“Cimetière virtuel"
Parce qu'à la Toussaint une grippe l'a empêché d'aller fleurir la tombe de ses parents, Jean Rollet a créé un cimetière virtuel sur Internet. Un bon moyen, d'après ce retraité dijonnais, de se recueillir sans avoir à prendre le train pour déposer ses chrysanthèmes à date fixe. Aidé d'un infographiste improvisé fossoyeur, le cyberpapy prépare donc l'ouverture - prévue le 1er février - de sites mortuaires sur le Web. En guise d'ornements, les tombes virtuelles sont pourvues de photos numérisées, de renseignements généalogiques et même d'enregistrements sonores du défunt !
«Le cimetière virtuel bouscule une culture de la mort vieille de plusieurs millénaires, s'enthousiasme Jean Rollet. Grâce à Internet, les gens pourront préparer leur disparition et laisser une trace de leur passage sur terre.» Nel Obs 23 Janvier 1997”
Ce « jour des morts » (le vrai, le lendemain de la Toussaint, fêtes de tous les saints) peut être l’occasion d’évoquer le souvenir d’un quasi anonyme qui fut un grand honnête homme : Jean Rollet !
Meknès, en 1968 ou 69, ce directeur du BELC (Bureau d’études linguistiques et culturelles ou quelque chose de proche), annexé au Lycée Paul Valéry, nous reçoit dans son logement de fonction, nous les quasi blédards d’Azrou venus sans doute solliciter quelqu’aide, aux plafonds immenses. Un personnage presque gigantesque, au rire homérique, mais à l’immense gentillesse, père d’une famille nombreuse et heureuse. Nous le retrouverons devenu directeur de l’action culturelle à la MUCF* à Rabat.
Ce n’est que beaucoup plus tard que nous apprendrons la saga de Jean Rollet. La mort de son père l’oblige à quitter l’école Normale où il allait devenir instituteur pour reprendre la petite entreprise familiale. Non content de la faire survivre, il va la faire passer d’une vingtaine de salariés à plus de deux cents.
Et mission accomplie, il décide de la céder et, avec sa petite famille fondée entre temps, de retourner à ses premières amours pédagogiques en partant en coopération en Tunisie.
C’est donc quelques années plus tard que nous le retrouvions à Meknès, puis à Rabat.
La fin de son séjour marocain a peut-être été gâchée par la malfaisance qui régnait dans beaucoup de couloirs de la MUCF (devenue depuis MUCC) où certains passaient la moitié de leur temps à glisser des peaux de bananes sous les pieds de leurs collègues et l’autre moitié à les éviter.
A son retour, il est redevenu instituteur.
Et à sa retraite il est devenu un cyberpapy à une époque où même les 40-50 ans considéraient pour beaucoup Internet et même l’ordinateur avec méfiance…
Je l’avais invité à animer une soirée mensuelle pour les parents d’élèves du collège que je dirigeais : malheureusement sa santé s’était dégradée.
Malheureusement aussi son idée de « cimetière virtuel » a été dévoyée par des boutiquiers du deuil…
Hommage donc à ce grand homme au double sens du mot.
* MUCF : Mission Universitaire et Culturelle Française, MUCC : Mission Universitaire et Culturelle de Coopération