Sur une page d’un groupe fessebouc au titre explicitement anti FHaine (« 30 000 beurks contre le FN »), ça commence comme cela :
A…… D……..
28 avril, 13:22
Voilà ce qu'on trouve en 2018 sur les présentoirs à la Fnac de Valenciennes ! Ça ne vous pose pas de problème la Fnac ????!!!!😡
Photos de M… B… Merci de m'avoir alertée !
Et celle qui avait donc photographié l’ouvrage de commenter :
M… B… Regarde apparemment c'est une réédition d'un livre de 1928. Hallucinant qu'on réédite !
bientot "mein kampf" !...?
Essayer de ramener l’échange sur des bases un peu plus sereines relevait de mission impossible. Inutile donc de rappeler que, de fait, ce livre date de 1928, qu’il est signé d’un écrivain Blaise Cendrars et que la quatrième de couverture énonce clairement qu’il s’agit de dix contes africains et que, dans le contexte de l’époque le mot « nègre » n’avait pas la connotation négative qu’il a pris depuis.
Peine perdue.
Une charmante personne A… K… de rétorquer :
Putain bande de fdp, vous en avez pas marre de votre paternalisme et de votre ignorance... le mot negre est raciste point...Y a pas à polémiquer... Mais comme dans votre inconscience votre supériorité vous dépasse vous n arriver pas à réfléchir...que d ignorance... j'ai même vue dans un commentaire que c'était pareille que le mot pd. Non je suis dépasser...Et y a un autre fils de hyènes qui chouiane en disant que comme les noirs se disent ça entre eux negros, on peut se le dire....pitation...
Alors la vous ne faites que confirmer l hypocrisie des blancs...il suffit de gratter pour comprendre que leurs anti racisme c'est du flan.... celui qui veut me répondre je suis prête...
Et d’ajouter :
Encore un sacré fdp... vous les blancs arrêtez d être des hypocrites comme ça... Quand je dis que le blanc sera tjs raciste... il ne peut se de faire de cette tare... un raciste reste un raciste...
Et ce ne sont que quelques extraits copiés/collés de l’intarissable et insultante personne.
Inutile de dire qu’instruit par les échanges que j’ai pu avoir avec de pseudo-athées jouant les croisés de l’anti-circoncision, j’ai tiré l’échelle. Bien que l’abrutie patentée qui insulte comme un troll continue de me poursuivre de son imbécillité.
Mais l’anachronisme qui consiste à projeter dans le passé les critères d’aujourd’hui est une tentation constante.
Disons d’abord qu’un mot du langage courant, nègre ou autre, n’est pas en soi une insulte. Aimé Césaire se l’est réapproprié, alors même qu’il était devenu déjà péjoratif :
Et comme le mot soleil est un claquement de balles
et comme le mot nuit un taffetas qu'on déchire
le mot nègre
dru savez-vous
du tonnerre d'un été
que s'arrogent
des libertés incrédules
(Césaire, Corps perdu)
Comme le rappelle Christine Le Quellec Cottier, dans la préface d’une édition de 2005 de l’Anthologie nègre, les dadaïstes s’intéressent à l’oralité africaine (« Poèmes nègres» de Tzara, «soirées nègres»). Puis les peintres (Pablo Picasso, Fernand Léger), les écrivains (Apollinaire, Leiris, Bataille, Breton, Morand, Cendrars), les musiciens (Milhaud) et danseurs partageront une même fascination pour l’Afrique, les Africains noirs et les Afro-Américains. L'art nègre offrait le moyen de rejeter les valeurs occidentales.
En 1920, après la guerre, l'art nègre connaît en Europe un second souffle qui le confirme dans son rôle d'altérité et fait de lui le dernier espoir d'une société qui a touché au tréfonds d'une humanité déchue. Pour survivre à la catastrophe, il faut rejeter les codes d'une civilisation qui a conduit à la faillite et à la destruction, il faut être inadapté, hors normes, comme un primitif moderne.
Cendrars cherche cette force brute dans l'imaginaire des contes africains qu'il a découverts au cours de ses lectures, puisqu'il n'est jamais allé en Afrique noire qu'à l'occasion d'une brève escale à Dakar sur le chemin du Brésil. Il aborde par le livre une culture de l'oralité fixée par les mots puisque ces contes ont été recueillis, transcrits puis rédigés par des missionnaires ou des colons qui les ont détachés de leur origine.
Lorsqu'elle paraît en 1921, l'Anthologie nègre est un événement littéraire : c'est la première fois que de tels récits sont regroupés pour former une somme artistique et non pas ethnologique. Le poète a choisi de les considérer comme des œuvres d'art dont il fallait restituer la force vive.
L’après-guerre verra donc Paris accueillir Joséphine Baker qui se produira au Bal nègre ou dans la Revue nègre. Non sans ambiguïté dans le rôle d’érotique sauvage qu’on lui faisait jouer. Et le Jazz débarqué en France en 1917 avec les troupes américaines va faire de notre pays sa seconde patrie.
Cela ne gomme pas le passé colonial avec ses expositions, ni, pire, les zoos humains. Mais il faut être aveuglé par un fanatisme contre-productif – puisque pour prétendument combattre le racisme il utilise les armes mêmes des racistes – pour faire des « Petits Contes nègres pour les enfants de Blancs » un livre à mettre à l’index.
commenter cet article …