu comme journaliste sportif (il va d'ailleurs mourir dans un accident de moto en suivant le tour de France 1957).
« Le trait est maladroit, peu assuré, dépourvu de sensualité. Les visages frappent par leur inexpressivité. Virot se révèle également incapable de dessiner les mains. Et sa technique de gravure est rudimentaire. »
Travail d’amateur donc, mais qui n’est pas dépourvu d’un charme que l’on n’ose qualifier de naïf.
LA PETITE OUVRIÈRE.
Ma mère avait raison, je l’vois,
Not’ bonheur est au bout d’nos doigts.
Défunt’ maman m’disait sans cesse :
« Au bout d’tes doigts est la richesse ;
« Fill’ qui travaille avec honneur
« S’fait soi-même son p’tit bonheur. »
Quel plaisir (bis) je r’ssens à l’ouvrage !
Ah ! j’suis tout en nage…
Ma mère avait raison, je l’vois,
Not’ bonheur est au bout d’nos doigts.
L’cœur à l’ouvrage, au mois d’décembre,
Sans feu j’m'enferme dans ma chambre.
Quand il gèle à claquer des dents,
J’réchauffe mes doigts sans souffler d’dans.
Quel plaisir (bis), etc.
D’beaux messieurs proposent de m’faire
Des enfants qui mourraient de misère ;
Chers enfants, par l’travail que v’là,
J’vous épargne ce chagrin-là.
Quel plaisir (bis), etc.
Pour m’amuser d’abord j’m’occupe
D’not’ boulanger zavec sa jupe ;
En jup’ j’me r’présente toujours
C’garçon d’esprit v’lu comme un ours.
Quel plaisir (bis), etc.
Je m’rappelle aussi l’grand Léandre
Qui, d’vant ma fenêtr’, d’un air tendre,
S’déboutonne comme un impur,
Sans s’tourner du côté du mur.
Quel plaisir (bis), etc.
L’ouvrier’ qui craint la satire
Doit s’chatouiller pour se fair’ rire ;
En travaillant ça rend l’cœur gai,
Et l’poignet seul est fatigué.
Quel plaisir (bis) je r’ssens à l’ouvrage !
Ah ! j’suis tout en nage…
Ma mère avait raison, je l’vois,
Not’bonheur est au bout d’nos doigts.
LES DEUX SŒURS
Zoé, de votre sœur cadette,
Que voulez-vous entre deux draps ?
Que sans chemise je me mette ?
Fi, ma sœur, vous n’y pensez pas.
Mais à vos fins vous voilà parvenue
Et vous baisez ma gorge nue ;
Vous me tiraillez,
Me chatouillez,
M’émoustillez ;
Mais au fond ce n’est rien,
Je le sens bien,
Mais au fond ce n’est rien.
Pour vous en prendre à notre sexe,
Avez-vous mis l’autre aux abois ?
C’est peu que votre main me vexe,
Vous usez pour vous de mes doigts.
La tête aux pieds la voilà qui se couche ;
Ciel ! où mettez-vous votre bouche ?
Ciel ! pour une sœur,
Quelle noirceur !
Quelle douceur !
Mais, etc.
Rougirions-nous ! je le demande,
Si nos amants pouvaient nous voir.
Pourtant il faut que je vous rende
Le plaisir que je viens d’avoir.
Je m’enhardis, car jamais, que je sache,
Je n’ai baisé d’homme à moustache.
Ah ! nous jouissons,
Et des garçons
Nous nous passons.
Mais, etc.
Ne croyez pas que je contracte
Ce goût, déjà trop répandu ;
C’est bon pour amuser l’entracte
Quand le grand acteur est rendu.
Ce que je crains, ô sœur trop immodeste,
C’est d’avoir commis un inceste.
Peut-être est-ce un cas
Dont nos prélats
Ne parlent pas,
Car au fond ce n’est rien,
Je le sens bien,
Car au fond ce n’est rien.
L’ACCOUCHEMENT,
ACCIDENT ARRIVÉ À UNE FILLE VERTUEUSE.
Air : Je veux être un chien.
Maman, que je souffre à l’endroit
Où décemment je mets le doigt !
Vite, il faut qu’on me déshabille !
Moi qui tiens si fort à l’honneur,
M’arriverait-il un malheur !
Ah ! foutre ! ah ! chien !
Non, je n’y conçois rien,
Mais j’accouche, foi d’honnêt’fille.
Pourtant je ne grossissais pas ;
Je n’avais qu’un peu plus d’appas,
Ça complétait ma pacotille.
