Fille contre mère, chez les Bettencourt ! Fils contre belle-mère, chez les Wildenstein !
Or donc, la papa David Wildenstein décède en 2001. Les fils, d’un premier mariage font savoir à sa veuve que son riche et feu mari ne possédait plus que 42 millions d’euros. Tout juste le gros lot de l’avant-dernier tirage de l’« euro millions ». Ce qui, pour le vulgum pecus, serait déjà pas mal, mais qui pour ce grand collectionneur d’art, ce propriétaire d’une écurie de courses et autre babioles fait un peu misérable.
Mais, avec l’aide d’une avocate qui mène quatre ans d’enquête, la veuve découvre que la fortune réelle de son défunt mari s’élève à trois ou quatre milliards. Wildenstein avait en effet éparpillé son patrimoine (composé entre autres de tableaux de Van Gogh, Renoir, Picasso, Rembrandt...) dans des paradis fiscaux sous la forme de trusts familiaux.
Après plusieurs années de procédures, la justice rend une décision que l’on pourrait qualifier d’abracadabrantesque : un non-lieu pour les fils du collectionneur car "l'évasion du patrimoine dans les sociétés étrangères et des trusts, conforme à la tradition familiale de transmission des biens aux héritiers directs, ne leur est pas imputable". La « tradition familiale » autorisant l’évasion fiscale et la spoliation de la veuve est une notion juridique surprenante pour un non initié. D’autant que la cour d'appel a de nouveau donné raison aux fils du collectionneur le 16 juin dernier.
Le fisc sans réaction !
Affaire privée, direz-vous.
Sauf que, à chaque nouvelle découverte, les avocats de la veuve alertaient inlassablement le fisc. Ce concept d'évasion du patrimoine "conforme à la tradition familiale" aurait dû conduire l'administration fiscale à réagir. Et à l'époque, le ministre s'appelait… Eric Woerth.
"Membre fondateur de l'UMP, Guy Wildenstein rencontre fréquemment son ministre d'ami à Chantilly où les Wildenstein entretiennent des chevaux de course, explique le Canard Enchaîné. Ou rue La Boétie, à Paris, l'Institut Wildenstein jouxtant le siège du parti présidentiel". En 2007, Guy Wildenstein, habitant New York, avait d'ailleurs le titre de "délégué de l'UMP pour la côte Est des Etats-Unis" et avait été reçu par Eric Woerth, alors trésorier de la campagne. Et Guy Wildenstein est aussi membre du désormais fameux Premier cercle, qui rassemble les plus gros donateurs de l'UMP. Le Monde du 10 juillet donnait encore plus de détails sur Guy Wildenstein, indiquant qu'il est conseiller à l’Assemblée des Français de l’étranger, que Nicolas Sarkozy le consulte régulièrement et qu'il a été nommé commandeur de la légion d’honneur en 2009.
La question fut soulevée à l’Assemblée nationale par Alain Vidalies le 6 juillet 2010 : « […] Au fil des révélations de la presse, les Français découvrent, effarés, les réalités des pratiques financières et fiscales d’une caste de privilégiés. Ces révélations ne s’arrêtent pas à l’affaire Bettencourt. Elles sont au contraire révélatrices d’un véritable système, encouragées par la politique fiscale du Gouvernement et son inertie dans le traitement des procédures.
Je prends l’exemple du dossier de la succession Wildenstein. Comme dans l’affaire Bettencourt, les Français découvrent que l’essentiel d’une fortune est dissimulée dans les paradis fiscaux – en l’espèce Guernesey et les Bahamas. Comme dans l’affaire Bettencourt, l’administration fiscale a été informée de l’existence de sociétés écrans. Comme dans l’affaire Bettencourt, la justice a pu constater « l’évasion du patrimoine dans des sociétés étrangères et des trusts ». Comme dans l’affaire Bettencourt, il est établi que M. Guy Wildenstein est membre du fameux premier cercle de collecteurs de fonds pour l’UMP que, le 7 janvier 2007, il se trouvait à New York, aux côtés de M. Woerth, trésorier de l’UMP, pour récolter des fonds pour la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy. Comme dans l’affaire Bettencourt, l’administration fiscale est restée totalement inerte à ce jour. […] Le temps n’est plus aux médiocres contre-feux politiciens. Nicolas Sarkozy citait Jean Jaurès pendant la campagne électorale. Puisse cette phrase de Jaurès inspirer votre réponse : "Le courage, c’est de rechercher la vérité et de la dire." »
Le gentil Baroin, successeur de Woerth au budget, commit une réponse assez indigne (prétendant qu’une telle question faisait le jeu de l’extrême-droite) montrant son incapacité à répondre sur le fond.
Un fisc alerté au plus haut niveau qui reste passif, un généreux donateur que le trésorier de l’UMP connaît bien, un ministre du budget (le même) qui clame « lorsque l’on est ministre du budget, on est responsable des finances du pays ainsi que du contrôle fiscal. Je n’ai pas vraiment le sentiment que, sur ce dernier sujet, quiconque puisse m’accuser d’être laxiste » mais qui bien sûr se garde d’intervenir (un faux-vrai rapport de l’IGF aura même pour but de nous assurer qu’il n’est pas intervenu, ce qui devrait plutôt être à charge qu’à décharge), et son successeur qui agresse l’opposition pour masquer son impuissance à répondre. Wildenstein, Bettencourt ou les eaux glauques des grandes fortunes UMPistes !
Sources : Le Canard enchaîné, Le Monde, Arrêt sur images, l’Assemblée nationale
P.S. Guy Wildenstein a été mis en examen le 06/07/11 pour recel d'oeuvres d'art (une trentaine d'oeuvres disparues ou volées ont été découvertes à l'Institut Wildenstein)
commenter cet article …