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10 octobre 2009 6 10 /10 /octobre /2009 08:59

A la rentrée 2010, c’est-à-dire demain, la carte scolaire aura vécu. C’est en tout cas, ce qui a été programmé en 2007. Son assouplissement est devenu une branche forte du marronnier de la rentrée scolaire. 9,4 % de demandes en plus ! mais une proportion d’entre elles non satisfaites en augmentation… sans oublier les témoignages indignés de parents déçus (ni les crétineries mensongères des rétropenseurs).

En 2007, souvenez-vous, il s’agissait de mettre fin à l’hypocrisie. La carte scolaire était contournée par ceux qui connaissaient les arcanes du système. Il y avait pas moins de 30 % de “tricheurs”. Loin de lui nuire, l’assouplissement de la carte scolaire allait accroître la mixité sociale. À y regarder de plus près, sur les 30 %, 20 optaient pour le privé : que l’on assouplisse ou supprime, ou pas, la carte scolaire, ne changeait rien. Restait 10 % de dérogations. Elles concernent les familles les plus diplômées, à commencer par les enseignants eux-mêmes (14,6 % chez les instits, 18,6 % chez les profs). A priori, ces passe-droits, au bénéfice de ceux qui connaissent le mieux les rouages du système (et qui auraient dû le plus respecter les règles), sont choquants. Mais on pouvait cependant admettre qu’une partie des dérogations n’étaient pas injustifiées. Ce qui diminuait encore le nombre de “tricheurs”. On a donc vu pour la première fois se mettre en place le principe du puisque le système est mauvais, faisons pire. « Lever l’hypocrisie a consisté à généraliser une pratique très minoritaire ». (Louis Maurin http://www.inegalites.fr/article.php3      ?id_article=567).

Pour autant, faut-il prêter à cette fameuse carte scolaire, qui nait en 1963, toutes les vertus ? Son but n’était pas d’instaurer une mixité sociale, mais de rationaliser l’implantation massive de CES. Deux sociologues languedociens, Laurent Visier et Geneviève Zoïa, ont suivi la trajectoire de 6000 élèves de CM2 en 2005-2006 à leur entrée en 6e, dans l’agglomération de Montpellier. Pour cette étude portant sur 43 collèges (centre, banlieues ou « quartiers », périurbains), ils ont utilisé les PCS mais ils ont aussi mesuré la « variance » (c’est-à-dire les écarts de PCS dans le public accueilli). « Ils distinguent d’abord des espaces de « relégation », où les habitants sont « parce qu’ils ne peuvent pas être ailleurs » et où les publics des collèges, sont à la fois socialement défavorisés et très peu mixtes : les catégories « moyennes » s’efforcent de les fuir ; puis ceux de la « périurbanisation », où généralement « on ne contourne pas » parce que « les choix résidentiels ont été effectués en amont » en tenant compte de l’offre scolaire : la mixité y est là aussi limitée ; et enfin les espaces de la « gentrification » en cours, où se trouve le collège de centre-ville, perçu comme « le collège bourgeois » mais paradoxalement le plus mixte de l’aire urbaine, parce qu’il accueille les nombreuses demandes de dérogation de familles cherchant à contourner les collèges « difficiles » : ses élèves de 6e proviennent de 50 écoles différentes, alors que 6 se rattachent à son secteur ! Ces demandes des familles ont en elles-mêmes créé de la mixité, remarquent les deux chercheurs, dans un établissement qui sans elles serait bien plus homogène socialement. » (http://www.clionautes.org/spip.php?article2327). Reste, cependant, que si la variance y est plus forte, le centre de gravité se situe, sans doute, du côté des PCS favorisées.

Cet effet (relativement) positif des dérogations n’est, semble-t-il pas ressenti partout avec leur assouplissement.  C’est d’abord, le SNPDEN qui s’inquiète. C’est aussi, comme le signale Touteduc (http://www.touteduc.fr/index.php?sv=34&aid=868), un sénateur qui en dénonce les méfaits.

Pour le SNPDEN "dans les faits les obligations de mixité sociale et de mixité scolaire, assignées à cet assouplissement, sont bien loin de se réaliser et nous constatons une diversité des politiques académiques et départementales, sans véritable transparence, accroissant les inégalités entre les établissements". "On nous avait annoncé que la réforme irait de pair avec une augmentation de la mixité sociale et scolaire. Chiche. Mais pourquoi ne communique-t-on pas là-dessus ?". Ce syndicat propose la création d'un "observatoire de la mixité sociale et scolaire". 


Alain Dufaut, Sénateur UMP du Vaucluse, dans l’exposé des motifs d’une proposition de loi tendant à assurer une mixité sociale dans les collèges situés en zone d'éducation prioritaire ou dans le réseau « ambition réussite »(http://www.senat.fr/leg/ppl08-606.html) , est clair et net. « La suppression progressive de la carte scolaire engagée en mai 2007 par le ministre de l'éducation nationale, conformément à la demande du Président de la République, avait pour but d'améliorer la mixité sociale des établissements les plus demandés, principalement ceux des quartiers favorisés, tout en mettant un terme à l'hypocrisie des systèmes dérogatoires.

Le choc en retour de cette libéralisation des règles s'est très rapidement manifesté à travers la fuite des meilleurs élèves des établissements des quartiers défavorisés. Les élus de terrain constatent ainsi que le remède s'est parfois avéré pire que le mal, aggravant la ségrégation au détriment des collèges situés en zone d'éducation prioritaire et, en particulier, ceux qui sont classés en réseau « ambition réussite ». Cette évolution perverse va dans le sens diamétralement opposé à notre volonté républicaine de mixité sociale. » S’appuyant sur un rapport des inspections générales d’octobre 2006 (http://www2b.ac-lille.fr/rep/Doc/IGEN_F_1.pdf ) qui chiffrait à 1 milliard d’euros les crédits pour l’éducation prioritaire, il en dénonce le saupoudrage. Il propose donc de les concentrer sur un nombre d’établissements bien ciblés. Il y ajoute la création de sections sport/études ou d’options rares.

 

Le prétendu « libre choix des familles » qui doit résulter de la suppression de la carte scolaire est inspirée de théories néolibérales. « De la même manière que, dans une économie de marché, les producteurs performants gagnent des parts de marché, la concurrence entre établissements doit permettre d’attirer davantage d’élèves dans les meilleures écoles, de stimuler les établissements médiocres, et donc au final de tirer tout le système vers le haut. » (Nathalie Mons http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lesysteme/Pages/84_CartescolaireQueller%C3%A9forme.aspx). Sauf que pour que ce « marché éducatif » fonctionne, il faudrait que le choix des familles se fasse réellement sur les « meilleures » ( ?) écoles et non sur des critères de meilleure adéquation avec leur milieu social. Aussi que la possibilité de ce choix soit effectif pour tous les consommateurs d’école. Or, l’exemple Montpelliérain le rappelle, il y a des populations assignées à résidence : celles des « quartiers défavorisés», faute de moyens ; celles des zones périurbaines par les distances. Et ce jeu faussé de l’offre et de la demande, permet aux établissements très cotés, en toute bonne conscience républicaine (méritocratie que d’injustices commises en ton nom), de sélectionner leurs « clients ». L’exemple anglais montre les effets pervers du total libre choix.

 

Pour autant que la volonté républicaine de mixité sociale   ne soit pas un leurre, si on supprime la carte scolaire, il faut lui substituer d’autres modes de régulation, plus efficaces. Et que cette volonté républicaine s’exerce dans tous les domaines, à commencer par la politique de la ville où l’effet d’annonces s’épuise de plan en plan.

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