La vertu m’avait réussi.
Dieux !… l’accoucheur est-il ici ?
Ah ! foutre, etc.
Cela me vint-il en dormant
Ou par l’effet d’un sentiment ?
Car moi, c’est par là que je brille.
Serait-ce mon baron perclus !
Bon !… s’il avait ce qu’il n’a plus…
Ah ! foutre, etc.
N’est-ce pas un soir que, fort tard,
Sur ma porte, un galant hussard,
En passant me trouva gentille ?
Il n’a tenté qu’un faible essai…
J’étais retroussée, il est vrai.
Ah ! foutre, etc.
Ce n’est pas mon Italien ;
Il m’a prouvé son goût trop bien :
Il n’aura jamais de famille.
À sa guise il était reçu…
M’a-t-il trompée à son insu !
Ah ! foutre ! etc.
Vivez donc de privations !
Prenez donc des précautions !
Sans la sauce mangez l’anguille !
Beau moyen et bien éprouvé :
J’en suis pour un enfant trouvé.
Ah foutre ! ah chien !
Non, je n’y conçois rien,
Mais j’accouche, foi d’honnêt’fille.
LE LAVEMENT,
Je suis Gilles, garçon zapothicaire chez M. Fleurant, qui demeure là zau coin vis-à-vis un cul-de-sac. On vint l’autre jour me demander un crystère pour mam’zelle Zirzabelle ; moi qui ai des vues propres sur cette demoiselle, j’apprête mon affaire ; je cours, je monte au sixième, j’arrive sur le derrière, et j’dis : Me v’là.
Salut, mam’zelle Zirzabelle ;
J’vous apporte un p’tit lav’ment ;
Ça vous r’f’ra l’tempérament.
Allons, tournez-vous, mam’zelle.
Ell’ m’répond avec dédain :
— Fi ! monsieur, pas tant d’raideur ;
Car zamais zapothicaire
Ne verra c’que, par pudeur,
Z’ne fais voir qu’à ma sèr’ mère.
— C’que vous m’dit’s là n’prouve rien ;
Vous mentiez drès étant p’tite,
Drès étant p’tite.
Et puis d’ailleurs, mam’zelle, c’est pour vot’ bien ce qu’on en fait ; vous avez une inflammation de bas-ventre : il faut laver ça, mam’zelle ; r’gardez, j’l’ai dressé exprès pour vous. Allons, prenez, prenez.
Ça vous f’ra du bien tout d’suite,
Ça vous f’ra du bien.
— Zil est par trop vrai qu’ça m’brûle ;
Qu’z’ai besoin d’rafraîchissans.
— D’vous coucher à contre-sens
D’vez-vous donc zavoir scrupule ?
— Puisqu’il l’faut, allons, me v’là ;
Mais, Zilles, surtout pas d’niche.
Ze n’puis l’voir comme j’suis là,
C’est vraiment ça qui me r’fiche.
— Tout c’qu’on f’ra s’ra pour vot’ bien ;
J’sis tout prêt, r’troussez-vous vite,
R’troussez-vous vite.
Pas tant de façons. Encore cette demi-aune de toile. Oh ! quel beau visage, s’il avait zun nez ! Cependant, z’il y a de l’enflure. Il faut zopérer un dégagement. Avalez-moi ça, mam’zelle, avalez-moi ça.
Ça vous f’ra du bien tout d’suite,
Ça vous f’ra du bien.
— Polisson, qu’allez-vous m’faire ?
Un lav’ment ne s’met pas là.
— À la cour, aujourd’hui, v’là
Comm’ les dam’s prenn’t un crystère.
— En c’cas, au zenr’ de la cour
Zil est zust’ que j’me conforme.
Dieu ! faudrait la bouch’ d’un four,
Tant l’instrument est énorme !
— C’est trop d’honneur, mais l’moyen
S’rait d’vous fair’ la bouch’ moins p’tite,
La bouch’ moins p’tite.
Allons, mam’zelle, élargissez les voies, et tandis que j’pousse, donnez un coup de main. Si ça passe vous êtes sauvée.
Ça vous f’ra du bien tout d’suite,
Ça vous f’ra du bien.
— Que vot’ s’ringl’ me paraît douce,
Mais z’redoute l’s accidens.
— Jusqu’au fond v’là que j’suis d’dans ;
N’craignez rien ; va comm’ j’te pousse :
N’vous tortillez pas si fort,
Ça dérang’rait mon affaire…
V’là qu’ça part. Ah ! sans m’fair’ tort,
C’que j’vous donn’ n’est pas d’l’eau claire…
— Tu m’inond’, oh ! sacré chien !
