Lettre ouverte à Delfeil de Ton
« J’irai cracher sur son cadavre, encore chaud ! », ainsi pourrait-on titrer votre « hommage » à Charlie*. Hommage qui est d’abord célébration de vous-même, pionnier de la 1ère version de Charlie aux temps pompidoliens. Occasion de rappeler votre amitié pour Cavanna et pour Wolinski.
Mais de là à opposer Wolinski, le tendre, l’amoureux de la chair et de la vie, au mortifère Charb, de l’accuser presque de ce massacre, il y a le pas de l’abjection que vous n’hésitez pas à franchir.
Car il a dû vous échapper que Georges Wolinski, contrairement à vous, continuait de participer à Charlie-Hebdo. Donc à ses choix éditoriaux, et particulièrement des UNES. Assez bizarrement, dans vos souvenirs de glorieux ancien, vous n’évoquez pas un autre dessinateur, un certain Cabu, que vous avez dû pourtant côtoyer et à qui l’on doit le magnifique « C’est dur d’être aimé par des cons ».
Que tel dessin de Charb (ou de Luz, ou de Cabu, ou de Coco) vous paraisse raté et de mauvais goût, voire inutilement provocateur soit. La liberté d’expression, dont se revendique Charlie, est aussi la liberté de le critiquer. Que le Figaro s’en réjouisse, ne peut pas faire oublier que Charlie – et Charb en premier – conchiait le journal de Dassault ! Et qu’il est peu probable que Rioufol et consort aient célébré la UNE où Cabu clamait « Aux chiottes toutes les religions ».
Et l’abjection va jusqu’à accuser explicitement Charb – « Je t’en veux vraiment » - d’avoir provoqué la mort de Wolinski, « Wolin qui préférait vivre ». Cela en amputant une citation où Charb dit, un peu bravache, qu’il préfère mourir debout que vivre à genoux !
* "Fais-moi mal, « Charlie »" Delfeil de Ton, L’OBS 14/01/15
commenter cet article …