Epilogue : les deux journalistes acquittés,
Vatileaks II : après les fuites du majordome de Benoît XVI, deux taupes, un monseigneur espagnol et une sulfureuse brune italienne, ont à nouveau détourné des documents secrets. Documents qui révèlent – ou plutôt confirment – que le denier de Saint-Pierre engraisse la curie plus qu’il ne profite aux pauvres. Mais le Vatican poursuit les corbeaux pas les chacals, ceux qui révèlent la corruption, pas les corrompus !
Or donc, fin octobre, la gendarmerie vaticane a mis sous les saints verrous un prêtre espagnol, Lucio Ángel Vallejo Balda, et Francesca Chaouqui, la seule femme, laïque, qui participait à la commission sur les activités économiques et financières du saint-siège. Elle fut remise en liberté après avoir accepté de coopérer avec les enquêteurs.
Les deux complices ont fait fuiter des documents qui ont alimenté deux livres ‘Chemin de croix’ (‘Via Crucis’) d’un journaliste de Mediaset (groupe Berlusconi) Gianluigi Nuzzi et ‘Avaricia’ (non traduit) d’un reporter de l’hebdo ‘Espresso’, Emiliano Fittipaldi.
Vallejo Balda ex-secrétaire de l'ancienne Commission sur l'organisation des structures économiques et administratives du Saint-Siège (COSEA) avait été viré de cette fonction par le pape pour avoir participé à un raout sur la terrasse de la Préfecture des affaires économiques du saint-siège. Raout organisé par Francesca Chaouqui pour fêter joyeusement la double canonisation des papes JeanXXIII et Jean-paul II.
La fiesta, à laquelle participaient 150 personnes, qui coûta 18 000€, vit Vallejo Balda distribuer des hosties consacrées qu’il avait mis dans un verre à whisky.
De quoi provoquer une sainte colère du pape François !
De quoi aussi ruiner les espoirs de ce poulain de l’Opus Dei de diriger le Secrétariat économique, créé par François pour superviser et contrôler tout le système économique du saint-siège. De là à voir dans ces fuites la vengeance d’un ambitieux déçu, il n’y a qu’un pas que tout complotiste digne de ce nom franchira.
La belle et jeune italienne, d’origine égyptienne, Francesca Immacolata Chaouqui avait été désignée par le pape pour faire partie de l’équipe de huit experts chargés de purger les comptes du Vatican. Cette avocate de 32 ans était la seule femme et seule italienne du groupe.
La Chaouqui, comme disait la presse, s’était surtout distinguée, non pour son expertise en audits financiers, mais par ses touites assassins. En particulier envers l’ex-secretaire d’état, le Cardinal Tarsicio Bertone. Ainsi affirmait-elle « je crois en l'église une, Sainte, catholique et apostolique. Quelqu’un devrait peut-être rappeler cet acte de foi à Bertone » et, dans un autre touite posté après la démission de Benoît XVI, elle dit: "Bertone l’a emporté. J'étais sûre qu'il ne le ferait pas, mais il a tiré la nappe. En tant que fidèle je suis simplement déçu". Dans d’autres messages, elle dit que Bertone est corrompu, elle assure que Benoît XVI est atteint de leucémie ou que Tremonti, un ex-ministre des finances de Berlusconi, est gay.
Mais le plus étonnant dans le choix de cette dame par François, est qu’elle s’est félicitée de la sortie du précédent livre de Nuzzi, ‘Sa Sainteté’, nourri par les fuites du majordome du pape, Paolo Gabriele. Elle avait félicité l’auteur en disant qu’elle était fière de lui. Elle fut même soupçonnée d’avoir servi d’intermédiaire entre le majordome et Nuzzi !
Dans un portrait d’un site catho espagnol, Lucio Ángel Vallejo Balda est présenté comme un prêtre d’abord agréable et à l’hospitalité exquise. Né le 12 juin 1961, il a hérité des prénoms de ses deux grand-pères, l’un Lucio, rouge, fusillé par les franquistes, et l’autre Ángel, azul, franquiste. Dès son plus jeune âge, il voulait être curé. Il entre au petit séminaire à 8 ans ! Il s’affilie à l’Opus Dei via la Fraternité sacerdotale de la sainte-croix.
Ce Docteur en Théologie devient curé de villages - Pedralba de la Pradería, Calabor, Rihonor, Santa Cruz de Abranes y Lobeznos – du diocèse d’Astorga. Mais trois ans après, l’évêque le nomme économe du diocèse, le plus jeune d’Espagne à ce poste. Il a donc à gérer les recettes, dépenses et investissements de ce diocèse peu peuplé mais vaste qui compte 250 curés, 960 paroisses et 1500 églises ou chapelles. Le dynamique économe collabore aussi avec la COPE, radio très réac de l’épiscopat espagnol, avec une chaîne de télé locale et supervise directement 13 paroisses.