T’as poussé l’machin trop vite,
L’machin trop vite.
Oh ! mon ser Zilles, ze n’y étais pas encore. Cependant, ça m’a fait zun peu d’effet. Pour que ma guérison soit complète, redouble la dose, mon ser Zilles, redouble la dose.
Ça me f’ra du bien tout d’suite,
Ça me f’ra du bien.
J’la guéris, l’on peut bien l’croire,
Avec sept ou huit lav’mens :
À cell’-là qui dit que j’mens,
Que ma s’ringl’ prouve c’t’histoire.
Mettez la main sur vos yeux,
Puis, entre vos doigts, mesdames,
R’luquez bien l’machin curieux
Qui rend la santé zaux femmes :
La vôtre n’vaut-elle rien ?
Profitez d’mon grand mérite,
D’mon grand mérite.
Voyez, mesdames, décidez-vous ; faites comme mam’zelle Zirzabelle. Qu’est-ce qu’en veut ? huit, dix, douze ! ne boudez pas contre vot’ventre. J’suis tout prêt !
Ça vous f’ra du bien tout d’suite,
Ça vous f’ra du bien.
LES CULOTTES,
Zirzabelle, est-c’ ben vous que j’vois ?
J’vous r’connaissons à vot’ minois ;
Est-c’ encor’ mam’zell’ qu’on vous nomme ?
Vous voilà costumé’ zen homme.
C’t habit raplatit vos appas,
Qu’aujourd’hui vous n’étalez pas.
Rien d’moins gênant zavec vous qu’une cotte,
Mam’zelle, ôtez donc, ôtez vot’ culotte ;
Mam’zelle, ôtez donc vot’ culotte.
Changer de sesque, c’est fort mal
Quand on n’est plus dans l’carnaval ;
P’t-être aussi qu’vous changez d’manière,
Et qu’aux femmes vous voulez plaire ;
Ce s’rait deux bons goûts à la fois,
J’vous crois fait’ pour en avoir trois.
Mais, d’queq’côté qu’on vous porte une botte,
Mam’zelle, ôtez donc, ôtez vot’ culotte ;
Mam’zelle, ôtez donc vot’ culotte.
Comme l’amour rend zinconstant !
J’finis par trouver ça piquant.
Permettez que j’vous déboutonne…
Mais, jarni, ne vient-il personne ?
On peut nous voir de c’te façon,
Et vous prendre pour un garçon.
Pour qu’on n’dis’ pas qu’j’ai changé de marotte,
Mam’zelle, ôtez donc, ôtez vot’ culotte ;
Mam’zelle, ôtez donc vot’ culotte.
Dépêchez, ou j’vais par-dessus
Vous fair’ un’ boutonnièr’ de plus…
Mais v’là que j’vous tache, mam’zelle,
C’est la faute de vot’ bretelle :
Plus qu’mon amour elle tenait ;
Bonsoir, j’ai remis mon bonnet.
Sans étrenner, r’mettez tout dans la hotte,
Mam’zell’, montez donc, montez vot’culotte ;
Mam’zell’, montez donc vot’culotte.
Mesdam’s, la morale est mon fort ;
Or donc, notre habit vous fait tort.
Ne prenez c’costume nuisible
Que pour tromper, si c’est possible,
Les homm’s impurs qui sont l’effroi
Des jolis garçons comme moi.
Autrement qu’ça, dit l’Saint-Père aux dévotes,
Mesdam’s, n’mettez qu’la main dans les culottes,
N’mettez qu’la main dans les culottes.
LE PETIT BOSSU.
Petit bossu, noir et tortu,
Qui me bécottes
Et frippes mes cottes,
Petit bossu, noir et tortu,
De me baiser finiras-tu ?
C’est le plus laid des sapajous,
Mais ses trésors point ne tarissent,
Et ses doigts crochus m’éblouissent,
Tant ils sont chargés de bijoux.
Petit bossu, etc.
Ma taille devrait l’étonner ;
Je suis grande, il en sera dupe ;
Ma foi, s’il se perd sous ma jupe,
Nous le ferons tambouriner.
Petit bossu, etc.
Mais entre ses dents, le furet,
A pris le bas de ma chemise ;
Sur le bord du lit il m’a mise
Et grimpe sur un tabouret.
Petit bossu, etc.
Il me promet force cadeaux ;
À son nez pourtant je le raille,
Et ris de voir sur la muraille
La silhouette de son dos.
