Le Monde, daté du 11/06/09, dans « Le collège selon Mme Lembert », à travers le portrait de cette principale de collège, rend en quelque sorte hommage à tous ces chefs d'établissements qui, anonymement, au quotidien, avec leur adjoint(e) et parfois un(e) CPE, assurent un climat serein dans des collèges réputés difficiles.
Souvenir lointain d'une série de reportages à la télé, dans un collège des quartiers nord de Marseille, avec un Principal au physique de 2e ligne de rugby et son adjointe aux décolletés parfois impressionnants, binôme efficace et souriant, mais sachant remonter les bretelles quand il le fallait. Et surtout sachant insuffler un dynamisme à leur établissement.
Souvenir encore plus lointain. Je devais être à l'époque principal d'un petit collège au cœur de la Brière, avec des élèves extrêmement dociles. Nous rendions visite à des amis installés à Marseille. Grâce aux décalages des zones de petits congé, Gérard, principal lui aussi d'un collège des quartiers nord, ne logeant pas sur place mais dans un autre collège faute de logement de fonction sur place, m'emmena dans son établissement. Départ de bonne heure car il fallait être là pour l'accueil des élèves. Découverte de l'impressionnante barre ondulante, mais avec vue sur le port, vue sur la mer, qui surmontait le collège. Mon ami, à l'entrée, d'inviter l'un à bien se comporter avec tel prof comme promis, l'autre de ne pas oublier de lui apporter à la récréation la punition infligée, etc. Présent bien sûr, pour la mise en rangs sur la cour et le départ en classe et, tout en veillant à ce que les casquettes se dévissent des crânes avant les cours, occasion d'échanges rapides avec un prof. La grande difficulté, m'expliqua-t-il, était d'assurer la paix entre des jeunes d'origine maghrébine et d'autres gitane (sédentarisée), ce qu'il faisait avec une autorité tranquille.
Ni ceux du reportage télé, ni mon ami n'étaient à l'abri d'un incident grave. Après tout, le parent d'élève furieux qui veut casser la gueule à un surveillant ayant un peu rugueusement remis en place son fiston qui perturbait l'entrée de la cantine, j'avais connu cela, comme adjoint, dans un collège de la banlieue rouennaise en 1985.
Si les premiers, grâce à la télé, étaient sortis de l'anonymat, comme Mme Lembert, grâce au Monde, combien d'autres, restés inconnus, même parfois de leur hiérarchie, car tout occupés qu'ils sont à faire tourner la boutique, ils négligent de se faire mousser dans les couloirs de l'Inspection d'Académie ou du Rectorat, se reconnaîtront dans le travail persévérant, sisyphien presque, de mon ami.
Bien sûr, il faut que leur action rencontre l'adhésion des personnels : la « tolérance zéro » suppose une implication de tous. Mais, comme le montre le reportage du Monde, le chef d'établissement qui s'engage à fond joue un rôle de catalyseur d'énergies, de fédérateur de projets... A l'inverse, il existe quelques établissements qui fonctionnent malgré l'indigence de leur direction, c'est sûr, mais cette situation ne peut perdurer.
« Hommage aux héros » ce titre paraîtra sans doute boursoufflé à ceux qu'il désigne. Pourtant, sans qu'ils en prennent conscience, ces personnels de direction font preuve d'un héroïsme au quotidien, quand après une déconvenue, un échec patent même qui se traduit par un conseil de discipline, ils repartent avec la même conviction que les élèves qu'ils accueillent ont droit à un service public de qualité. Service public - parfois le seul qui soit présent dans leur quartier - dont ils sont les garants.
La photographie est tirée de la page du Monde
Pour ceux qui voudraient aller plus loin, deux ouvrages :
L'établissement scolaire : un jeu collectif de J-Y Langanay et C. Rebaud
Diriger un établissement
scolaire : l'exigence du possible de J. Fouque