Surprise en allant chercher la presse : un calicot orne l’entrée principale de l’Institution Sainte-Ursule* (école+collège+lycée), haut lieu de l’enseignement catholique à Luçon.
Deux lignes donc sur la banderole : « Suppression massive d’emplois : intenable » ce qui paraît clair, mais le « Il nous faut des solutions » rend le message très ambigu.
Il faut rappeler que si l’enseignement privé sous contrat a subi aussi les suppressions de postes – ce qui a provoqué la mobilisation des syndicats du privé le 27 septembre – il a été moins touché que l’enseignement public. Ainsi pouvait-on lire dans une réponse de Chatel à un sénateur UMP (intervenant pour le privé) : « Au cours de l'année scolaire 2010-2011, deux millions d'élèves sont scolarisés dans les établissements d'enseignement privés pour dix millions d'élèves scolarisés dans les établissements d'enseignement publics, soit une proportion privé/public de 20 %. […] En conséquence, la contribution de l'enseignement privé à la réduction du nombre des emplois représentera quelque 10 % du total. » Le prétexte invoqué pour ce traitement de faveur est que les administratifs ne sont pas pris en charge par l’état. Mais si l’on défalque les suppressions de postes administratifs prévues en 2011, le total des suppressions de postes d’enseignants dans le public est de 13 800, dans le privé de 1533. Un peu plus que les 10 % annoncés, mais nettement moins que les 2760 proportionnellement attendus. D’autant qu’un amendement du sénateur Carle (charitable auteur de la loi Carle qui reprenait un amendement de Charasse) a permis d’alléger encore le tribut payé à l’autel de l’austérité sélective.
L’enseignement catholique, a dénoncé à la rentrée une situation jugée "intenable", provoquée par les suppressions de postes. "La situation est inconcevable", a lancé Éric de Labarre, secrétaire général de l'enseignement catholique. "On ne peut pas aller au-delà" des suppressions de postes déjà pratiquées pour la rentrée 2011, a déclaré Martial Limouzin, président du comité académique de l'enseignement catholique en Bretagne, lors d'une conférence de presse de rentrée. "Nous ne pourrons pas faire la rentrée 2012" si des postes continuent d'être supprimés sans mesures d'accompagnement, a-t-il ajouté.
Mais c’est là que le bât blesse. Après avoir contesté des programmes** de SVT, en relayant le cléricalisme des évêques, l’enseignement catholique, loin de se lancer dans un combat frontal contre les suppressions de postes, veut promouvoir une réforme qui les facilite ! C’est le « Il nous faut des solutions ». Et le Secrétariat Général de l’Enseignement Catholique (SGEC) négocie directement avec le ministère. Si l’on en croit le Café pédagogique sur quatre axes. L’un d’eux, sur une dotation horaire globale « globalisée », paraît assez tautologique. Un autre sur l’enseignement à distance d’options rares ne fera pas économiser beaucoup de postes. En revanche la baisse des horaires des élèves et la refonte des définitions de services des enseignants sont plus porteurs d'économies. Mais il n’appartient quand même pas au SGEC de mener des négociations sur des thèmes qui sont au cœur même du débat sur le Service public de l’éducation nationale.
Ces « négociations » risquent même, par les sursauts légitimes qu’elles pourraient provoquer, de bloquer des avancées qui se font jour. Si des réformes ne sont faites que pour faciliter la saignée de l’éducation nationale, elle provoqueront le rejet. La suppression de fait de la formation des enseignants en est un exemple flagrant et catastrophique.
* Il s’agit d’une opération pilotée par les Directeurs diocésains des Pays de la Loire qui ordonnent « l’affichage d’une banderole sur le fronton de chaque établissement à partir du lundi 10 octobre ». Et non d’un mouvement revendicatif venu de la base.
** Une des revendications du SGEC est la sortie du cadre national des programmes "Ce qui compte ce n'est pas le respect des programmes mais la progression des élèves et la réussite aux examens" (E. de Labarre)
PS Béatrice Barraud, présidente nationale de
l’Association des parents d’élèves de l’enseignement libre (APEL), qui s'était prononcée contre les grèves du 27 septembre 2011 dans l'enseignement privé catholique et qui souhaite ouvrir des
négociations avec Luc Chatel pour pallier les suppressions de postes par une réduction du nombre d'heures de cours, vient d'être élevée au grade de chevalier de la légion d'honneur au titre du
ministère de l'éducation nationale.
Journal officiel de la République Française, 1er janvier 2012