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25 janvier 2016 1 25 /01 /janvier /2016 22:31
Ali, Najat, Moussa et Daech

Procès en sorcellerie envers Najat Valaud-Belkacem : elle n’aurait pas réagi avec la vigueur d’un Clemenceau au moment de l’affaire Dreyfus quand le représentant d’une ONG musulmane a plus que tortillé du croupion pour condamner Daech ! ou parce qu’il aurait refusé de lui serrer la main : les avis divergent.

Or donc, Madame la Ministre de l’Education Nationale était l’invitée du Supplément de Canal +. Elle a dû subir l’interview d’Ali Badou.  Il a dû prendre des leçons chez Aphatie, car il pose des questions mais n’écoute pas les réponses et coupe la parole de son invitée en pleine phrase. Il va même jusqu’à prendre à témoin des lycéens spectateurs pour désavouer la Ministre.

Pour le reste, elle aura droit à un défilé de sacs Vuitton et une rencontre avec un humoriste qui avait interpelé Valls chez Ruquier. Là, évidemment on essaie de la mettre en porte-à-faux avec son martial Premier Ministre. Mais elle évite le piège avec élégance et humour.

Vient donc le morceau de bravoure. Une ONG islamiste ou islamique (selon que vous êtes de souche ou pas) dont un membre est emprisonné au Bangladesh.

Cette séquence est donc censée se préoccuper du sort de Puemo Tchantchuing, alias Moussa, qui, alors qu’il se préoccupait de la situation de réfugiés Rohingyas au Bangladesh – une minorité musulmane persécutée par des boudhistes en Birmanie – a été arrêté, libéré, puis réincarcéré, sans que les motifs soient clairement indiqués.

Pour l’illustrer un reportage est fait au cœur de l’association. Mais elle porte moins sur les actions de l’ONG que sur la suspicion dont elle peut être l’objet – perquisition – ou son fonctionnement assez sexiste. Et son représentant, aussi bien dans le sujet que sur le plateau a le louque idéal pour donner des boutons à tous les identitaires.

« Pas tibulaire mais presque » aurait dit Coluche. Barbe ostentatoire, crâne rasé (ou coiffé d’un tarbouche blanc dans le reportage), vêtu à la pakistanaise avec, par dessus, un parka de l’association. On apprend qu’il a refusé de serrer la main de la Ministre. Il pourra cependant plaider la cause de Moussa avant d’avoir droit à la question qui tue : « Condamnez-vous Daech ? ». Question à laquelle ce charmant personnage -  chargé de la com de son association – pouvait s'attendre : sa réponse dilatoire n’en est que plus lamentable. Mais elle n’est pas pire que le touitte d’Onfray, par exemple, qui lui justifie Daech.

Sagement, Najat Valaud-Belkacem, préfère ne pas donner à l’épisode plus d’écho qu’il n’en mérite. Les contorsions verbales du personnage suffisaient à le juger pour le téléspectateur de base que j’étais.

Rappelons les faits. Lors de l’émission “Le supplément” le dimanche midi sur Canal Plus, la Ministre qui était venue parler de l’action menée contre la radicalisation s’est trouvée placée à côté du président d’une association humanitaire islamique (dont un des membres est aujourd’hui emprisonné au Bangladesh où il venait en aide aux Rohingyas, une minorité musulmane opprimée). Idriss Sihamedi s’est présenté comme un “musulman normal” mais au cours de l’entretien on a appris qu’il refusait de serrer la main aux femmes ou de condamner l’État islamique. Invitée à réagir à cette séquence, Najat Vallaud-Belkacem décline dans un premier temps : " Non". Puis elle ajoute " Plus exactement, si je devais vraiment réagir, je dirais simplement qu’il faut distinguer à mon avis deux choses : la situation de Moussa (l’humanitaire emprisonné au Bangladesh, ndlr), qui en sa qualité de ressortissant français a droit à une aide et une protection qui, si j’ai bien compris, lui est apportée par l’ambassade, et puis pour le reste je crois que c’est une association qui porte une façon de voir les choses qui n’est pas la mienne, à laquelle je ne souscris pas et qui me met aussi mal à l’aise, honnêtement, sur votre plateau, et donc je n’ajouterai rien".

