Peter Lindbergh est un des invités de Christian Lacroix aux Rencontres d'Arles 2008. Le 21 novembre 2006 Libé faisait le portrait de ce grand photographe de mode, dont voici quelques extraits :
"Lindberg, collaborateur régulier du Harper's bazaar et de Vogue, passe une à deux semaines par mois aux Etats-Unis. «Tous les gros budgets sont là-bas», dit-il. Mais depuis 1978, il est un Allemand de Paris. Il vit en plein VIe arrondissement, dans l'ancien appartement du marchand d'art Jacques Putman, défunt mari d'Andrée. Peter est un affectif. Et un boulimique de travail qui revient toujours à la photo, même s'il s'échappe parfois avec une caméra. Lindberg connaît bien son histoire de la photo, même s'il n'est tombé dedans que sur le tard, passé 27 ans, après une courte carrière d'artiste qui ne marchait pas si mal mais qu'il a vite trouvé vaine. S'il ne doit citer qu'un nom, il gardera celui d'August Sander. «Une incroyable simplicité. Il n'essaie pas de faire des choses spectaculaires», dit-il de ce compatriote qui fut l'homme d'un immense projet : photographier les habitants de sa région natale près de Cologne pour raconter «l'homme du XXe siècle».
Petit dernier d'une famille d'après-guerre avec un père marchand de bonbons et une mère au foyer, Sa formation aux beaux-arts de Berlin, l'expressionisme, Metropolis qu'il a regardé en boucle, ont façonné son style. Mais son trait germain s'émulsionne dans sa passion pour Arles et Van Gogh, la tauromachie et le sable de Beauduc. Les femmes de Lindberg y perdent en froide sophistication et gagnent en humanité. Elles ont les sourcils forts et les yeux noirs de celles qui ont pleuré après une nuit d'amour. Helmut Newton, compère berlinois, les fantasmait toujours surhumaines, conquérantes, sexuellement dominatrices, Lindberg les révèle fragiles, sensuelles, abandonnées.
August Sanders rêvait de saisir l'homme du XXe siècle, Lindberg ne se lasse pas de raconter la femme à cheval sur deux millénaires.
L'homme a de l'humilité. Il n'aime pas dire du mal et ne confesse que ses admirations. Quand il se laisse aller à une pointe d'exaspération, c'est devant une mode aseptisée où les mannequins sont de plus en plus jeunes, où le numérique a imposé la retouche systématique, où le zéro défaut est en passe d'enlever son grain au noir et blanc et de lui imposer la couleur. Alors il s'amuse aujourd'hui avec les actrices.
Dans cette aventure, c'est avec Jeanne Moreau qu'il est allé le plus loin. Au point qu'il n'osait lui demander son accord pour publier dans Untitled 116 une photo d'elle «brutale», où l'on voit sur son visage de vieille dame jusqu'à la cicatrice de son lifting. «Elle m'a dit, "Mon Peter, c'est un honneur. Il n'y a rien à retoucher".»
Le premier montage donne un échantillon arbitraire de son oeuvre. Pour avoir une idée beaucoup plus large du travail de P. Lindbergh : son site évidemment, mais surtout le site de Claire Belliard.
Le deuxième est consacré à une séance réalisée avec un de ses modèles favoris, Milla Jovovitch.
Cette séance donne une image très androgyne du mannequin, avec ses seins miniatures et ses hanches peu marquées. Lindbergh joue souvent de l'ambiguïté, faisant poser la plantureuse Laetitia Casta en Marlon Brando, habillant les modèles de costumes très masculins et, à l'inverse, photographiant le torero Manzanares dans des poses quasi langoureuses.
Milla Jovovitch
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