N’en déplaisent aux anti-Lop, Ferdinand Lop, auquel Libération a enfin rendu à juste titre l’hommage vibrant qu’il méritait (Libé 20/07/10), était un visionnaire.
Ce héros méconnu qui, en 1944, alors que la Gestapo venait l’arrêter, se sauvait par la fenêtre en lançant: «Ce n’est pas une retraite, c’est une progression vers l’arrière pour raisons stratégiques.», est décrit ainsi par son ministre du «Tabac et de la Santé»: «Des hommes aussi différents que Winston Churchill et Joseph Staline se sont inclinés devant le génie de Ferdinand Lop, devant cet immense front derrière
lequel bat un grand cœur.»
C’est donc lui, ce leader du Front Lopulaire, qui avait proposé de prolonger le boulevard Saint-Michel jusqu’à la mer. Certes, vue l’orientation globale dudit boulevard, c’est vers la Méditerranée que ce prolongement s’imposait, faisant de Lyon le XXIe arrondissement, de Valence un faubourg parisien et de Marseille une banlieue (et de la station Saint-Michel un port de mer).
Cette grandiose vision a été reprise. Ainsi, Le 29 avril, 2009, à la Cité de l’architecture et du patrimoine réunis, Nicolas Sarkozy,
phare lumineux de la pensée UMPiste, est monté en chaire pour prononcer un discours fleuve sur l’avenir de la région parisienne. Il y fut question de «Beau», de «Grand», de
«Vrai» : jamais la plume du scribe Henri Guaino n’avait plongé si profondément dans la magnificence du style pompier, pour faire vibrer des horizons grandioses et imputrescibles. Et
soudain, devant un public de ministres, d’urbanistes et d’élus locaux, sidéré, au sens propre du mot, le chef de l’Etat a décoché cette phrase impérative : «Faisons le choix stratégique
que nous dicte la géographie : Le Havre, c’est le port du Grand Paris, et la Seine est l’axe nourricier autour duquel la métropole a vocation à s’ordonner.» En quelques mots un
nouveau cap a été assigné au développement de la capitale : vers la mer. (Libération
10/10/09). Certes les pro-lop (qui ne sont pas des
lopettes) purs et durs seront déçus par ce manque d’ambition, mais ils ne pourront nier l’empreinte indéfectible, inaliénable et inoxydable du prophétique Ferdinand Lop. Et pour
l’envolée stylistique celle d’un Pierre Dac : cet axe nourricier est de la même encre que « le froment de la bonne graine sur les champs arrosés de la promesse formelle
enfouie au plus profond de la terre nourricière ».
Qui pourrait croire que le grand amateur de havanes, éphémère secrétaire d’état au « Gross Paris », pardon au Grand Paris, fut inspiré par Lop ? Et pourtant, souvenez-vous : Lop demandait la pose d’un toboggan place de la Sorbonne pour le «délassement des étudiants». Blanc, lui, du coup bien plus audacieux que le Maître, a projeté la construction d’un immense grand-huit automatique*, pour le délassement des populations laborieuses et néanmoins franciliennes.
Et sa disparition dans les volutes de ses cigares a permis aussi de réaliser un autre grand vœu lopien – construire les villes à la campagne car l’air y est plus pur – puisque le secrétariat d’état au grand Paris a été rattaché au ministère de « l’espace rural » (dont d’aucuns, ignares, ignoraient l’existence) !
* Dans le cadre d'une certaine continuité républicaine (la république des copains et des coquins), c'est un autre fumeur de cigares (président à vie du CPAH, Club des Parlementaires Amateurs de Cigares et aussi membre de la confrérie du Goûte-boudin et chevalier de la Confrérie du fromage de tête), André Santini, qui prend la tête de la société chargée de la réalisation de ce titanesque grand-huit. Voilà qui nous épade.