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11 juillet 2011 1 11 /07 /juillet /2011 15:38

terra-novaLe 10 mai 2011, date symbolique, Terra Nova, laboratoire d’idées qui se veut « progressiste », publie un essai Gauche : quelle majorité électorale pour 2012 ? signé Bruno Jeanbart, Olivier Ferrand, Romain Prudent.

 

Terra Nova avait lancé, dès août 2008, l’idée d’une primaire à la française, idée reprise par A. Montebourg et, finalement, adoptée par le PS. Pour autant, les travaux de cette fondation indépendante n’engagent pas le PS. Ainsi, un rapport favorable, sous conditions strictes, aux « mères porteuses », bien que proche d’une proposition de loi déposée au Sénat par, entre autres, Robert Badinter, a été rejeté par le PS.

 

Proche du PS si l’on veut, mais ne parlant pas au nom du PS. Distinguo trop subtil, pour les marxo-UMPistes (branche aussi marxiste que Wauquiez est social), qui dénoncent une gauche « qui abandonne les classes populaires ». « Les socialistes ont définitivement perdu leur boussole. A moins d’un an de l’élection présidentielle, ils en sont toujours à s’interroger sur la pertinence même de se préoccuper des classes populaires... La gauche de DSK ou de Ségolène n’est décidément plus celle de Jaurès. Nicolas Sarkozy l’avait compris bien avant eux. »

Le Président des riches donnant des leçons de socialisme, ils ne reculent devant rien nos comiques UMPistes. On découvre d’ailleurs parmi les signataires des secrétaires nationaux aux attributions surprenantes : chargée des nouveaux engagements solidaires , en charge de l’égalité des chances, à la lutte contre les discriminations, à la lutte contre la précarité et la pauvreté, à la vie étudiante et l’entrée dans la vie active, et le très incongru en charge de la protection des riverains et de la lutte contre les nuisances aéroportuaires. Cette attaque du rapport est daté du 13 mai, date très symbolique aussi, mais dont la plupart des signataires doivent ignorer à quoi elle renvoie. Bien sûr, derrière ces illustres inconnus (Badat, Bedin, Fanfant et les autres), il y a Copé à la magouille manœuvre ? 

 

Elections - urne verte 0O. Ferrand (président fondateur de Terra Nova) rappelle que les Français précarisés sont « en butte à la vindicte populiste du FN et d’une UMP radicalisée. Sous les coups de boutoir du sarkozysme, le virus anti-assistanat a métastasé au sein de la société française. Les chômeurs sont devenus des « assistés », des «profiteurs », des « fraudeurs » […] Dans cette logique néoconservatrice, les Français déclassés ne doivent pas être aidés car ils sont responsables de leur sort. […] Laurent Wauquiez l’a à nouveau martelé cette semaine : 466 euros de RSA-socle pour survivre, c’est encore trop. […] Ces milieux populaires déclassés sont aussi attaqués dans leur identité. Ce sont les «jeunes » fainéants, la « racaille » de banlieue… Et naturellement les Français d’immigration récente. A ceux-là, on fait comprendre qu’ils ne font pas partie de la communauté nationale. Que leur religion allogène n’a pas sa place dans la République. »

 

Ferrand garde toi à droite, Ferrand garde toi à gauche.

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C’est à peu près le même discours que va subir Terra Nova à sa gauche. Ne parlons pas des excités qui, n’ayant pas lu une ligne du texte, jettent l’anathème par principe sur cette fondation liée disent-ils à DSK.