P. Watrelot (extraits)

Mais bien sûr les sites d’abrutis de souche se sont déchaînés – Madame Valaud-Belkacem étant leur deuxième cible favorite après Madame Taubira – pour la taxer de passivité voire de complicité.

Mais le plus surprenant fut quand même de voir un journaliste politico-sportif ou sportivo-politique, Bruno Roger-Petit – chronique sportive dans Le Figaro et politique dans Challenges (groupe de L’Obs) – se lancer dans une comparaison des plus hardies entre Clemenceau au moment de l’affaire Dreyfus et la Ministre de l’Education Nationale face à cet humanitaire prétendu salafiste : «  Heureusement que Clemenceau ne s'était pas contente d'un "malaise" en titrant le "J'accuse" de Zola #faiblard » ; et il a brodé là-dessus.

L’équipe de Baraka City ne cache pas ses convictions islamiques. Le conférencier Nabil Ennasri, engagé contre "la théorie du genre" au côté des cathos intégristes de Civitas ou de la soralienne Farida Belghoul, compte parmi leurs intellectuels chouchous. (StreetPress)

Idriss Sihamedi, ce porte-parole, condamne la fornication avec autant de vigueur qu’un prêtre intégriste.

Ali, Najat, Moussa et Daech

Mais, malgré une surveillance policière des plus étroites, si l’on en croit Le Parisien, "L'association et ses dirigeants ne nous posent aucun problème, ils respectent toutes les règles", assure une source policière locale. "En revanche, on surveille les personnes mal intentionnées qui pourraient vouloir prendre le pouvoir ou avoir de l'influence sur l'organisation."

Sa 1ère action internationale d’envergure a porté sur l’accès à l’eau au Togo. Si des actions humanitaires ont eu lieu vers la Syrie, elles ont été menées en toute transparence (copies des passeports, itinéraire, destination,etc. transmis aux autorités). Et, peu avant la décapitation du travailleur humanitaire Alan Henning, Baraka City avait publié un communiqué pour exiger la libération de l’otage.

Inutile de dire que ce guignol borné m’est aussi sympathique que l’abbé Beauvais de Civitas. Et que ses stupidités sur les femmes et ses atermoiements sur Daech sont aussi critiquables que les déclarations de Barbarin sur le mariage pour tous ; déclarations qu’il doit approuver, au demeurant.

 

Mais, comme pour l’interpellatrice de Finkie qui a provoqué la même ire chez les identitaires, on ne peut s’afficher en janvier 2015 avec un « Je suis Charlie »=je suis pour la liberté d’expression, et refuser cette liberté aux intégristes de tout bord.

Quitte évidemment à critiquer sévèrement leurs assertions obscurantistes.

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18 décembre 2014 4 18 /12 /décembre /2014 18:07
ZEP-REP : colère et oeillères à la Nouvelle édition

La nouvelle édition (Canal +) s’est livrée à une drôle d’opération en accueillant une prof et une mère d’élève d’un collège de Clichy-la-Garenne. Non pas qu’il soit scandaleux de leur part de protester contre le déclassement de leur collège. Mais parce que, outre une séquestration du principal filmée dans des conditions humiliantes, la séquence fut totalement à charge, le présentateur en rajoutant dans les accusations contre la Ministre de l’Education Nationale.

http://www.canalplus.fr/c-infos-documentaires/c-la-nouvelle-edition/pid6850-la-nouvelle-edition.html?vid=1184952

Le collège Jean Macé a donc eu les honneurs de La nouvelle édition le mercredi 17/12/2014 pour illustrer la réforme de l’éducation prioritaire lancée par la Ministre de l’Education nationale. Sorti de la carte, on peut comprendre que ses représentantes – une prof de lettres et une mère d’élève – soient mécontentes. On peut comprendre aussi qu’elles ne soient pas toujours d’une parfaite objectivité. On comprend moins bien qu’apparemment Ali Badou n’ait pas bénéficié d’une fiche un peu plus fournie. Et que, dans son style de prédilection de l’étonnement indigné – mais comment se fait-ce qu’alors que la ministre promet plus de moyens elle vous en enlève ? demande-t-il en substance – il donne dans le Najat-bashing.