Petit bossu, etc.
En dépit de ses madrigaux,
Je ressemble, je l’imagine,
À ces beaux vases de la Chine
Qui pour couvercle ont des magots.
Petit bossu, etc.
Quelle est ma surprise aujourd’hui !
Dans ce nain je trouve un Hercule ;
Faut-il qu’il soit si ridicule
D’avoir du plaisir avec lui !
Petit bossu, etc.
Quoi ! dix fois ! ah ! l’on s’en défend.
Peste ! il est bien temps que je pense
Qu’il pourrait, à sa ressemblance,
Me faire un singe pour enfant.
Petit bossu, noir et tortu,
Qui me bécottes
Et frippes mes cottes,
Petit bossu, noir et tortu,
De me baiser finiras-tu ?
Buvons, buvons,
Le vin convie ;
Nous le pouvons,
Menons joyeuse vie :
Buvons, buvons !
En débarquant dans ces lieux,
Ainsi Bacchus et sa troupe
Chantaient ce refrain joyeux
Et buvaient à pleine coupe.
Buvons, buvons,
Le vin convie ;
Nous le pouvons,
Menons joyeuse vie :
Buvons, buvons !
Moquons-nous des insensés
Qui censurent nos folies ;
Satyres nerveux, dansez ;
Dansez, bacchantes jolies !
Buvons, buvons,
Le vin convie ;
Nous le pouvons,
Menons joyeuse vie :
Buvons, buvons !
Allons, guidés par Bacchus,
Nous que l’amour accompagne,
Faire à Paris des cocus,
Et vendanges en Champagne.
Buvons, buvons,
Le vin convie ;
Nous le pouvons,
Menons joyeuse vie :
Buvons, buvons !
Près de Silène gaillard,
On voyait paraître
Maître Adam, Piron, Panard,
Et Collé, mon maître ;
Mais nul de ce joyeux corps,
Aux yeux d’Ariane alors,
Pour les airs grivois,
N’égalait en voix,
En vigueur,
En longueur,
En force d’haleine,
L’âne de Silène.
SERMON D’UN CARME,
AINSI SOIT-IL.
Un carme, à ses ouailles,
Tous gens de goûts suspects,
Disait : Corbleu ! canailles,
Vos péchés sont infects.
Eh ! fi ! fi ! fi ! fi ! fi !
Est-ce ainsi qu’on vous fit ?
Ô Bulgares ! vous êtes
Atteints et convaincus
De faire des cornettes
Et jamais de cocus !
Eh ! fi ! etc.
Vous tombez dans le schisme,
Et c’est, en vérité,
Prendre le paganisme
Par le vilain côté.
Eh ! fi ! etc.
Du ciel vos goûts étranges
Font votre exclusion :
Vous perdriez les anges
De réputation.
Eh ! fi ! etc.
Avec vous, fille sage
Perdant ainsi son droit,
Fait de son pucelage
Une bague à son doigt.
Eh ! fi ! etc.
Qui ne juge aux harangues
Des Saphos de nos jours
Que ces mauvaises langues
Font la guerre aux amours ?
Eh ! fi, etc.
Quand vous fuyez ces dames,
Seul, que ne puis-je, hélas !
Suffire à tant de femmes !
Je ne vous dirais pas :
Eh ! fi, etc.
Si des feux de Gomorrhe
Rien ne peut nous sauver,
Qu’en moi Dieu voie encore
Un homme à conserver.
Eh ! fi ! fi ! fi ! fi ! fi !
Est-ce ainsi qu’on vous fit ?
LES ARCHERS DE L’AMOUR.
L’Amour sur son trône,
Dit à ses sujets :
« Sans fixer à l’aune
« Le prix des objets,
« J’exige qu’on tende
« Mon arc tour à tour.
« Archers, que l’on bande,
« L’on bande,
« L’on bande ;
« Archers, que l’on bande
« Cette arme de l’Amour !
« Montrez à ma mère
« Tout votre savoir ;
« Elle va vous faire
« Tirer dans le noir.
« C’est moi qui commande,
« Sans bruit ni tambour :
« Bien ferme qu’on bande,
« Qu’on bande,
« Qu’on bande ;
« Bien ferme qu’on bande
« Cette arme de l’Amour ! »
Lors, parmi les vierges
S’avance un vieillard.
« Qu’on le passe aux verges, »
Dit Vénus à part :
« Qu’il soit de ma bande
« Banni sans retour :
« Jamais il ne bande,
« Ne bande,
« Ne bande ;
« Jamais il ne bande
« Cette arme de l’Amour. »
Vient de Ganymède
Un amant damné.
