Honte à moi, qui ai, depuis 1995 (avec la complicité involontaire des mes secrétaires d’établissements successifs), honteusement fichés les enfants qui entraient dans les collèges que j’ai dirigés ! Eh oui, c’est cette année-là que fut mise en place une base élèves « Scolarité ». Sauf erreur, ça a dû commencer par l’envoi de disquettes vers l’Inspection Académique, avant de passer à un système d’échanges à heures fixes, puis enfin à l’internet. J’ai donc alimenté le minotaure insatiable dévoreur de données qu’il va brasser, croiser, décroiser, recracher pour mieux nous aliéner, du berceau au cercueil.
« Big brother rentre à l’école, tous les élèves seront fichés » et il l’était déjà dans nos collèges, sans qu’on s’en inquiète. La pétition, qui est bien sûr lancée, s’intitule « nos enfants sont fichés… » et, pour ceux qui ne comprendraient pas, dès la première phrase on réaffirme « tous les enfants en âge d’être scolarisés qui résident en France seront fichés dans le système Base élèves 1er degré » ; Big brother oblige, dans la foulée, on évoque d’hypothétiques possibilités de croisements avec d’autres fichiers, police et justice notamment ! « Des informations sur les enfants et leurs familles qui, jusqu’à présent, ne sortaient pas de l’école, deviennent partiellement accessibles aux maires, et remontent jusqu’à l’échelon académique, et même au niveau national avec un identifiant ». A vouloir trop prouver, on se trompe au mieux, on essaie de tromper au pire, car la CNIL rappelle que les maires, étant chargés du contrôle de l’obligation scolaire, ont accès à ces mêmes données depuis 1991 ! Quant à l’identifiant élève, s’il est différent de l’identifiant INSEE, c’est notamment pour éviter des croisements à partir d’un identifiant unique. Autre affirmation abusive : « La plupart des données individuelles nominatives seront conservées quinze ans » or seules les données factuelles du cursus scolaire de l’élève sont conservées (école, classe, niveau (9 niveaux), apprentissage suivis).
Vient ensuite, évidemment, un amalgame assez grossier : « l’une des utilisations vraisemblables de ce système se trouve dans la Loi de prévention de la délinquance du 5 mars 2007 » or la pétition elle-même nous apprend que la demande d’autorisation du CNIL a été faite en 2004 : la diabolique administration de l’éducation nationale avait donc anticipé une loi de 2007 !
Que Philippe Meirieu, par exemple, se soit laissé piéger par un texte aussi peu fiable m’étonne.
Qu’il faille exiger des garanties précises quant à l’usage et au traitement des données recueillies certes. Encore aurait-il fallu se réveiller plus tôt, à moins qu’une base élèves n’ait pas besoin des mêmes précautions quand il s’agit d’élèves de 6eme ! Et surtout ne pas employer de gros mots comme “fichage d’enfants” alors que la base de données concerne les élèves.
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