De retour d’une escapade sur la Costa Brava, je voudrais vous donner mon sentiment sur la situation en Catalogne.
Cette région qui bénéficie d’une large autonomie, et dont le parlement a voté, fin octobre, avec une courte majorité, une résolution ouvrant la voie à la création d’une république indépendante, se trouve dans une situation très problématique.
Oriol Junqueras et Carles Puigdemont
On est devant un peuple qui revendique depuis plusieurs siècles son autonomie et qui maintenant a franchi un cap en décidant de constituer une nation indépendante … au sein de l’Europe.
Cette revendication fort légitime prend un autre aspect, à la fin du 20ème siècle avec l’entrée de l’Espagne en 1978 dans l’Union européenne suite à un référendum auquel ont participé les catalans.
Le problème catalan se situe donc, maintenant au 21ème siècle dans le cadre du doit international et le dilemme posé aux autorités espagnoles et européennes est : la souveraineté électorale l’emporte t’elle sur les règles de droit international ?
Ada COLAU vue par Peridis dessinateur très critique sur la Catalogne.
Toujours est-il que l’Espagne se trouve divisée, la Catalogne est divisée (45 % indépendantistes selon les derniers sondages), les partis politiques sont divisés (PSOE, Podemos , PSC ), la municipalité de Barcelone est divisée (Ada COLAU, maire ne soutient plus les indépendantistes), les villages catalans sont divisés, les quartiers de Gérone (fief indépendantiste) sont divisés, et cette division se ressent même dans la plupart des familles
Les décisions, très fermes, du gouvernement de Mr RAJOY qui nous ramènent aux méthodes du franquisme, n’ont fait qu’irriter un peu plus cette communauté.
Maintenant tout le monde attend les résultats des élections du 21 décembre en Catalogne, mais il me semble fort probable que les indépendantistes arriveront en tête, mais avec une majorité relative et le problème restera entier.
Heureusement que les catalans sont pacifistes (pour le moment) et que les grandes manifestations de rue se passent dans le calme. Mais qu’adviendra–t-il après le 21 décembre ?
Il n’y aura pas de gagnant, seulement des perdants….. Quel gâchis !
Si l’on en croit un récent sondage de Sociométrica, réalisé entre le 27 et le 31/X, la gauche républicaine indépendantiste (ERC) deviendrait le premier parti catalan, suivi de Ciudadanos (C’s farouchement anti-indépendantistes) du PSC (branche catalane du PSOE) puis du Parti démocratique européen catalan (PDeCAT) qui, sous un autre sigle, a dirigé la Catalogne autonome de 1980 à 2003 notamment, avec Jordi Pujol. Mais tout cela repose sur des hypothèses de listes indépendantistes… indépendantes les unes des autres.
Rien n’est simple
Difficile de s’y retrouver dans la politique catalane car, outre la division principale entre indépendantistes et anti indépendantistes, il y a toujours un clivage au sein des deux blocs droite-gauche et même une gauche, dont la figure de proue est Ada Colau, Maire de Barcelone, qui ne prône pas l’indépendance, tout en admettant un référendum.
Avec ERC, Esquerra Republicana de Catalunya, Gauche Républicaine de Catalogne, pas d’ambiguïté, puisque son sigle même indique clairement qu’il se situe à gauche. Cependant, il s’était allié au Parti démocratique de Catalogne, centre-droit, au sein d’une coalition Junts pel Si (Unis pour le Oui, oui évidemment à l’indépendance) aux élections de 2015.
Passons à ce Parti Démocratique de Catalogne : sous le nom de CDC, avec Jordi Pujol à sa tête, il a dirigé la Catalogne de 1980 à 2003 (seul ou dans des coalitions comme CiU). De 2010 à 2015, avec une majorité relative, il reprend les rênes de la Catalogne avec Artur Mas. Et c’est lui qui est à la tête de la coalition Junts pel Si avec Carles Puigdemont. Ce sondage marquerait donc une chute lourde puisque aux dernières élections où il se présentait seul (2012), il comptait encore 50 députés.
Dernier membre de la coalition indépendantiste sortante la Candidatura de unidad popular (CUP) extrême-gauche anti-capitaliste, anti européenne, qui a fait l’appoint de Junts el Si pour la majorité absolue dans la chambre sortante, il perdrait des plumes.
Côté anti-indépendantistes, Ciudadanos (C’s), centre droit, qui a pris naissance en Catalogne, le Parti socialiste catalan (PSC) et le Parti Populaire (PP), droite, conserveraient à peu près les mêmes scores, C’s et PP gagneraient 1 siège.
Enfin, en même temps, comme dirait Macron, non indépendantiste mais contre l’application de l’article 155, Catalunya Sí que es Pot (CSQP Catalogne Oui c'est possible), coalition de gauche dont le noyau est Barcelona en Comú, le groupe conduit par Ada Colau, maire de Barcelone, mais qui agrège aussi des verts, des ex-PC et, en principe Podem (branche catalane de Podemos).
Pour ceux qui n’auraient pas tout suivi, résumons : trois partis indépendantistes (ERC, PDeCat, CUP), trois branches de partis nationaux anti-indépendantistes (C’s, PSC, PP), une alliance localo-nationale non indépendantiste, mais pro-référendum (CSQP).
Tout se complique
Malgré cette prévision favorable, ERC se dit prêt à une grande alliance indépendantiste, mais à condition que la CUP en fasse partie. Positionnement tactique* pour paraître unitaire pour trois ?
Podem-os, lui, connaît une crise puisque si le niveau national prône l’alliance avec Ada Colau, au niveau local son responsable catalan, Alberto Dante Fachin, démissionne car plutôt pro-indépendance.
Et, pour faire bon poids, la position du PSOE qui soutient l’application du fameux article 155 au niveau national est loin de faire l’unanimité au sein du PSC.
Un coup pour rien ?
Si cette estimation des votes se réalisait, à peu de choses près on retrouverait le même rapport de forces au parlement catalan. Les anti-indépendantistes perdraient 4 sièges, et quelques dixièmes de %, mais garderaient la majorité absolue d’un poil, avec 68 sièges. Les anti indépendantistes purs et durs gagneraient 2 sièges et quelques dixièmes de %.
Seuls les ni indépendance, ni 155, de CQSP, progresseraient significativement de 2 sièges et de plus de 1%.
Rêvons un peu
Si on était dans une élection classique où le clivage se ferait en droite/gauche, la gauche – ERC+PSC+CQSP+CUP - pourrait crier victoire, frisant la majorité absolue des voix et avec une majorité de sièges confortable, même en excluant de son alliance l’incommode CUP.
Mais il n’en sera, de toutes façons, rien, puisque la « fiction narcissique » nationaliste va continuer à dominer le jeu politique catalan et le laisser dans l’impasse.
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