Le brillant jeune homme a failli voir sa fulgurante carrière capoter dans un des premiers scandales de l’époque Aznar. En effet, à l’été 2001, il avait vu s’évaporer 300 000 euros placés dans une officine financière des plus douteuses, Gescartera. Plusieurs diocèses avaient été pris au piège des offres de rendement affriolantes. L’église espagnole a englouti dans ce gouffre financier 2 500 millions de pesetas (15 millions d’euros).
Cet exploit financier n’a pourtant pas nui à sa carrière, puisque, malgré ses piètres talents d’investisseur, il s’est retrouvé à présider une sicav, Vayomer, devenue Naujirdam Inversiones, sicav qui gère plus de 7 millions d’euros, placés surtout dans des entreprises espagnoles.
Mais de là à l’appeler à Rome pour être le secrétaire, c’est-à-dire le coordinateur, de la commission chargée des investigations sur les finances du Vatican, il y a là l’impénétrabilité des voies papales. D’autant qu’en bon jésuite, François se méfie de l’Opus Dei. Il le doit sans doute à la recommandation de Rouco, cardinal et archevêque de Madrid à l'époque, pour avoir contribué à la réussite des JMJ 2011.
Les corbeaux et les chacals
Il est surprenant, estime l’éditorialiste de La Stampa, que tant d’attention soit accordée au profil de ces présumés “corbeaux”, jusqu’à en éclipser le fond de l’affaire : la gabegie du Vatican. C’était déjà le cas en 2012, avec la première affaire VatiLeaks, dont on a plus retenu le vol de documents par le majordome du pape que le scandale qu’ils ont mis au jour.
"Quand on est un laïc comme vous et moi, on cherche à simplifier entre les "bons " et les "méchants ", les "rouges " et les "noirs", etc. Voilà sept ans que je m’intéresse au plus petit Etat du monde. Le Saint-Siège est le terrain idéal pour les doubles voire les triples jeux. Les camps et les alliances sont mouvants, se font et se défont au gré d’intérêts parfois obscurs pour les non-spécialistes. Disons qu’il y a d’un côté le pape et les experts laïcs et religieux dont il s’est entouré pour réformer l’Eglise, et de l’autre le système curial qui s’oppose à François par des moyens légaux, comme l’inertie, et des moyens illégaux, tels que les vols ou l’intimidation."
Gianluigi Nuzzi (entretien au Monde 04/11/2015)
Le trou noir du denier de l’église
"Au cœur même de l’église, il existe un trou noir que François découvre au milieu de beaucoup de difficultés : une mauvaise gestion qui se transforme en escroquerie et en machination. (…) il parviendra à acquérir la certitude que les fonds destinés aux indigents servent à couvrir les frais de la curie. L’argent que les catholiques du monde entier envoient au Vatican pour (…) des œuvres de charité (…) est utilisé pour combler les déficits financiers dus à certains cardinaux et aux hommes qui contrôlent l’appareil bureaucratique du saint-siège. (…)
L’exemple le plus scandaleux nous est offert par le Denier de Saint-Pierre [en principe destiné à des œuvres de charités pour les déshérités]. Dans les faits, les offrandes destinées aux pauvres demeurent à ce jour un véritable trou noir : (…) l’on se contente d’un simple compte-rendu sur les sommes encaissées (…). [Plus de la moitié des offrandes des fidêles (58% au moins) vont dans les caisses de la curie et 12,4% restent inutilisés]."
Extraits des Bonnes feuilles de Chemin de croix _ Le Monde 04/11/2015
Son éminence révérendissime monseigneur Giuseppe Sciacca, le rapace
Les bonnes feuilles du Monde nous content aussi un épisode croquignolet. Giuseppe Sciacca, ce membre de la nomenklatura vaticane, logé gratuitement dans un vaste appartement, se sent cependant à l’étroit pour organiser cocktails et dîners. Il profite donc de l’hospitalisation de son voisin de palier, un doux prêtre très âgé, pour faire percer le mur de séparation des deux logements et accaparer une pièce, faisant murer la porte qui donne sur les reste du logement de son pauvre voisin.
Car dans “les documents que ce drôle de couple a fait circuler, (…) l’on découvre que le Vatican possède 4 milliards d’euros de patrimoine immobilier rien qu’à Rome et que des flots d’argent récolté à des fins caritatives ont servi à financer la belle vie de quelque cardinal”. Si je peux me permettre, glisse l’éditorialiste, de la Stampa “au lieu de chercher à mettre les corbeaux en cage, le Vatican ferait mieux de se débarrasser des chacals”.