Frédéric Sawicki (Le prolo, l’expert et le mépris de classe Libé 10/06/11) fait d’abord un rapprochement hardi avec les syndicalistes révolutionnaires et les anarchistes de la Belle Epoque qui, trouvant l’ouvrier embourgeoisé fondaient leurs espoirs sur le lumpenprolétariat : «Les sans-métier, les sans-travail, trimardeurs, filous, prostituées, déclassés sont les révolutionnaires de demain».  « L’analogie avec la philosophie qui inspire le rapport «Gauche : quelle stratégie pour 2012 ?» est frappante. » ajoute-t-il. Et qui forme ce lumpenprolétariat actuel ? «ceux qui cherchent à rentrer sur le marché du travail, mais n’y parviennent que difficilement : les jeunes, les femmes, les minorités, les chômeurs, les travailleurs précaires ». « Ce qui choque au premier chef est l’incompréhension et pour tout dire le mépris des classes populaires qu’il trahit. » Car pour lui tous ceux qu’il a assimilé de fait au lumpenprolétariat, ne font donc pas partie des classes populaires. Cependant,  Sawicki va ensuite nuancer son propos, concédant « que la classe ouvrière ne soit plus ce qu’elle n’a jamais été (une classe unifiée consciente d’elle-même porteuse de progrès) » Mais au-delà de la polémique propre à ce genre de tribune, il émet des doutes méthodologiques sur les « groupes sociaux » («les diplômés», «les femmes», «les jeunes»…), et note que « le sentiment d’insécurité sociale et le mal-être que génèrent leurs conditions de vie exacerbent d’autant plus les petites jalousies et haines sociales qu’ils sont habilement instrumentalisés par la droite et l’extrême droite et que la gauche ne sait y répondre. »

 

Diabolisé à droite et à gauche que dit donc ce sulfureux rapport ?

 

Il part d’un constat : la classe ouvrière diminue en poids et en conscience de classe. 37 % des actifs en 1981, 23 % aujourd’hui.

L’ouvrier mythique des années 50, cégétiste en bleu de travail – ceux de Renault par exemple qui arrachent la 3e semaine de congés payés (généralisée en 1956) – est un souvenir. Deux ouvriers sur cinq sont dans le secteur tertiaire (chauffeurs-livreurs, manutentionnaires, magasiniers…), isolés, non syndiqués. Et si, comme le rappelle justement Sawicki, les ouvriers ont majoritairement voté Royal au 2e tour, le pourcentage de votes à gauche s’effrite et le vote FN se consolide.

 

Les constats sur les votes dans les quartiers populaires, le vote des jeunes, des diplômés et la tendance du vote des femmes à se gauchiser sont avérés. A l’inverse celui des plus de 65 ans, de plus en plus lourd avec le vieillissement, est très majoritairement à droite : Sarko a été élu par les vieux.

 

Cette synthèse d’études électorales diverses est utile à toute la gauche.

 

Après on peut disputer des pistes que propose Terra Nova pour gagner l’élection de 2012. Le rapport ne dit pas qu’il faut abandonner la classe ouvrière. Il priorise l’action vers ceux qu’il nomme outsiders, les précaires en tout genre. Il préconise un travail de fourmi pour faire baisser l’abstention dans les quartiers défavorisés (ils votent à 80 % à gauche, mais combien votent ?).

 

Sur les constats –sauf contestation des chiffres – le consensus peut se faire. Sauf à noter qu’il fait l’impasse sur l’analyse des évolutions dans le secteur public qui, à part l’armée et la police, faisait partie du socle de gauche.

Sur les préconisations, le débat est ouvert. Terra Nova insiste beaucoup sur les valeurs culturelles - solidarité, ouverture, tolérance -  qui permettraient de fédérer  les outsiders, les diplômés et les classes intermédiaires. Il fait donc passer les valeurs socio-économiques au second plan.

 

Mais ce débat est difficile à mener pour les manichéens. Ainsi Sawicki feint-il de croire que Terra Nova fait des insiders le nouvel ennemi de classe, comme si mettre en relief l’exclusion, la précarisation, la stigmatisation des outsiders n’avait pas pour but d’offrir à tous la possibilité de s’inclure.

 

 

Parmi les travaux variés de Terra Nova (il y a même un essai sur l’avenir du foute), on peut noter :

L'accès au logement : une exigence citoyenne, un choix politique 

Les politiques de lutte contre la pauvreté : l'assistanat n'est pas le sujet 

La justice, un pouvoir de la démocratie 

Réformer les retraites : quelles solutions progressistes ? complété par La réforme des retraites  

Investir dans notre jeunesse

 

 

"Les ouvriers d'aujourd'hui ne sont plus ceux de 1981"

Quel peuple pour le PS ? Autain, Ferrand et Sawicki débattent.

