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9 août 2008 6 09 /08 /août /2008 15:48

Le seul Léotard que j'ai croisé était « Léotard, le vrai », Philippe, l'acteur, le chanteur, dans un quatre pentes sur l'autoroute, visage ravagé par l'alcool, mais avec un regard bouleversant. L'autre, l'UDF, ne gagna une vague estime que quand il se retira de la vie politique. Mais qui n'alla pas jusqu'à lire son livre sur celui qu'il tutoie et pour qui il a voté. A tort. Car ces quelques courts extraits, dans une langue ciselée, sont d'une lucidité extrème.

« Ça a débuté comme ça. Une élection, une fête, du Champagne. Et du chiffre d'affaires au mètre carré. C'était pétillant. Je n'allais pas bouder mon plaisir puisque j'avais voté pour lui. [...] Naturellement mon côté gaulliste avait quelques regrets. La France prenait des allures de grande surface, et parmi les candidats mon produit était en tête de gondole. La publicité et les promesses s'accompagnaient l'une l'autre comme deux petites voleuses qui font les sacs à main. Ensemble tout était possible. J'étais heureux qu'on soit ensemble. C'est étonnant comme on aime à croire ce qui n'est pas croyable.

Il a fallu plusieurs mois pour entendre parler de faillite. L'homme de Matignon, Mon* le velouté, s'était laissé aller. Faillite ! C'est un mot que l'on aurait aimé entendre au mois de mars, avant l'élection... Au moment des giboulées. On s'y serait fait. Moi, je pensais à Churchill : "Je n'ai à vous offrir que de la sueur, des larmes et du sang." Et Londres bombardée tous les soirs. Nous, on allait très bien. Merci. La dette faisait à peu près l'équivalent du budget de l'Éducation nationale. Les intérêts seulement ! Pas le capital. Je me disais : ça va être bien. On pourra faire deux fois plus de lycées... Il suffira de rembourser ce que nous devons, de revenir à l'équilibre et le tour sera joué ! D'autres le font autour de nous. C'aurait été une promesse de grande qualité. Un millésime rare au rayon de l'œnologie politique. J'avais oublié que la dette, c'est comme la morphine : du bonheur immédiat ! On a donc choisi la béatitude. [...] Dès le lendemain on ne fut pas déçu : la retraite monastique bercée par le clair de lune sur un scénario de Fitzgerald, le clapotis des flots au large de Malte, puis aussitôt après le déferlement des milliardaires, la chasse aux nigauds baptisée modestement "ouverture", les infirmières bulgares, le drapeau tricolore relooké par Prada, les intermittences du cœur sous les ombrages de la Lanterne, un gouvernement tétanisé par les engueulades, les escapades à Saint-Tropez, enfin les bien-aimés du pouvoir, le gratin du Bottin mondial : Chavez, El-Assad, Kadhafi, Poutine... les cancres du passage en terminale de la démocratie. Je commençais, petit à petit, à bouffer mon bulletin de vote.

[...] Sarkozy, c'est Glenn Gould en moins délicat. Il joue avec les mots sur son piano. Un artiste. Comme l'interprète canadien, il accompagne ses partitions de soupirs, de mouvements du visage qui donnent à la pièce jouée la permanente allure d'un chef d'œuvre. Mais ce n'est pas du Bach. Prenons l'exemple de ses rapports avec la police. Ils ont séduit une droite qui ne plaisante pas avec ces choses-là, ils ont alimenté ses nombreux discours, et sans doute, comme pour tous les enfants, marqué son parcours. Voilà une institution qu'il aime. Il s'y plaît. [...] Sarkozy ne parle pas de la police. Il est la police. Il est l'ordre. L'ordre seulement, mais l'ordre complètement. Sa doctrine est faite : les loubards des banlieues n'ont pas de problèmes sociaux, ni de logement, ni de culture, ni d'emploi. Les pédophiles n'entrent pas dans la catégorie de l'acquis mais dans celle de l'inné, les récidivistes que la prison a largement amochés doivent y retourner le plus vite possible. Ils ont été jugés ? Aucune importance. Pour le même délit, déjà purgé, on va inventer 'un suivi' en milieu fermé, c'est-à-dire une deuxième prison qui s'ajoute à la première, mais sans jugement. A quoi bon ? C'est l'Etat qui doit décider, c'est-à-dire l'exécutif, c'est-à dire la police. Il semble que notre président n'ait lu ni Tocqueville, ni Montesquieu, ni Benjamin Constant, il semble que la séparation des pouvoirs lui soit une énigme. Si l'on rend la justice Place-Beauvau, ce sera plus rapide. Et surtout plus près de l'Élysée. [...] On se souvient qu'il répétait volontiers qu'on ne faisait appel à lui que dans les moments désespérés. Alors il arrivait, soulevait le RPR et l'exaltait en quelques jours, redressait le budget de la nation, rendait à la police la confiance qui lui manquait. [...]

C'est vrai, on aurait dû se méfier. Dans le monde sauvage des animaux politiques, il ne faut pas être sur le passage d'un prédateur. Je le sais, j'ai traversé imprudemment la savane. Chirac était un carnassier débonnaire. Avec lui, on était mort, mais c'était sans rancune. Chacune de ses victimes, antilope déchiquetée et consentante, devenait digne d'une amitié nouvelle définitivement inoffensive. Avec Sarko, c'était différent. Le fauve avait - si l'on peut dire - une mémoire d'éléphant. Un jour, me parlant justement de Chirac, il m'avait dit : "François, n'oublie jamais ceci : je suis fidèle à mes ennemis." J'en ai encore froid dans le dos. L'ouverture n'a rien changé à cela.