L'impuissance du pape
Car, comme l’analyse Le Monde du 04/11/2015, ce que décrit Nuzzi c’est le violent affrontement entre le pape, aidé d’une petite équipe d’ecclésiastiques et de laïques, et une administration vaticane jalouse de ses prérogatives, assise sur ses petits secrets et ses grands privilèges.
Au-delà de la description des dysfonctionnements de l’administration vaticane, c’est bien une impression générale d’impuissance qui se dégage du livre : quoi qu’il entreprenne, quelle que soit la volonté qu’il déploie, Jorge Bergoglio ne parviendrait pas à avoir prise sur elle.
"Vatileaks": 5 personnes inculpées par la justice vaticane
La double vie du Monseigneur
Le 28 décembre 2014, Monseigneur Ángel Lucio Vallejo Balda perdit sa virginité !
C’est ce qu’il aurait avoué à la gendarmerie vaticane : tentative désespérée du prêtre espagnol pour justifier sa trahison du pape François par la passion pour une femme, se demande El País. Vallejo, 54 ans, aurait donc été dépucelé par Francesca Immacolata Chaouqui, 34 ans.
Il n’aurait fauté qu’une seule fois affirme son avocate Antonia Zaccara : « Mon client s’est repenti, s’écriant “Mon dieu ! mon dieu ! qu’ai-je fait ?”. Mais il était trop tard. Elle a commencé à faire pression sur lui, lui envoyant d’abord de doux messages “Pourquoi ne pas recommencer ? J’ai besoin de tes baisers”, puis devenant plus menaçante “Tu n’es qu’une larve. Tu n’es plus un prêtre et même pas un homme !” A partir de là et jusqu’à son arrestation il a vécu terrorisé, convaincu que la mafia était sur ses traces. »
L’avocate d’expliquer que monseigneur Vallejo repoussait les avances de Francesca Chaouqui, car entre elle et lui, s’interposait l’image du pape lui disant qu’on ne touche pas à une femme mariée. Mais la perfide l’a assuré qu’elle appartenait aux services secrets et que son mariage était juste une couverture. Et c’est ainsi qu’un 28 décembre il a cédé à la tentation devenant l’otage de la séductrice.
L’avocate ne peut nier que le prélat a fait fuiter des documents puisque la gendarmerie vaticane a saisi deux ordinateurs et deux téléphones bourrés de preuves, mais elle veut convaincre que, dans son esprit, il n’avait jamais voulu trahir le pape.
Mais en dehors de Francesca, le monseigneur, depuis son arrivée au Vatican avait montré une forte propension pour la fiesta et la belle vie. Et lorsque les gendarmes ont analysé ses téléphones ils ont eu un aperçu édifiant de ces excès mondains. Pas de peine non plus à découvrir ses relations avec les deux journalistes impliqués dans ce Vatileaks II ! « C’est vrai, a admis son avocate, son arrivée à Rome a provoqué une grande euphorie, une impression d’importance, une sorte de délite de toute-puissance ». Ainsi était-il persuadé qu’il serait immédiatement nommé évêque : à peine arrivé au Vatican il était allé chez un célèbre tailleur pour se faire couper des vêtements épiscopaux.
« Pendant qu’ils y sont, ils n’ont qu’à dire que j’appartiens à la mafia chinoise » a rétorqué Francesca Immacolata Chaouqui qui n’apprécie pas qu’on lui donne le mauvais rôle dans ce film qui tient plus de la comédie que du drame. « Mais le plus étonnant est qu’on m’accuse d’avoir séduit monseigneur Vallejo. Il est vrai que nous étions dans le même hôtel à Florence. Mais il dormait avec sa mère ! ». Chaouqui accuse Vallejo d’être le seul auteur des fuites, mais ne croit pas qu’il l’ait fait pour nuire à l’église. Et elle prévient que ces révélations ne représentent que 20% des scandales du Vatican.
Il y aurait donc du grain à moudre pour un vatileaks III !
NB Les trois photos de Vallejo sont tirées de ses téléphones : la 1ère est une bizarre - et prémonitoire - mise en scène où il est enchaîné dans une geôle ; sur la seconde il feint de conduire une décapotable ancienne ; quant à la 3e elle montre qu'il ne buvait pas que du vin de messe (tiré d'El País)
Pour compléter
Un entretien avec Francesca Chaouqui : Vatileaks 2 : "J'aurai dû tout raconter au pape François"
commenter cet article …