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Tel était le titre de la dernière émission d’Arrêt sur images. Le chapeau d’introduction était des plus vicelards : « Le Parti socialiste, qui depuis bien longtemps ne compte plus d'ouvrier parmi ses dirigeants, doit-il se détourner de cet électorat, et partir à la conquête d'autres cibles électorales ? »* Or, il ne s’agit, en l’occurrence, que d’un essai de Terra Nova et ce qu’il préconise est beaucoup plus nuancé que la présentation faite par @si. Et faire un essai de synthèse d’analyses électorales pour montrer que le centre de gravité des classes populaires s’est déplacé et donc que le socle électoral de la gauche n’est plus celui de 1981 ne peut être que péjorativement qualifié de marketting.

asi-terranova4 Daniel Schneidermann, qui ne masquait guère son hostilité au fondateur de Terra Nova, fut déstabilisé quand, après un monologue de Ferrand rectifiant la présentation faite de l’essai, suivi d’un autre monologue de Sawicki (avec le classique « Je ne vous ai pas interrompu… » pour stopper net toute intervention de son adversaire), Clémentine Autain, en affirmant qu’elle avait trouvé des choses très intéressantes dans le texte, entama un véritable dialogue, sans langue de bois, avec son voisin. Si bien que, petit à petit, Frédéric Sawiski entra lui aussi dans un échange beaucoup moins stéréotypé et crispé. Il rappelait que l’analyse des votes exprimés ne suffisaient pas et que plus que le glissement du vote ouvrier vers le FN, il fallait noter la montée de l’abstention, il faisait aussi remarquer qu’un fort pourcentage de jeunes et de précaires n’est pas inscrit ou mal inscrit (ne signalant pas un changement de domicile, par exemple).

asi-terranova3 Un « arrêt sur images », montage de quelques séquences, tente d’opposer un Sarkozy visitant des usines avec des ouvriers bien rangés en uniforme (casque jaune et tenue de travail siglé au nom de l’entreprise) et Ségolène Royal dans une usine de sa région  à Jean-Luc Mélenchon lui dans une usine en grève… Sauf que S. Royal était chez Heuliez, usine menacée de liquidation, qu’en tant que présidente de région elle a défendu avec pugnacité et qui redémarrait.

Sur la fin Ferrand est soumis à la question, mais, alors que l’échange entre les trois invités, Clémentine Autain se montrant même intéressée par la sécurisation des parcours professionnel, est serein, le climat créé par les intervenants d’@si devient assez pesant : Ferrand, citant un terme anglo-saxon après avoir utilisé le mot français, subit un ricanement  de la chroniqueuse puis, pour avoir cité G. Collomb, le Maire de Lyon, il a droit, du coup, aux ricanements des trois, tout cela avec un Daniel Schneidermann qui évolue de l’agressivité à la dérision à son égard. 

 

 

* La présentation de l’émission dans le courriel aux abonnés était encore plus caricaturale (« Adieu, cher prolétariat ! Adieu les ouvriers, leurs usines, leurs luttes. Pour espérer gagner en 2012, le PS devrait se détourner du cambouis, et se tourner vers les "outsiders", ces catégories que sont les jeunes, les femmes, les précaires, les minorités des quartiers […] toute démarche politique se réduit-elle à une campagne de marketing ? ») et d’une très relative honnêteté intellectuelle.

 

 

 

 

PS Courrier à Télérama 09/01/14

 

Terra Nova caricaturé

« 2011, (…) un rapport du think tank Terra Nova fait débat : faut-il privilégier les classes populaires ou les minorités visibles, bref, les Blancs ou les immigrés » peut-on lire dans un article sur le “racisme anti-blancs” ("Le racisme anti-blancs, une notion piège ? Idées 08/01/14)

Même les pires détracteurs de Terra Nova  tel F. Sawicki, n’ont été aussi loin dans la caricature. Ce rapport n’opposait absolument pas Blancs (avec majuscule !) à immigrés, mais proposait, dans la construction d’une majorité électorale, de prioriser  l’action vers ceux qu’il nomme outsiders, les précaires en tout genre (jeunes en quête d’un premier emploi, femmes en temps partiels, contraints, etc.). Entre autre il préconisait un travail de fourmi pour faire baisser l’abstention dans les quartiers dits défavorisés. Travail de fourmi qu’Olivier Ferrand, son fondateur, a accompli dans la 8e circonscription des Bouches-du-Rhône, avant de disparaître prématurément. Il ne mérite certainement pas qu’on lui prête de telles niaiseries dans un essai intitulé : Gauche : quelle majorité électorale pour 2012 ?

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