      Elle donne à la victime un côté comestible qui la fait s'aplatir avec une docilité déconcertante. La douceur de Jack Lang dans ses approches concentriques du pouvoir fait penser aux roucoulements des pigeons qui ne voient pas, dans la casserole, les olives dont ils seront bientôt entourés. [...] Et je crains que la belle histoire qui nous est racontée du haut de Élysée ne se termine mal. Parfois je ne peux empêcher un certain malaise de venir en moi. J'essaie de le chasser et il revient. Je prends un livre et ça revient de plus belle. [...] Depuis que tu es à Élysée je suis inquiet. Qu'est-ce qui t'a pris exactement ? Je lis dans un journal que désormais la police française arrête des enfants... J'ai suivi avec consternation le morceau de Grand-Guignol qui t'a mis dans les bras de Kadhafi... J'apprends que tu as une « plume » qui te fait dire des bêtises... Il paraît que tu n'écoutes plus ceux qui t'entourent... Tu aurais même traité mon ami Martinon d''imbécile"... Et ce pauvre Mon* avec ses beaux yeux de labrador... C'est pas bien tout ça, Nicolas. Je te le dis parce que nous avons grandi ensemble. [...] Et puis ces histoires d'ADN pour le regroupement familial, ce n'est pas toi ! Tu t'es fait déborder par quelques malades de l'UMP. Des frénétiques... [...]

Tu as eu raison de citer Guy Môquet. Cette jeunesse-là, intacte et fervente, qui s'abat d'un seul coup, laissant derrière elle le grand silence du courage, cette jeunesse-là, elle est belle et sans doute plus belle que la nôtre... J'aurais aimé qu'à côté de Guy Môquet tu cites Aragon, celui de 'l'Affiche rouge'. Parce qu'il parle de Manouchian et que le poème d'Aragon est lové dans l'écriture de la dernière lettre du futur fusillé. Pourquoi dis-je cela ? Parce que ces étrangers "mais nos frères pourtant" ont davantage honoré la France que ces "bons Français" qui tranquillement la salissaient à Vichy. Parce que ce sont souvent des étrangers qui ont aimé notre pays plus que nous ne l'avons fait. Parce qu'ils portaient "des noms difficiles à prononcer", parce qu'ils considéraient que peut-être dans le mot France il y avait un désir de droit et - qui sait - une résistance cachée. »

 

"Ça va mal finir", par François Léotard, Grasset, mars 2008.

* "Mon" : François Fillon

Images empruntées à sarkostique

 

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28 octobre 2007 7 28 /10 /octobre /2007 11:06

Pour compléter le message précédent, je reçois un courriel qui rappelle que la liste des 27 otages, dont G. Moquet, a été établie par Pierre Pucheu Ministre de l'intérieur de Pétain. Pucheu qui était aussi le grand patron des forges françaises (ancêtre de l’actuelle Union des industries métallurgiques et minières, UIMM, célèbre pour sa caisse noire anti-grève de 600 M. d’€uros) qui, dans les années 1930, finançait les ligues fascistes, les Croix de Feu, ainsi que la Cagoule, et qui en 1936 au moment de la signature des accords Matignon disait : "Si les salariés veulent gagner plus, ils n'ont qu'à travailler 50 heures par semaine." Ça ne vous rappelle rien ?

 

Le journal de l'amicale des fusillés de Châteaubriand explique comment le choix fut fait :

« La chose la plus terrible est que la liste des fusillés fut établie par les français et que c'est un officier qui fit l'appel. […]

Celui qui, à travers tout un jeu subtil d'ajouts et de retraits successifs, choisit des cibles humaines pour les balles allemandes, […] Pierre Pucheu […]  continue de se conduire en grand commis de la haute finance et, très logiquement, c'est une majorité de communistes et plus spécialement de dirigeants syndicaux connus pour leur popularité dont il saisit l'occasion de se débarrasser.

Nous ne devons pas oublier que Pucheu et ses amis de la haute finance, disaient et écrivaient "Mieux vaut Hitler que le Front populaire" »

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27 octobre 2007 6 27 /10 /octobre /2007 22:02

Laissons de côté, un moment, ce règlement de mécomptes – quelle idée d’ailleurs de démarrer sur une note aussi négative ?

Revenons sur un sujet qui a fait couler beaucoup d’encre (virtuelle souvent) la lettre de Guy Moquet. Fallait-il la lire ou pas ? Le principal honoraire (j’aime cet honoraire) que je suis ne tranchera pas.

En revanche, il s’étonne que le porte parole de l’Elysée ait osé prétendre que cette lecture était obligatoire. Eût-il regardé, un tant soit peu, un site comme « Légifrance » qu’il eût appris qu’une circulaire n’avait aucun pouvoir réglementaire. Seuls lois, décrets et arrêtés ont ce pouvoir.

 

Maintenant, face à cet « ordre » quelque peu infantile du Président qui nous gouverne (constitutionnellement faux, mais objectivement vrai), j’eusse été tenté de lire – ou plutôt de faire écouter – « L’affiche rouge » d’Aragon (avec aussi quelques précautions contextuelles) en insistant sur ces vers :

Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L'affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants

 

Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient le cœur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant

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