« Moi, j’vais vous dire une chose, Laurence Ferrari, moi, j’fais totalement confiance à la Justice » N. Sarkozy
La mise en examen de Nicolas Sarkozy ne doit pas faire oublier le principe suprême de la présomption d’innocence. Principe qu’il a lui, largement violé, au moment de l’affaire Clearsteam. Que cette mesure soit contestée par ses avocats est tout-à-fait normal. Que Guano, pétant un câble, pousse des cris de haine à l’encontre d’un des trois juges, est plus que déplacé, grotesque !
La présomption d’innocence dont peut se prévaloir l’ex-président de la République, après sa mise en examen pour abus de faiblesse de la femme la plus riche de France, il ne l’a, lui, jamais respectée. "Au bout de deux ans d'enquête, deux juges indépendants ont estimé que les coupables devaient être traduits devant un tribunal correctionnel", a-t-il lâché, le 23 septembre 2009, à propos de D. de Villepin inculpé dans l’affaire Clearsteam. Ire des avocats : "M. Sarkozy affirmait de New York, devant toute la France, que M. de Villepin était coupable, car il était traduit devant un tribunal". "C'est cela le respect de votre tribunal, de votre parquet? C'est cela le spectacle que le président donne à la France de notre justice ?", avait lancé Me Olivier Metzner. "C'est une atteinte scandaleuse aux principes fondamentaux", avait appuyé son confrère, Me Henri Leclerc. Sarkozy récidiviste, puisqu’il avait qualifié Yvan Colonna d’assassin avant son procès.
Le respect du secret de l’instruction n’a préoccupé l’ex-président que quand ce n’était pas lui qui le violait. Au début de l’affaire Bettencourt, devenu, grâce à lui faut-il le rappeler*, affaire Woerth, alors que, dans un entretien à Mediapart la comptable de la milliardaire faisait déjà état de ses visites, il avait mobilisé Courroye – dit de transmission – pour faire quasiment interpeler la dame et la soumettre à un interrogatoire policier à la légalité des plus douteuses. Interrogatoire dont le contenu, illustré par des photocopies des PV, apparaissait sur Le Figaro du lendemain. Le dévoué Etienne Mougeotte les aurait récupérés à l’Elysée et avait titré mensongèrement que Sarkozy était en dehors de l’affaire.
El Païs compare les amis de Sarkozy à ceux de Berlusconi
Après la mise en examen de Sarkozy, El Païs, grand quotidien espagnol, juge que la réaction de la droite française rappelle celle de la droite italienne, mettant en cause les accusation et condamnations infligées à leur leader, Silvio Berlusconi : les ibères sont rudes ! (« La reacción de la derecha gala recuerda mucho la actitud que emplean los conservadores italianos cuando valoran las imputaciones y condenas infligidas a su líder, Silvio Berlusconi. Unos han acusado al juez de actuar por motivos políticos, otros de encarnizamiento contra Sarkozy, y no ha faltado quien, como el exredactor de los discursos del expresidente, Henri Guaino, acusó al juez de haber deshonrado a la justicia. »).
Guano est un habitué du pétage de plomb, de durite ou de câble. Mais là il dépasse tout. Le juge Gentil « a déshonoré un homme, les institutions, la justice ». Il ne recule devant rien dans l’outrance : "Ce serait risible si cela ne salissait pas l'honneur d'un homme qui, ayant été président de la République, entraîne dans cette salissure la France et la République elle-même".
Même la très modérée Union syndicale des magistrats, USM, a trouvé que l’ex-nègre de Sarkozy poussait le bouchon au-delà des limites de la décence. Son Président a même qualifié les propos de Guano d’abjects et l’a affronté sur Canal +.
Mais, pire, Laurent Wauquiez, a mis en question l’indépendance des juges et affirmé qu’il ne croyait pas au hasard du calendrier ; quand Guano se contente d’insulter, lui met en doute l’indépendance des trois juges d’instruction en affirmant qu’il y a eu une utilisation de la justice à des fins politiques, par cette mise en examen la même semaine que la démission de Cahuzac. Wauquiez est au niveau de Lionnel Luca qui en rajoute une louche, en dénonçant un complot des juges et des socialistes pour favoriser la réélection de François Hollande en 2017 !
Inutile de rappeler que, s’agissant de Cahuzac, c’est la décision d’un procureur, François Molins, nommé à ce poste par la droite, qui a décidé de transformer l’enquête préliminaire en information judiciaire, confiée à deux juges d’instruction. Et que c’est du temps de la droite, après que le procureur Courroye a complétement pourri le travail de la juge Isabelle Prévost-Desprez chargé de l’affaire Bettencourt, que le dossier a été dépaysé à Bordeaux. Inutile de rappeler que les juges sont totalement indépendants, c’est une notion que la droite n’a jamais vraiment comprise.
En voulant salir la Justice, Guano mais surtout Wauquiez se déshonorent et se salissent eux-mêmes. Au risque de nuire au travail des avocats : en mettant la chambre d’instruction sous pression, ils risquent de froisser ses membres qui ne peuvent que se sentir visés, comme leurs collègues, par ces calomnies. Sarkozy, dans cette affaire, comme dans les autres (Karachi, Khadafi, Tapie-Lagarde…) bénéficie de la présomption d’innocence. Les réactions indignes et surtout exagérées de ses amis risquent d’entacher cette présomption de pires soupçons.
* Olivier Metzner, avocat de la fille de L. Bettencourt, avait obtenu de Courroye, procureur chargé de l’affaire Bettencourt, purement familiale au départ, l’assurance qu’il resterait neutre. Mais Sarkozy ayant reçu la mère à l’Elysée, Courroye veut du coup enterrer l’affaire au détriment de la fille. Comme par miracle les bandes enregistrées par la majordome surgissent sur Mediapart et, ce que l’on oublie, aussi sur Le Point. Le nom et le rôle de Woerth apparaissent alors. Sarkozy, par son intervention, a réussi l’exploit de faire d’une affaire privée une affaire politique dans laquelle il est mis en cause. Chapeau l’artiste.
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