Et surtout, l’équipe de l’émission a pu regarder sans broncher une assez pénible séquence où l’on voit le principal filmé, séquestré dans son bureau, dans une position humiliante. Séquence largement attentatoire à sa dignité. Diffusée sur les réseaux sociaux. Complaisamment reprise par les chaînes d’infos en continu (BFM, I-Télé) mais filmée par les enseignants geôliers d'une nuit eux-mêmes.

 

NB La photo est tirée d'un touitte @Maceendanger, le principal est donc filmé dans une position inférieure sur un lit de fortune avec trois preneurs d'images et de son qui le dominent.

Un principal ou un proviseur, même s’il est parfois ainsi nommé affectueusement ou ironiquement par les personnels de son établissement, n’a rien à voir avec un patron d’entreprise. Il n’a évidemment aucun pouvoir de licencier qui que ce soit. Il n’a même pas de véritable autorité statutaire sur les professeurs : ce qui se passe en classe n’est, en principe, que de la compétence des inspecteurs qui ne viennent que très rarement et en avertissant une semaine avant. Il est d’ailleurs au premier chef concerné par le volume d’heures – la dotation horaire globale DHG – attribué au collège ou au lycée qu’il dirige.

Les personnels qui ont séquestré ce principal se la sont jouée cégétistes de Goodyear, mais là ce n’est ni la boîte qui va fermer ni leur emploi qu’ils risquent de perdre. Un plagiat infantile d’une pratique déjà contestable. Avec pratiquement aucun risque de poursuites que le Recteur se gardera bien d’engager.

Mais l’essentiel n’est-ce pas est que ça bouzze. Splash !

ZEP-REP : colère et oeillères à la Nouvelle édition

DONNER PLUS Á CEUX QUI ONT MOINS

 

 « Donner plus à ceux qui sont défavorisés pour rétablir l’égalité réelle » c’est le principe de base de cette éducation prioritaire lancée dès son arrivée à l’éducation nationale par Alain Savary*.

Plus de trente ans après, il reste malheureusement toujours d’actualité, puisque d’enquête PISA en enquête PISA, Le poids du déterminisme social est en France loin de diminuer se creuse. Le bilan des ZEP n’est donc pas a priori très satisfaisant. A cela, on peut rétorquer que le « plus » n’est pas suffisant et surtout que les enseignants qui y sont affectés sont pour beaucoup débutants à cause d’un fort turnover. La carte des ZEP s’est agrandie en 1989-90, sans qu’on touche aux ZEP lancées en 1982 et depuis les modifications ne se sont faites qu’à la marge (ou dans une complète dérive avec les « internats d’excellence »). D’où la décision de remettre tout à plat. Des critères objectifs, des moyens renforcés, une attractivité des postes (primes, mais surtout avancement) améliorée pour stabiliser les équipes…  

 

Premier critère donc les catégories socio-professionnelles des parents : la parente rétorque que, certes la zone de recrutement n’est pas formée que de CSP défavorisées, mais les CSP + désertent le collège public pour le privé (ou, ce qu’elle n’ose dire, les dérogations). Le second est la proportion de boursiers : là elle objecte que des familles éligibles aux bourses, faute d’information, ne remplissent pas les dossiers. Là, l’objection est fragile car il est peu probable que ce phénomène, pour autant qu’il soit significatif, ne touche pas des familles d’autres secteurs.

