Une quiche vert bobo peut-elle poser une question pertinente ? La réponse est oui, on ouvre l’enveloppe and the winner is… Cécile Duflot !
La question sur le cannabis vient tout au début de l'entretien
Que la ministre du Logement soit dévorée d’ego et de « télé-addiction » en fait un être politique normal. Qu’elle flingue son gouvernement avant législatives sans se faire virer sur le champ montre la fragilité de accord électoral PS-EELV. Pourquoi parler du cannabis et de sa légalisation, en provoquant un bal des faux culs tous partis confondus ? Par le goût de se montrer à son public néo-baba ? Peu importe. La question mérite examen, même si elle n’est pas vitale politiquement.
Que veut dire « légalisation » du cannabis ? Quelle différence avec « dépénalisation » ? Si son commerce était légal, vendeurs et acheteurs ne seraient pas poursuivis ? L’état français s’attribuerait l’autorisation et la taxation du produit, comme pour l’alcool, le tabac et les médicaments ? Ou délèguerait-t-il le commerce au privé, comme dans les « coffee shops » néerlandais, d’ailleurs remis en question ? Mais qui achèterait le cannabis, et à qui ? Qui le conditionne et le met en vente ? Qui en fixe le prix TTC ? Qui en contrôle les effets sanitaires et les fraudes ?
QUESTION DE QUALITÉ
Il y a au moins deux aspects : la morale et la réalité. Pour le premier, quasi-unanimisme : la drogue est mauvaise. Sauf celle qui est autorisée et chère : tabac, alcool, psychotropes, graisses saturées, glucides et régimes à la con, qui font partie « under control » du monde officiel et rentable.
Cultures en terrasse dans le Rif
Le cannabis est-il plus mauvais pour la santé ? Les professionnels de la profession disent oui. Je ne sais pas. Après avoir consommé pendant plusieurs années, et quotidiennement, du kif marocain, je m’estime à un degré de dégradation mentale compatible avec la moyenne nationale (française, évidemment). J’ai arrêté pour ne pas finir ruiné, les prix français m’étant hors de portée pour un produit correct. Évidence méconnue : la mauvaise qualité n’est pas bonne. Ce qui est vrai pour les hamburgers et le poisson pané l’est pour le cannabis, la cocaïne et le reste. Comment assurer la qualité dans la clandestinité ? La réponse de Guéant et Valls est abstinence et répression. What else, dit le (dangereux) café Clooney, au prix exorbitant.
UN BOULOT COMME LES AUTRES ?
Policièrement, c’est intéressant. Les centaines de keufs qui passent du temps à choper quelques barrettes de shit pour les refiler ensuite à leurs indics (politique du chiffre oblige !), seraient mieux employés dans le vrai renseignement judiciaire, comme les braquages de transports de fonds ou l’anti-terrorisme.
Socialement, ça se discute. Si on légalise la vente du cannabis, avec ou sans monopole d’État, comment vont se nourrir les milliers de familles qui vivent du trafic, entre les gamins qui font les « choufs », les cousins qui dealent et les mamans qui font les paquets ? Une anecdote : dans les années 90, les flics saisissent près d’une tonne de shit dans une cité de Saint-Denis 93. Les jours suivants, des dizaines de mères de famille sans ressources officielles squattent le bureau d’aide sociale de la mairie pour demander des secours, en cash et tout de suite. Les flics ont arrêté le massacre, à la demande officieuse des élus. Le chômage et la déqualification étaient déjà là.
Autre question sociale, l’aggravation potentielle des trafics. Les dealers de cannabis vont-ils se recycler avec enthousiasme dans la formation professionnelle pour toucher peut-être le Smic en conduisant un chariot chez Auchan, après avoir gagné 150 euros par jour en matant les entrées de cité ? Ou vont-ils se convertir à des activités plus rentables comme le trafic d’organes humains, de Kalashnikov, de putes moldaves ou nigérianes, déjà existantes mais moins développées, ou même de coke fumable et de molécules de synthèse, beaucoup plus dangereuses (et chères) que le shit ?
MORT AUX IRRESPONSABLES !
Sur le fond, l’interdiction est aujourd’hui une vision de société. Nous devons beaucoup à toutes les bonnes âmes, droite et gauche mêlées, qui veulent le bonheur du peuple volens nolens, citant à tout va mai 68, l’amour de la vie, l’éducation des enfants, la croissance non productiviste et le principe de précaution. Vous ne vous rendez pas compte que vous avez dépassé les 130 km/h sur autoroute par temps sec et faible trafic ? Trois points en moins, misérable déviant ! Vous avez consommé chez vous et sans modération une bouteille de Chablis sans penser à l’exemple désastreux que vous donnez à vos enfants ? Honte à vous, père indigne ! Étonnez-vous si vous en faites des drogués ! À moins de tuer préalablement votre famille par tabagisme passif !
Vous avez des problèmes de nerfs et de sommeil ? Prenez des benzodiazépines, légales et remboursées ! Ce n’est pas comme votre cannabis, qui détruit les neurones en rendant euphorique ! Vous avez lu « Le nom de la rose » ? Vous avez compris que le rire et la joie sont la mort de la morale sociale ?
Dans le papier « Légalisation du cannabis, sujet tabou ? », à côté d’éléments pertinents, je ne partage pas la proposition « de réunir, dans un climat politique serein, des commissions de consensus* » pour discuter de tout ça. Quand a-t-on vu pour la dernière fois un tel climat ? Plus grave, qui sont les membres de cette commission qui vont décider de ce que je peux fumer, boire, ingérer et penser ? Je revendique la liberté d’information, qui m’avertira si je le souhaite des risques encourus dans l’état actuel de la science. Je revendique la liberté de pensée et d’action, si je ne porte préjudice à personne. Un fait me rassure : les Khmers verts, végétariens buveurs d’eau, moralistes implacables, finissent par mourir, et pas forcément centenaires. C’est rassurant.
Gilbert Dubant
* Note du déblogueur : Pour le moment, la consommation de cannabis est - en principe - prohibée, donc une commission de consensus tentant de faire des propositions sur ce sujet ne peut pas faire "pire" que de maintenir le statu quo et, au "mieux" permettre, sans l'imposer bien sûr, la consommation d'un produit aujourd'hui interdite. Mais de telles commissions pourraient aussi se pencher sur d'autres questions de société, comme les "mères porteuses", l'euthanasie, qui, pour le moment, ne donnent lieu qu'à des échanges caricaturaux
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