Vénus crie à l’aide,
Se pince le nez,
Et dit : « Qu’il s’amende,
« Ou bien, nuit et jour,
« Sans tirer, qu’il bande,
« Qu’il bande,
« Qu’il bande ;
« Sans tirer, qu’il bande
« Cette arme de l’Amour ! »
Puis elle examine
L’arc et son ressort :
Sous sa main badine
Il se tend d’abord.
Sensible à l’offrande,
Vénus, en retour,
Fait tout pour qu’on bande,
Qu’on bande,
Qu’on bande ;
Fait tout pour qu’on bande
Cette arme de l’Amour !
Elle est toute nue,
Étalant aux yeux
Sa croupe charnue,
Son sein merveilleux.
Une ardeur si grande
Enflamme sa cour
Que partout l’on bande,
L’on bande,
L’on bande ;
Que partout l’on bande
Cette arme de l’Amour !
À l’archer qui touche
Offrant un tribut,
Vénus qui se couche
Dit : « Voilà le but…
« Que le trait s’y rende,
« Droit ou par détour.
« Tout va dès qu’on bande,
« Qu’on bande,
« Qu’on bande ;
« Tout va dès qu’on bande
« Cette arme de l’Amour ! »
Tous prenant le large,
Font dix coups de plus.
« Dieux ! quelle décharge !
« S’écria Vénus ;
« Mais, je le demande,
« Par quel mauvais tour
« Faut-il qu’on débande,
« Débande,
« Débande ;
« Faut-il qu’on débande
« Cette arme de l’Amour ? »
LA MARRAINE.
Marraine, qui nous instruisez
Dès qu’au monde nous sommes ;
Rien qu’à l’tenir, vous qui prisez
L’cœur de messieurs les hommes,
J’suis en âge d’avoir un amant,
Dit’s-moi donc, ma marraine,
Comment,
Comment qu’y faut qu’je l’prenne ?
J’vois deux morveux qui m’font la cour
Se frotter à ma jupe ;
L’un a l’nez long, l’autre a l’nez court,
Et c’est là c’qui m’occupe ;
Ces deux morveux sont bien tournés ;
Dit’s-moi donc, ma marraine,
Est-ce au nez,
Au nez qu’y faut qu’je l’prenne ?
L’un est brun, bien dru, bien droit,
Plein d’esprit et d’bravoure ;
Ôtez-lui la main d’un endroit,
Dans un autre il la fourre ;
Dru comme il est, j’aurais d’son cru ;
Dit’s moi donc, ma marraine,
Est-ce le dru,
Le dru qu’y faut que j’prenne ?
L’autre est un roux dur et sournois,
Tout frais v’nu de sa province,
Qui n’me fait rien qu’en tapinois,
Qui m’chatouille et qui m’pince ;
Dur comme il est, c’est un homm’sûr ;
Dit’s-moi donc, ma marraine,
Est-c’le dur,
Le dur qu’y faut que j’prenne ?
L’un n’est pas plus haut que cela,
Mais y n’lui faut point d’aide ;
Quand je l’tiens dans ces cinq doigts-là,
Jarni, comme il est raide !
Tout p’tit qu’il est, y m’divertit ;
Dit’s-moi donc, ma marraine,
Est-c’le p’tit,
Le p’tit qu’y faut que j’prenne ?
L’autre est si gros que je n’crois point
Que par ma porte il passe ;
Mais rien n’lui va comm’l’embonpoint,
Car jamais y n’se lasse ;
Gros comme il est, ça n’a point d’os ;
Dit’s-moi donc, ma marraine,
Est-ce l’gros,
Le gros qu’y faut que j’prenne ?
Le choix vous semble embarrassant,
J’en juge à vot’silence ;
Vot’filleule a l’cœur innocent,
C’est pour ça qu’ell’balance.
Peur de faire un choix hasardeux,
Dites-moi donc, ma marraine,
Est-c’ les deux,
Les deux qu’y faut que j’prenne ?
Pour compléter :
Œuvres complètes de Béranger
Les Gaietés : quarante quatre chansons érotiques de ce poète, suivies de chansons politiques et satiriques non recueillies dans ses œuvres prétendues complètes.
Colette Renard a interprété Les deux soeurs et Les Moeurs
Henry Monnier fut sans doute le 1er à illustrer des chansons de Béranger en 1827
Sous le titre de Chansons Galantes on trouve aussi deux versions illustrées :
L'une par André Collot
L'autre par Rojan
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