Le candidat de la Société des agrégés ? En tout cas, un programme dont le corporatisme ne risque pas de froisser le SNALC, ni même le SNES qui, sur ce terrain, ne le cède pas au syndicat de droite assumée.
“Nous avons l’intention d’installer le verbe "instruire" au coeur de la campagne électorale comme nous avons installé le verbe
"produire"” a-t-il proclamé. Mais ce n’était pas que pour la rime.
Car les seules mesures concernant les élèves consistent implicitement à rétablir un concours d’entrée en 6ème et à instaurer un
super-bac, un bac d’excellence. "Aucun élève ne doit entrer au collège s'il n'est garanti qu'il maîtrise la lecture et le calcul". Si l’on ajoute qu’il prône un collège
différencié et la mise hors les murs des élèves trop remuants, on voit qu’on est très loin d’une école fondamentale, prenant en charge tous les élèves de 3 à 16 ans.
Sous une apparente neutralité pédagogique – il rend même un apparent hommage aux Cahiers pédagogiques – il
intervient dans le faux procès
sur l’enseignement de l’Histoire en terminale S, et « il pousse jusqu'à reprendre les critiques sur la méthode globale... » (Café pédagogique), repartant sur un autre faux débat lancé naguère par de Robien. En bon centriste, il corrige cependant en affirmant que “le apprendre à
apprendre doit être le socle ”.
S’agissant des moyens – sérieusement amputés pendant le quinquennat – il pourfend François Hollande et ses 60
000 postes, en clamant, drapé dans le drapeau de la rigueur, que " tout le monde le sait, sauf ceux qui consciemment ont décidé de tromper les Français, la France doit sortir du
surendettement qui l’asphyxie, si elle veut préserver son modèle social et de services publics."
Cependant, dans un en avant vers le passé, il propose de rétablir les répétiteurs. Pourquoi pas d’ailleurs, s’il
s’agit, en diminuant l’horaire élève hebdomadaire, d’instaurer une école tout compris où l’élève rentre chez lui, sans contrainte
de devoir ou leçon à la maison (ce qui est, le cas, du plus grand nombre de travailleurs, qui, rentrés chez eux, sont en principe libérés des tâches professionnelles).
Profs : opération séduction
Mais, comme le note Philippe Watrelot, il s’agit essentiellement d’une opération séduction en directions des profs. L’ancien ministre de
l’éducation nationale (1993-1997), dont le passage au ministère a été surtout marqué par la gigantesque manifestation laïque du 16 janvier 1994, aurait séduit près d’un tiers des
profs en 2007. Il cherche à rééditer le coup.
Il les prend donc dans le sens du poil.
Pour commencer, un peu de baume au cœur meurtri des enseignants, las des attaques : “Ceux qui mettent en accusation” les
enseignants, il leur demande de leur lâcher les basques ; ceux qui disent “qu’ils ne travaillent pas assez, ne tiendraient pas deux heures en face d’une classe de
collège.”
Pas question donc de toucher au décret de… 1950 qui fixe le statut des profs uniquement à partir d’obligations
d'horaires de cours hebdomadaires. Il rejette l’évaluation faite par le seul chef d’établissement.
Non à la réformite enfin. Il est vrai que de refonte de programmes, en modifications profondes des lycées, en
particulier des filières technologiques et professionnelles, en passant par le socle de compétences, sans oublier des décisions aussi absurdes que la semaine de quatre jours, le système éducatif
a, lui, manqué d’un socle stable. Si l’on ajoute la saignée des personnels qui alourdit les conditions de travail, on peut comprendre que beaucoup d’enseignants ne veulent plus entendre parler de
réformes.
Le rôle des parents n’est évoqué qu’en référence implicite à leurs carences éducatives puisqu’il préconise une «
école des parents ». La dimension socio-économique est complétement occultée : tous ceux qui ont vu Intouchables se souviennent de la (fausse) mère de Driss qui femme de ménage
– pardon technicienne de surface - est absente le matin de bonne heure et le soir tard, à peine là quand les enfants partent à l’école ou au collège, et encore moins là à leur retour. Ce n’est
pas une « école des parents » qui va résoudre ce type de situation.
Des vœux pieux
Rien, on l’a vu, sur la politique de non remplacement des départs en retraite, si ce n’est qu’il la stopperait, sans réparer les
dégâts.
L’annonce d’un plan de progrès continu, inscrit dans le long terme pour vraiment changer les choses, dont le moins qu’on
puisse dire, c’est qu’il gagnerait à être formulé de façon plus concrète.
La volonté, que tout un chacun ne peut que partager, que l’école soit un lieu d'où la violence est exclue et où le respect est la
règle entre élèves et enseignants, à l'égard des enseignants et dans la cour de récréation. Rappelons d’abord que c’est la situation de la grande majorité des écoles, collèges et lycées.
Mais que là où les problèmes se posent, les pétitions de principes ne suffisent plus.
Seule une proposition – qui ne peut que faire consensus dans le milieu éducatif – est parfaitement concrète et précise : la
reconstruction d'une année de formation en alternance [pour les nouveaux enseignants] avec exercice dans la classe et transmission de l'expérience d'autres enseignants est
impérative… Même, si elle néglige, la dimension réflexive et non pas seulement imitative d’une formation professionnelle : un BTS en alternance, par exemple, ne se satisfait de la seule
transmission de l’expérience de professionnels reconnus.
Un programme éducatif donc au conservatisme évident, aux inclinaisons élitistes affirmées et aux grandes intentions floues,
dont le but est de séduire les électeurs enseignants et non de tracer un projet d’une école de la réussite pour tous. Pour parodier une formule sciemment déformée, Bayrou place
le prof au centre du système éducatif.