Copie d'écran

Copie d'écran

Mais sur le troisième critère évoqué par A. Badou, la part d’élèves entrant en 6e avec un an de retard ou plus, la prof s’est lancée dans une diatribe sur les redoublements qu’on interdisait pour raisons d’économies, allant jusqu’à oser dire « J’ai claqué la porte du conseil de classe ! » à cause de cela, démontrant sa méconnaissance totale de l’inutilité globale des redoublements et une conception des plus singulières de ses obligations professionnelles. Comme porte-parole, ses collègues ne pouvaient rêver pire.

 

Personne n’a réagi sur le plateau. Bien qu’en fait l’enseignante n’ait pas répondu sur ce critère (il ne s’agit pas des redoublements en 6e,mais avant). Et la fiche de l’animateur ne devait pas indiquer que la France, bien que battant des records de redoublements parmi les pays de l’OCDE (PISA 2009 : 39% de redoublants à 15 ans, contre 13 % en moyenne des pays concernés) est à un rang très médiocre dans ses résultats.

 

On a eu droit pour conclure, avec le ricanement approbateur d’A. Badou, à l’invitation à la Ministre de prendre ses classes une journée. Car les ministres, c’est bien connu, ne connaissent rien à la réalité du terrain. La prof nous a même appris qu’un collège de Clichy qui, lui, venait de bénéficier** du classement REP, soutenait leur action. Et pour conclure, une petite observation sournoise du présentateur sur l’habileté de la Ministre qui annonce ces décisions « à la veille de vacances ».

 

Répétons-le, il n’est pas étonnant ni scandaleux que les établissements sortis de la liste des prioritaires ne l’acceptent pas de gaieté de cœur. Il n’est cependant pas sûr que celui qui était invité ne le fût pas pour de très mauvaise raisons. Et il est sûr que le téléspectateur, peu au fait, des décisions prises pour la réussite des élèves, en auront une image négative. D’autant plus qu’elles n’ont jamais été présentées.

 

Rappelons d’abord que les établissements qui ne relèveront plus de l’éducation prioritaire bénéficient d’une clause de sauvegarde : pendant trois ans, les enseignants verront leur régime indemnitaire spécifique maintenu. La remise à plat, après plus de 30 ans, n’est a priori pas scandaleuse. D’autant qu’elle repose sur quatre critères relativement objectifs. Qu’elle apporte un plus en moyens notamment pour la concertation des équipes d’enseignants. Avec un coup de pouce aux primes et le maintien d’avantages en avancement. Et ces REP ne sont qu’un élément de nouveaux critères d’attribution des moyens non plus seulement au nombre d’élèves mais aussi en intégrant le revenu des familles et les caractéristiques des territoires. Par exemple, l’académie de Lille dont les effectifs en primaire vont baisser aurait dû perdre 20 postes, avec ces nouveaux critères elle en gagnera une centaine !

 

Toutes les revendications ne sont pas légitimes, et même si elles l’étaient, La nouvelle édition, en l’occurrence, a failli à l’honnêteté intellectuelle en ne les situant pas dans un contexte de moyens globalement accrus pour l’école. En n'instruisant qu'à charge le procès de la Ministre de l'Education Nationale.

* Alain Savary, dont le nom rime avec Ferry, fut sans doute un des plus grands ministres de l’éducation nationale de la Ve République. Mais il fut victime de la bêtise et de la lâcheté.

Chargé par Mitterrand de créer un service public laïque de l’enseignement englobant l’école privée, par la négociation, il arrivera à un compromis accepté par ses interlocuteurs de l’enseignement confessionnel. Compromis saboté par des laïcistes modèle A. Laigniel, dit le Joxe-terrier, avec le silence peu courageux de Mauroy. Résultat, triomphe des tenants les plus acharnés de l’enseignement privé. Manifestation monstre. Compromis à la poubelle.

 

** Réaction typique de l'Education nationale. Non seulement on ne voit pas les établissements nouvellement intégrés dans les REP clamer leur joie, mais selon l'inoxydable principe qu'on n'habille pas Pierre en déshabillant Paul, ils soutiennent des pauvres exclus.

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