« Le cléricalisme voilà l’ennemi » clamait Gambetta en 1877. Bruno Retailleau, le bigot du bocage vendéen, qui n’a pourtant rien d’un Gambetta, clame lui « Le communautarisme voilà l’ennemi ! ». Toute affaire cessante, il va déposer une proposition de loi pour interdire les listes communautaristes aux municipales.
L’épouvantail agité a été une fantomatique Union des démocrates musulmans français qui a fait 0,13% soit 28469 voix aux européennes !
Certes ont répondu Xavier Bertrand et Gérald Darmanin, mais, dans certains bureaux, cette UDMF a fait des scores inquiétants. Notamment dans un bureau de Maubeuge, où le clair de lune était donc au premier croissant : « Plus de 40 % des votants de ce bureau ont voté pour cette liste qui se disait musulmane. (…) C’est un constat terrible pour la République. » nous alerte Darmanin. De fait, c’est dans le 17e bureau de Maubeuge que le parti obtient son meilleur score, avec 40,94 % de voix exprimées ! Sauf que ce score flatteur se réduit à 70 voix, dans un bureau qui comptait 761 inscrits. Si l’UDMF dépasse 40 % dans ce bureau maubeugeois, c’est donc en raison d’une importante abstention (77,14 %)*.
Bruno Retailleau renchérit : « Aux élections européennes, il y a des listes qui ont fait dans une cinquantaine de bureaux de vote plus de 10 % ». Sauf que, comme à Maubeuge, ces pourcentages correspondent à un nombre de voix ridicule. Ainsi, au bureau 21 de Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire), l’UDMF obtient 20 % des suffrages avec cinq voix : sur 443 électeurs inscrits, seuls vingt-cinq se sont déplacés !*
Le constat terrible pour la République ayant fait long feu avec cette UDMF, on nous sort un certain Samy Debah, qui aux législatives de 2017 a devancé à Garges-les-Gonesses, le sortant F. Pupponi avec 56% contre 44% au second tour. Score flatteur mais avec plus de 70% d’abstentions. Mais, ce Debah, qui annonce sa candidature aux municipales, est lui un excellent client, car c’est le président et fondateur du Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF). Bien que reconnu d’utilité publique, ce CCIF est présenté, par Caroline Fourest (et bien d’autres bien sûr), comme lié aux frères musulmans.
Donc pour barrer la route de la mairie de Garges-les-Gonesses à ce Monsieur Debah, professeur de l’enseignement public, mairie qu’il est loin d’avoir gagnée d’ailleurs puisque les municipales mobilisent plus les électeurs, il faudrait une loi. Au risque d’interdire à Jean-Frédéric Poisson, président du fameux parti démocrate chrétien fondé pas Christine Boutin, de présenter une liste à Rambouillet dont il fut maire.
Le sénateur Retailleau ne peut ignorer qu’une telle proposition de loi est vouée à l’échec ; il s’agit bien d’une opération de communication cynique. Il serait peut-être temps d’arrêter cette surenchère liberticide avec l’extrême-droite.
* Données tirés du Monde
L’interdiction des listes communautaires laisse des juristes très sceptiques
Définir le « communautarisme » s’avère (…) épineux quand on veut, in fine, viser uniquement l’islam politique. M. Retailleau, dans son texte axé contre l’« islam radical », défend ainsi « l’interdiction de tout élément, direct ou indirect, relevant de discours contraires aux principes de la souveraineté nationale, de la démocratie ou de la laïcité, et qui soutiennent les revendications d’une section du peuple fondées sur l’origine ethnique ou l’appartenance religieuse » lors d’une campagne électorale.
« Avec une phrase pareille, vous interdisiez le Parti communiste français qui prônait la dictature du prolétariat, estime Olivier Duhamel, constitutionnaliste, professeur des universités à Sciences Po et président de la Fondation nationale des sciences politiques. Et au nom d’exactement la même définition, vous interdisez les mouvements démocrate-chrétien, occitan, ou encore indépendantiste corse. »
A l’Assemblée nationale, Eric Pauget propose que les préfets interdisent des candidatures sur la base d’une enquête administrative. « Totalement impossible », réplique M. Maus, président émérite de l’Association française de droit constitutionnel et ancien conseiller d’Etat, quand M. Duhamel dénonce, pour sa part, une mesure « outrageusement liberticide ».
« Que de telles propositions émanent de groupes d’ultradroite, ce ne serait pas surprenant, mais qu’elles émanent de membres des Républicains, cela prouve que le libéralisme politique ou, en d’autres termes, le pluralisme politique, n’est plus à leurs yeux une valeur fondamentale, estime Olivier Duhamel. C’est ça le plus grave. »
Extraits Le Monde 19/11/2019
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