Tout le monde n'a pas la chance de recevoir Le journal de la Vendée qui est au conseil général de ce département ce que la Pravda était au Soviet suprême. Donc beaucoup ignorent à quel point, grâce à son admirable président, la Vendée « tient le haut du pavé » (comme le cheval vendéen). Bien sûr, certains savent que le Vendée Globe est une course de légende. Mais combien que la Vendée montre l'exemple et porte une ambition nationale en matière de collège ?
Avec toute la modestie qui caractérise le Vicomte Le Jolis de Villiers de Saintignon, l'article du Journal de la Vendée (1 au 14 juin 2009) a pour surtitre « Enseignement : un collège de référence nationale à St-Hilaire-de-Loulay » et en titre « Un nouveau modèle de collège va voir le jour en Vendée ». Et le chapô est au diapason : « Un collège novateur va bientôt voir le jour, à Saint-Hilaire-de-Loulay sur le canton de Montaigu. Cet établissement de nouvelle génération sera une référence nationale. Philippe de Villiers, président de la Vendée et Gérald Chaix, recteur de l'Académie de Nantes, ont donné le coup d'envoi de ce chantier au projet pédagogique totalement innovant. »
Comme par hasard cette annonce fait l'objet d'un communiqué du Rectorat, daté à l'anglo-saxonne du 2009-05-20, c'est-à-dire à quelques jours de l'ouverture officielle de la campagne des européennes ! (La remise officielle des prix du Vendée globe aura lieu trois jours plus tard et plusieurs semaines après l'arrivée du dernier bateau). Il est vrai que ce projet avait déjà été évoqué en Février 2008 peu de temps avant les élections cantonales : L'éducation nationale rouvrira-t-elle le pensionnat de Chavagnes ? Après Cohn-Bendit, de Villiers ? Les options semblent pourtant aux antipodes. Mais Vendée Matin annonce l'ouverture à Montaigu (85) d'un "collège avec des règles fortes et stables, des élèves sensibles aux arts et à la culture avec des enseignants présents toute la journée dans l'établissement". Les élèves consacreraient une demi-journée aux actions caritatives. "Ce collège enseignera, dès le plus jeune âge, l'équilibre entre le droit et le devoir" affirme Philippe de Villiers qui aurait travaillé sur le projet avec X. Darcos. (L'expresso du Café pédagogique du 20/02/08)
Le soutien de Xavier Darcos paraissait douteux à l'époque. Et, en fait, ce n'est qu'en février 2009 que notre souverainiste président du Conseil général a ressorti le fumeux projet : « En février dernier, le président du Conseil général de la Vendée a rencontré le ministre Xavier Darcos, afin de lui proposer la création d'un collège novateur à Montaigu. Il s'agit non seulement de répondre aux besoins de la population en terme scolaire (depuis 2002, on compte 600 élèves de plus en primaire dans ce canton), mais également d'apporter une dimension nationale au projet [...] Le ministre a accepté avec enthousiasme et détermination cette idée et confié au Recteur le soin de passer de l'idée à la réalité. » informe le Rectorat.
« Ce projet vendéen à vocation nationale placera les élèves au cœur d'une logique humaine et éducative forte
"C'est à travers l'éducation que nous pourrons donner aux jeunes Vendéens tous les outils de la réussite, explique Philippe de Villiers. Nous allons donc passer d'une simple logique d'instruction à une logique éducative. Ce modèle éducatif sera fondé sur le tutorat et sur l'internat. Il passe par une culture générale forte, mais aussi par un engagement social des élèves." Les jeunes Vendéens qui suivront leur scolarité à Saint-Hilaire de Loulay vont bénéficier d'une formation dépassant largement le simple enseignement des matières traditionnelles. Selon le rythme d'une filière sport-études, ils seront sensibilisés aux arts et à la culture, pour former leur jugement.
Les cours de Latin-Grec, de théâtre et de littérature, des épreuves de culture générale ou encore l'étude d'œuvres du patrimoine historique et artistique de la France seront au programme des futurs élèves. La tête à la fois "bien pleine et bien faite", les jeunes seront préparés de façon concrète à prendre des responsabilités et à assurer leur avenir. » nous dit Le Journal de la Vendée.
Ce projet novateur a de fort relents de collège de jésuites des années 50, avec internat obligatoire et action caritative, les pauvres étant remplacés par la visite des personnes âgées ou handicapées (voir « Les bons pères » de Jean de la Guérivière, Le Seuil). Et, figurez-vous que le pensionnat de St Hilaire-de-Loulay proposera à ses internes "divers spectacles, comme par exemple le ballet de Pékin, un concert de musique classique ou encore une pièce de théâtre, qui sont autant de chefs-d'œuvre de l'humanité et qui forment le jugement." Le ballet de Pékin dans le canton où se fait élire l'agité du bocage, il ne recule devant aucun délire !
Or donc, c'est l'Inspecteur d'Académie de la Sarthe, au profil Brighellien, à qui a été confié la mission de définir ce rétro-collège : « Les enseignants seront recrutés sur le volontariat, autour de l'enseignement des "humanités" » affirme le rectorat. « Chaque professeur sera disponible et à l'écoute des élèves, pour les aider à réfléchir à leur projet professionnel ou les soutenir lorsque nécessaire » complète le neu-neu.
Le recrutement élèves reste flou : l'article de l'organe de presse du Conseil général de Vendée ne parle que de jeunes vendéens, mais le rectorat ajoute également les élèves issus de tout le territoire, dès lors qu'ils auront fait la demande, avec leur famille, d'intégrer cet établissement construit sur les humanités. On peut se douter qu'on ne vise pas un recrutement dans le 9-3 ! et toute expérience d'un internat de collège permet d'affirmer la nécessité d'une surdotation en personnel* de surveillance et de prévoir l'immense difficulté de gérer un pensionnat à temps plein, fin de semaine comprise, pour des élèves censés venir de tout le territoire.
S'ajoute une interrogation majeure : comment ce contempteur du service public de l'éducation nationale qu'est le Président du conseil général, ce fanatique de l'enseignement confessionnel, peut-il envisager, dans son propre canton, la création d'un nouvel établissement public concurrençant les collèges privés catholiques du secteur ?
Hypothèse probable : un changement de ministre renverra dans les poubelles de (la petite) histoire ce collège pré-électoral (il est quand même assez étonnant de lire dans un communiqué rectoral que « l'établissement, dont l'ouverture concrète est prévue pour 2012-2013 [2012 année électorale], sera intégré au coeur d'un nouveau pôle d'activités tertiaires située sur les communes de Saint-Hilaire de Loulay et de Montaigu, qui accueillera, par exemple, une maison médicale de spécialistes, un quartier d'affaires ou encore des résidences. » il ne manque que le plan-masse).
Et voir un ministre, un recteur, s'abaisser à ces petites manœuvres politiciennes, auxquelles le Vicomte ne rechigne jamais, est assez affligeant.
* Surdotation non seulement de surveillants, mais d'enseignants (s'ils doivent être à temps plein sur l'établissement), de personnels de service et la construction, outre un internat géant avec "lieux de vie" pour les penstos, doit comprendre des bureaux pour les enseignants. Faut-il préciser que cette surdotation en personnels de surveillance, d'éducation et d'enseignement, prise sur l'enveloppe académique, se ferait au détriment des autres collèges, en particulier de Vendée.
P.S. A l'opposé de cette conception fermée, voir celle d'école ouverte sur la vie, issue de la pensée de la Résistance.