Christophe Carrière, dans un article intitulé « Il était une foi... Des hommes et des dieux », nous décrit la genèse de ce film qu’il dit « touché par la grâce […] protégé ou béni ».
Premier signe divin, le futur réalisateur, à Cannes ne dort pas et tombe sur un documentaire - Le Testament de Tibhirine, d'Emmanuel Audrain – sur la disparition des moines. Tel Saül sur le chemin de Damas, c’est l’illumination, il décide d’écrire un scénario sur la dimension humaine, morale et religieuse de l’engagement de ces clercs. D’autres signes sont perçus par ce mystique critique. Ainsi écrit-il que « Contre toute attente, le projet rencontre une adhésion immédiate [pour son financement]. Certains mettent cela sur le compte de la qualité du scénario, d'autres y voient une volonté divine. »
Les acteurs subissent d’abord un stage dans un monastère savoyard, puis apprennent les chants religieux. « A partir d'une polyphonie, on atteint l'harmonie et, oui, l'élévation », fait-il dire à Lambert Wilson.
« Ainsi, quand l'équipe débarque, à l'automne 2009, au monastère bénédictin de Tioumliline, au Maroc, les acteurs, qu'ils soient catholiques pratiquants, comme Michael Lonsdale, ou agnostiques, comme Jacques Herlin, sont véritablement devenus des moines. A 1 600 mètres d'altitude, il fait un froid de gueux. » Eh oui, les célibataires et les deux couples qui ont logé à Tioum ont subi ce froid de gueux !
Comme l’armée marocaine aurait accepté de voir hisser le drapeau algérien et que leurs hélicoptères soient aux couleurs de l’armée algérienne, il fait encore dire au pauvre L. Wilson « Les frères – entendez les moines de Tibhirine – sont avec nous ».
MIRACLE : il neige à Tioum
Mais le plus fabuleux reste à suivre : « Et puis, au milieu du tournage, survient un énième signe, le plus improbable. Tandis que l'équipe tourne la scène où les terroristes explosent la porte du monastère, il se met à neiger, événement exceptionnel dans la région. ». Un tel miracle a son effet immédiat : le cinéaste qui voulait terminer sur une image des têtes décapitées, contre l’avis du moine qui le conseillait, y renonce : « Après cette tombée de neige, j'ai "entendu'' les frères. » Il est vrai que « Le garçon est un écorché vif et son penchant pour l'alcool n'est un secret pour personne. » avait prévenu le critique.
Ce que semble ignorer notre critique, c’est que le Maroc n’est pas exactement sous les tropiques, qu’à Tioum (1600 m) et même à Azrou(1200 m), il neige presque tous les ans, d’autant que, selon d’autres sources, le tournage n’a pas eu lieu à l’automne*, mais en décembre 2009**. Sait-il qu’il y a, juste au-dessus de Marrakech, une station de ski, comme d’ailleurs il y en a une proche de Tioumliline ? Et comme cinéaste et acteurs étaient en contact, notamment, avec un français, résidant à Azrou depuis des décades (et ayant connu le monastère du temps des bénédictins), ils n’ont pu croire longtemps à un « événement exceptionnel », tenant du miracle.
Mais les plus beaux articles sont ceux d’imagination qui transcendent la réalité triviale.
* Mais on a pu voir tomber de la neige fin octobre… et les coopérants qui ont habité à Tioum pourraient encore témoigner y avoir été bloqué par des congères.
** "En décembre 2009, toute l'équipe se retrouve pour le tournage au Maroc, non loin d'Azrou, dans l'ancien monastère bénédictin de Tioumliline. « Au moment des repérages, j'ai très vite su que c'était le bon endroit, note Xavier Beauvois. Mais il a fallu tout refaire. Il y avait des moutons dans le réfectoire, des détritus partout Des habitants démunis s'étaient réfugiés dans la chapelle. Il y a eu jusqu'à 120 personnes sur le chantier. Nous avons même fait en sorte que les deux familles qui occupaient les lieux puissent y rester après notre départ, dans un logement décent, en étant payés pour en devenir les gardiens officiels. »
À entendre le cinéaste, l'expérience ne fut que grâce et harmonie collective, coups de chance ou « coups de pouce » des moines. Le propos pourrait prêter à sourire s'il n'était confirmé par ceux qui ont vécu l'aventure. Comme si l'esprit de Tibhirine avait soufflé sur le film."
NB Les images du monastère du temps des bénédictins (en noir et blanc) sont issues du fonds de cartes postales de Gilbert Dubant, grand contributeur et néanmoins caustique, de ce déblog notes.
Pour compléter Tioumliline après le tournage
Pour compléter :
"Les cloches de Toumliline"
...Suite : https://www.yabiladi.com/articles/details/77098/maroc-cloches-toumliline-histoire-d-un.html
...Suite : https://www.yabiladi.com/articles/details/77098/maroc-cloches-toumliline-histoire-d-un.html
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